L’ancienne procureure générale intègre la direction de l’Autorité de régulation de l’énergie

Renata Vesecká, photo: Tomáš Adamec, ČRo

L’ancienne procureure générale Renata Vesecká a été nommée au poste de directrice-adjointe de l’Autorité de régulation de l’énergie (ERÚ), ce mardi. Elle aura à gérer quelque quatre-vingt dossiers de plaintes judiciaires dans lesquelles cet organe est impliqué. Néanmoins, la durée de son mandat est incertaine. Le jour même de la nomination de Renata Vesecká, la Chambre des députés a délibéré en session extraordinaire sur l’amendement à la loi sur l’énergie qui devrait sensiblement modifier la structure de la direction de l’Autorité de régulation de l’énergie. L’actuelle chef d’ERÚ Alena Vitásková estime que la loi organise la mise sous tutelle de son office vis-à-vis de la sphère politique.

Renata Vesecká,  photo: Tomáš Adamec,  ČRo
Renata Vesecká a occupé le poste de procureure générale entre 2005 et 2010, puis a été démise de ses fonctions par décision du gouvernement. En décembre 2007, sa prédécesseur Marie Benešová l’a désignée comme faisant partie de la « mafia judiciaire », notamment pour ses interventions dans l’affaire de corruption mettant en cause l’ancien ministre et chef du parti chrétien-démocrate Jiří Čuněk. A l’époque, le parquet général avait dessaisi le dossier à un procureur de Přerov pour le confier à un magistrat de Jihlava, lequel avait décidé d’arrêter les poursuites. Après avoir été quatre ans dans la sphère privée, Renata Vesecká est devenue, ce mardi, la directrice-adjointe de l’Autorité de régulation de l’énergie. Le porte-parole de l’institution, Jiří Chvojka, a précisé :

« Renata Vesecká sera chargée du domaine législatif et de gestion. Cela implique qu’elle aura la responsabilité de toute activité en matière légale et juridique. C’est un portfolio très étendu qui passe par la délivrance des licences aux prestataires de l’énergie, par la gestion des plaintes judiciaires, et va jusqu’à la protection des consommateurs et d’autres domaines encore. »

L’aide d’une juriste expérimentée, l’Autorité de régulation de l’énergie en a certainement besoin car elle fait actuellement l’objet de quelque quatre-vingt plaintes en justice relatives notamment à l’octroi suspect de licences d’exploitation. En effet, le soutien aux énergies renouvelables en République tchèque tel qu’il était garanti par la loi dans sa version initiale de 2005 (le texte a été amendé en 2010), couplé d’une baisse considérable des coûts de technologies, a signifié un profit sûr aux investisseurs dans le photovoltaïque. Ainsi le secteur est devenu un domaine d’investissement spéculatif qui a fait grimper les prix de l’électricité. En réaction, l’Etat a décidé de réduire de près de moitié le prix d’achat de l’énergie à partir de 2011. Ainsi, l’octroi d’une licence d’exploitation encore en 2010 garantissait à l’investisseur un profit plus important, selon la taille de sa centrale la différence a pu avoisiner des milliards de couronnes.

Plusieurs cas d’attribution de licence sont donc enquêtés par la police. En septembre 2013, par exemple, le procureur d’Olomouc a mis en accusation la présidente de l’institution, Alena Vitásková, et neuf autres personnes pour une affaire de fraude relative à l’exploitation de deux centrales photovoltaïques dans la région de Bohême du Nord. Dans les dernières heures de l’année 2010, les entreprises concernées auraient obtenu une licence d’exploitation et auraient ainsi pu bénéficier au dernier moment d’un prix d’achat de l’énergie plus avantageux, alors que la construction des centrales n’était pas totalement achevée. Alena Vitásková a à son tour porté plainte contre l’ancienne direction de l’institution qu’elle accusait d’abus de pouvoir (cette plainte a été ajournée en 2013). Celle-ci aurait accordé une aide trop importante à l’exploitation de l’énergie photovoltaïque. Selon le porte-parole Jiří Chvojka, l’arrivée de Renata Vesecká s’inscrit dans ce contexte tendu :

« L’engagement de Renata Vesecká a été planifié par avance car il fallait occuper le poste d’un des directeurs-adjoint, vacant depuis plus d’un an. Renata Vesecká a accepté l’offre de la présidente de l’institution afin d’aider, grâce à son expérience professionnelle, à résoudre la situation compliquée autour de l’Autorité de régulation de l’énergie, et ce, que cela concerne les plaintes et les procès en justice ou les tentatives de limiter l’indépendance d’ERÚ. »

Alena Vitásková,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Parmi ces tentatives de limiter l’indépendance de l’office, la présidente Alena Vitásková désigne tout particulièrement l’amendement à la loi sur l’énergie dont la première lecture a été ajournée ce mardi. Appuyé par tous les partis de la coalition gouvernementale, le texte envisage une modification de la structure de la direction d’ERÚ, qui devrait être gérée par un conseil composé de cinq personnes, proposées par le gouvernement et nommées par le président de la République. Ce changement, qui implique la suppression du poste d’Alena Vitásková, vise selon elle à politiser et à déstabiliser l’institution et à la paralyser dans son rôle de régulateur du marché des énergies, tout cela au détriment des droits des usages.

Selon le calendrier prévu par le ministère de l’Industrie et du Commerce, la loi sur l’énergie devrait entrer en vigueur en juillet 2015. Si la clause sur la nouvelle structure de la direction de l’office est maintenue, elle mettrait fin au tandem Vitásková-Vesecká qui vient d’être mis en place ce mardi.