Falstaff, le héros tragicomique de Shakespeare magnifié par la musique de Verdi

Falstaff, photo: CTK

Dans son dernier opéra Giuseppe Verdi a puisé, une fois de plus, dans l’œuvre immense de Shakespeare. Pour écrire son testament musical, le compositeur n’a cependant pas choisi une tragédie, comme on pouvait s’y attendre, mais une des plus folles comédies du grand dramaturge britannique «Les Joyeuses commères de Windsor» et notamment le personnage du vieux chevalier déchu et clochardisé Sir John Falstaff. C’est l’opéra Falstaff de Verdi qui a eu la première, mercredi, au Théâtre national de Prague.

Martin Huba,  photo: CTK
Falstaff, ce chevalier ventripotent, hâbleur et fier malgré la pauvreté dans laquelle il se retrouve, ne cesse de fasciner les gens du théâtre depuis des siècles. C’est donc autour de ce personnage tragicomique que le metteur en scène Martin Huba a construit toute cette production au Théâtre national de Prague:

«Le caractère plein de contradictions de Falstaff, qui se cache d’une façon très astucieuse sous d’autres traits caractéristiques beaucoup plus agressifs, est justement ce qui a commencé à nous passionner dans ce personnage. Falstaff, qui n’est en apparence qu’un paquet de graisse, un voleur et un coureur de jupons, est en réalité un homme qui est loin d’être aussi univoque. Il s’agit d’un personnage très apprécié en temps de guerre, mais qui tombe, en temps de paix, à un niveau très bas, nous dirions aujourd’hui au niveau d’un sans domicile. (…) Et ces différences entre les périodes de la vénération et celles de l’opprobre se reflètent dans le caractère et le comportement de ce beau héros compliqué.»

Falstaff,  photo: CTK
Evidemment, les artisans de cette production se sont rendus compte qu’il s’agissait d’un opéra comique, qu’il fallait respecter les règles du genre et qu’il ne fallait pas exagérer la psychologisation des personnages. Ils ont donc choisi pour cette production le principe de la commedia dell’arte qui leur a donné le moyen d’alléger l’action scénique et de lui donner l’humour qui se trouve dans la pièce de Shakespeare et dans l’opéra de Verdi. Falstaff, les commères de Windsor et toute une foule d’autres personnages évoluent donc sur scène dans une espèce d’immense cage, qui symbolise le monde limité des possibilités, des désirs et des préjugés dans lequel sont enfermés non seulement John Falstaff mais aussi d’autres personnages de l’opéra. Cette production montre cependant aussi que même dans ce monde limité, on peut vivre des aventures passionnantes et rire à pleins poumons.

Le rôle de Sir John Falstaff est campé dans cette production par le baryton tchèque Ivan Kusnjer et la basse britannique Andrew Greenan. Pour les deux, c’est la première rencontre avec ce héros tonitruant sur scène. Pour Andrew Greenan, dont l’arrière-grand-mère était tchèque, c’est aussi le premier engagement au Théâtre national. Lorsqu’il étudiait le rôle, Falstaff est vite devenu pour lui un personnage familier, un ami :

Falstaff,  photo: CTK
«Il est intéressant que les gens qualifient souvent ce rôle de comique. En ce qui me concerne, je dois dire plus longtemps je m’occupe de ce rôle, plus Falstaff me paraît ‘normal’. Il est intéressant aussi qu’à mon avis, quand vous voyez Falstaff sur scène, vous ne riez pas de lui mais vous riez avec lui. Et c’est l’autre chose qui m’intrigue dans ce rôle.»

Le vieux Verdi a mis à la fin de son opéra un grand ensemble, une fugue, dans laquelle tous les personnages de l’opéra chantent «Tutto nel mondo è burla – Le monde n'est que farce». Une façon du vieux maître de nous dire qu’il ne faut pas nous prendre trop au sérieux.