La poésie de Karel Kryl célébrée par la jeunesse

Karel Kryl

Célébrer la force poétique de l’œuvre de Karel Kryl trente ans après le début de la révolution de Velours : tel était le défi de la dizaine d’étudiants du Conservatoire de Prague qui ont récemment interprété les textes du chanteur tchèque lors d’un concert donné au centre culturel Vozovna, dans le quartier pragois de Žižkov. Cette soirée a été menée par une jeunesse sensible à la beauté des mots de l’une des voix majeures de la musique contestataire en Tchécoslovaquie.

Karel Kryl | Photo: Jiří Sláma,  ČRo

Le public est venu nombreux pour applaudir ces talents issus d’une génération qui, contrairement à la majorité des spectateurs présents, n’a pas connu les événements majeurs de l’histoire de l’ex-Tchécoslovaquie. Auteur de la célèbre chanson « Bratříčku, zavírej vrátka » (Ferme la porte petit frère), inspirée de l’invasion soviétique du pays en août 1968, Karel Kryl a porté, pendant des années, un message de paix soutenu par sa voix et ses mélodies mélancoliques.

Avec le temps, ses chansons sont devenues de véritables classiques du répertoire tchèque. Le chanteur originaire de Moravie ne se rendait jamais sur scène, dans les bars ou à la radio sans sa guitare. Les élèves du Conservatoire ont suivi son exemple pour une soirée en musique, donc, mais pas seulement.

Décoré du Prix Jan Zahradníček en 1989 et de l’Ordre du Lion blanc à titre posthume en 1995 par Václav Havel, un après sa mort à Munich, Karel Kryl était avant tout un brillant parolier. La force évocatrice des métaphores et des allégories de ses textes ont contribué à faire de lui un poète national. Le concert était ainsi pour ces jeunes l’occasion de déclamer quelques-uns de ses textes.

En 2016, l’attribution du prix Nobel de littérature à Bob Dylan avait relancé le débat sur l’appartenance des chansons à la littérature. Deux élèves du Conservatoire, Michal Pecher et Bára Horčičková, nous partagent leur point de vue sur le rapport que Karel Kryl entretenait avec la poésie :

« Bien sûr que Karel Kryl était connu pour ses chansons, mais il a principalement repris ses poèmes pour les mettre en musique. Ce n’est qu’après qu’il a commencé à chanter. »

« Karel Kryl lui-même disait qu’il ne composait pas des chansons mais écrivait des poèmes. Ses poèmes ont été mis en musique plus tard, comme par exemple ‘Bratříčku, zavírej vrátka’. Ma préférée parmi ses chansons, c’est ‘Nevidomá dívka’ (La fille aveugle), qui comporte également beaucoup de sens cachés. Il y a du mystère et c’est probablement la chanson qui m’a le plus touchée quand je l’ai entendue pour la première fois. »

Jarmila Žilková et ses élèves,  photo: Jordan Joseph

La professeure de chant Jarmila Žilková, elle, est satisfaite que la nouvelle génération perpétue la mémoire du chanteur :

« J’ai préparé cette soirée avec les étudiants et j’ai été très surprise et très heureuse de voir qu’ils connaissaient les chansons de Karel Kryl. Elles appartenaient à notre temps, quand j’étais jeune, et ils ont adoré. Ce sont eux qui ont choisi les chansons et c’était avec beaucoup d’enthousiasme qu’ils ont préparé cette soirée. »

« Quand j’étais jeune, nous adorions Karel Kryl, nos enfants devraient donc savoir au moins qui il était et ce pourquoi il s’est battu… Enfin, pas vraiment se battre, plutôt ce pourquoi il a chanté », nous confie une spectatrice visiblement émue.

« Notre génération a grandi pendant cette période horrible où les Russes sont arrivés, avant la révolution de Velours il y a trente ans. C’était vraiment la meilleure poésie et la meilleure musique pour nous et pour tout le monde », conclut Jarmila Žilková.

Défi relevé par ces jeunes artistes…


Avec les élèves du Conservatoire de Prague :

Filip Kincl

Kristina Tisoňová

Lucie Dunkinová

Kateřina Helclová

Michal Pecher

Lukáš Koláček

Bára Horčičková

Nikola Štěpánková

Honza Kozák