La fin de l’exception tchèque du traité de Lisbonne

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Le Premier ministre Bohuslav Sobotka a annoncé, mercredi, que la République tchèque ne fera plus valoir à l’avenir la dérogation à l’application de la Charte des droits fondamentaux du traité de Lisbonne. Dans son accord de coalition, le gouvernement s’est également engagé à adopter le Pacte budgétaire européen (le TSCG - traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance). Au micro de Radio Prague, le vice-président de l’Institut pour la politique européenne Europeum, Vladimír Bartovic, évoque les conséquences pratiques de ces résolutions.

Vladimír Bartovic,  photo: Europeum
La dérogation tchèque à la Charte des droits fondamentaux est née d’une initiative de l’ancien président de la République, Václav Klaus, lequel craignait que le document puisse servir de base juridique pour remettre en cause les décrets Beneš, et par conséquent aboutir à des restitutions des biens ayant appartenu aux Allemands des Sudètes expropriés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vladimír Bartovic explique le non-sens de cette crainte :

« Les experts s’accordent sur le fait que la Charte ne permet pas une remise en cause de ces décrets auprès de la Cour de justice européenne, car celle-ci ne dispose pas pas des compétences pour juger d’un contentieux juridique antérieur à l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux. »

Depuis longtemps déjà, le parti social-démocrate, principale formation de l’actuelle coalition gouvernementale, a fait savoir qu’il voulait en terminer avec cette dérogation, laquelle n’a, de fait, jamais été appliquée. Après l’ultimatum de Václav Klaus, qui menaçait de mettre son veto à l’intégralité du traité de Lisbonne si son souhait n’était pas entendu, le texte de la dérogation a été rédigé en forme de protocole additionnel au traité. Celui-ci a dû être ratifié par tous les Etats membres, y compris la République tchèque. Mais ce processus de ratification a été bloqué en République tchèque par l’arrivée, en 2012, de la majorité sociale-démocrate au Sénat. La fameuse dérogation n’est donc jamais entrée en vigueur et Vladimír Bartovic conclut :

« Ainsi, les citoyens tchèques sont jusqu’à maintenant protégés par cette charte. De surcroît, la dérogation ne concernait qu’une petite partie du texte. Bref, en abandonnant officiellement le processus de ratification, rien ne change en pratique. »

Les conséquences de la pleine adhésion tchèque à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont de ce fait surtout symboliques - le nouveau gouvernement démontre ainsi sa volonté de coopérer avec ses partenaires européens. Quant à l’adhésion au Pacte budgétaire, elle aurait des implications beaucoup plus concrètes. Vladimír Bartovic :

« Avant que la République tchèque n’adopte l’euro, l’acceptation du Pacte budgétaire signifie surtout le droit de participer aux sommets de la zone euro qui regroupent non seulement les Etats possédant déjà la monnaie commune, mais aussi les Etats ayant ratifié ce Pacte budgétaire, qui sont au nombre de 25. Actuellement, seuls trois Etats sont exclus de ces réunions : le Royaume-Uni, la République tchèque et la Croatie, laquelle vient tout juste d’intégrer l’UE. »

Photo: Commission européenne
Plusieurs chapitres du Pacte budgétaire européen deviennent juridiquement contraignants au moment de la ratification. Mais cela n’est pas le cas de ses dispositions les plus controversées relatives à la discipline budgétaire. Pour que celles-ci deviennent obligatoires, un Etat doit déjà posséder l’euro ou s’engager à les respecter de sa propre initiative, comme l’ont fait le Danemark et la Roumanie. Il est peu probable que la coalition formée des sociaux-démocrates, du mouvement ANO et des chrétiens-démocrates accepte volontairement ces contraintes. Néanmoins, il s’agit là encore de montrer à Bruxelles et aux autres Etats membres que la République tchèque tient à faire partie de l’Europe de la première vitesse et ne veut pas se retrouver à la périphérie de l’Union.