La loi sur les restitutions des biens aux Eglises rejetée par le Sénat

Pendant toute la journée de mercredi le Sénat (Chambre haute du Parlement tchèque) a débattu du projet de loi sur la restitution des biens aux Eglises. Comme il fallait s’y attendre, le projet a été finalement rejeté par les représentants de l’opposition qui sont majoritaires au Sénat. Le projet sera donc maintenant renvoyé à la Chambre des députés et la coalition aura désormais besoin de la majorité absolue de 101 voix pour l’adopter. Lors du premier vote, en juillet dernier, elle n’en avait réuni que 93.

Photo: Archives de Radio Prague
Selon le projet de la loi, les Eglises tchèques devraient récupérer à peu près la moitié de leurs biens immobiliers confisqués par le régime communiste et qui sont évalués à 75 milliards de couronnes (3 milliards d’euros). Pour les biens qui ne peuvent pas êtres restitués pour diverses raisons les Eglises devraient obtenir une compensation de 53 milliards de couronnes (plus de 2 milliards d’euros) en plus de l’inflation. Les paiements de ces compensations devraient s’échelonner sur une trentaine d’année au cours desquelles l’inflation pourrait faire augmenter la somme définitive jusqu’à 90 milliards de couronnes.

L’opposition considère cette loi comme bâclée et injuste. Les critiques estiment qu’elle permettra aux Eglises de récupérer pratiquement tous leurs biens confisqués ce qui les favorisera injustement par rapport à d’autres bénéficiaires de restitutions qui n’ont récupéré qu’une partie de leurs biens. L’opposition affirme également que les compensations pour les biens irrécupérables sont surévaluées de 54 milliards de couronnes. Selon le sénateur et vice-président du Parti social-démocrate Jiří Dienstbier, le prix des terres arables aurait été surévalué quatre fois et celui des forêts dix fois. Certains juristes attirent aussi l’attention sur le danger d’une certaine rétroactivité de la loi. Selon le sénateur Jan Hajda le projet ne respecte pas la date limite du 25 février 1948. Jusqu’à présent les restitutions de biens confisqués avant cette date n’étaient pas possibles :

Jan Hajda
« C’est l’abolition de la loi No 142 sur la réforme agraire adoptée sous le président Beneš en 1947. C’était la loi sur la révision de la première réforme agraire adoptée en 1919 sous le président T. G. Masaryk et le ministre Antonín Švehla. Ainsi sera pratiquement abolie aussi cette réforme agraire et les Eglises auront droit d’obtenir une encore plus grande quantité des biens que celle qu’elles ont fait enregistrer lors de la réforme agraire de 1919. »

La coalition rejette tous ces arguments qu’elle considère comme infondés et accuse les critiques d’ignorer le texte de la loi. Le sénateur Pavel Čáslava du Parti civique démocrate ODS souligne :

Pavel Čáslava
« Nous devons tout simplement respecter le principe qu’il faut restituer ce qui a été volé. Les objections de l’opposition concernant la détermination insuffisante des biens qui doivent être restitués et d’autres imperfections de cette loi me semblent être des prétextes pour éviter la réparation des torts et s’opposer à la justice. »

Les défenseurs du projet soulignent qu’il n’a pu voir le jour que grâce à un consensus unique qui a été atteint pour la première fois par les 17 Eglises tchèques et l’Etat et qu’il faut profiter de cette occasion historique. Ils rappellent que la loi permettra aussi de déterminer de nombreux rapports de propriété dans des villes et à la campagne tchèque. Selon la ministre de la Culture Alena Hanáková du parti TOP 09, l’adoption de cette loi est inévitable également à cause du verdict de la Cour constitutionnelle qui a critiqué la passivité du législateur vis-à-vis de ce problème :

Alena Hanáková
« Depuis 20 ans l’opposition dit qu’il faut discuter ce problème. Oui, mais ils ont pu le faire depuis longtemps. Tous ceux qui nous ont précédé pouvaient le faire. Ils avaient cette chance et ils avaient sans doute aussi beaucoup d’idées sur la façon de le faire. Mais ils n’ont pas résolu ce problème et aujourd’hui c’est d’autant plus difficile. Je désire donc que tout ce processus soit achevé et que la restitution des biens des Eglises soit approuvée. »

Difficile de prévoir quel sera le sort de la loi après son retour à la Chambre des députés. Le chef du groupe de la Social-démocratie dans le Sénat Petr Vícha espère que la loi ne passera pas :

Petr Vícha
« J’espère que la coalition ne réussira pas à réunir dans la Chambre des députés 101 voix pour adopter cette loi et que notre travail n’a pas été inutile. J’espère aussi qu’on commencera à chercher une solution plus juste parce que nous tous qui avons voté contre cette loi, nous désirons que les Eglises récupèrent les biens volés. Ce qui a été volé doit être restitué mais nous sommes contre la forme financière de ces restitutions qui est désavantageuse pour l’Etat. »

La loi sur la restitution des biens aux Eglises a été récemment critiquée aussi par un groupe de théologiens et d’intellectuels chrétiens mais leur initiative a été rejetée par la Conférence épiscopale tchèque.