Enfants en difficulté : le président s’oppose à la suppression des centres d’accueil

Mercredi, le président Václav Klaus a opposé son veto à l’amendement à la loi relative à la protection juridique et sociale de l’enfant. La nouvelle législation vise surtout à réduire le nombre d’enfants en difficulté grandissant dans divers centres d’accueil et à augmenter le nombre de familles d’accueil. En effet, la situation telle qu’elle se présente depuis des dizaines d’années en République tchèque n’existe, selon les experts, nulle part ailleurs en Europe, ni même dans les ex-pays communistes. Ces derniers, y compris la Slovaquie voisine, ont progressivement supprimé le nombre de centres d’accueil pour les mineurs en difficulté et notamment pour les enfants de moins de trois ans.

En République tchèque, environ 11 000 enfants grandissent dans divers centres, dont environ 9 200 dans les centres appelés « dětské domovy » (maisons d’enfants) qui accueillent les enfants de moins de 18 ans. Les plus petits sont placés dans les « kojenecké ústavy », littéralement traduit « centres pour nourrissons », une appellation qui correspond parfaitement à la triste réalité : chaque année, environ 2 000 bébés de moins de 18 mois y sont accueillis. 55% d’entre eux reviennent ensuite dans leurs familles d’origine, tandis que 32% sont par la suite placés dans des familles d’accueil ou adoptives. De ce fait, la République tchèque est montrée du doigt, depuis bien longtemps, par l’ONU et d’autres institutions internationales. C’est justement cette critique qui déplaît au chef de l’Etat. Václav Klaus a justifié son refus de signer la loi sur son site Internet en expliquant que l’amendement avait été adopté par le Parlement sous la pression précisément de ces institutions internationales.

Ria Černá, de l’ONG Amalthea en charge d’aide sociale à l’enfance, a réagi pour Radio Prague à la décision de Václav Klaus :

Ria Černá
« Nous avons appris avec stupéfaction et déception la position de M. le président. Nous sommes persuadés que l’amendement, adopté par la Chambre des députés en deuxième lecture, est un grand pas en avant dans le système de soins apportés aux enfants en difficulté. La loi en question n’a pas été modifiée depuis la chute du communisme en 1989. Par conséquent, les enfants vivent dans des centres au lieu de grandir en milieu familial. Par ailleurs, cet amendement n’inclut pas la suppression, tant critiquée, des centres d’accueils pour les bébés. Un des objectifs principaux du texte est de modifier le système d’aide sociale, notamment de travailler avec les familles de façon préventive, afin que les enfants ne soient pas enlevés à leurs parents. Et si, dans un cas vraiment sérieux, cet enlèvement s’avère nécessaire, il faut que l’enfant soit placé le plus rapidement possible dans une famille d’accueil. »

C’est justement le nombre prétendument insuffisant des familles d’accueil susceptibles d’élever dans de bonnes conditions des enfants en difficulté qui inquiète le président Klaus comme de nombreux autres critiques du nouveau système, dont certains médecins, députés et sénateurs. Si, en République tchèque, il existe actuellement environ 8 000 familles d’accueil (nombre qui inclut également les grands-parents ou autre proches des enfants pris en charge), leur nombre devrait augmenter d’ici à 2014, année où le nouveau système devrait entrer en vigueur. Par ailleurs, les critiques de celui-ci craignent que les nouvelles familles d’accueil ne soient motivées que par l’augmentation prévue des rémunérations.

Václav Klaus,  photo: CTK
En expliquant son véto, le chef de l’Etat a dessiné un tableau particulièrement sombre :

« Certains enfants, s’ils ne peuvent pas grandir en centre, vivront, dans le meilleur des cas, dans des hôpitaux. Dans le pire des cas, ils grandiront dans la rue ou seront morts », estime Václav Klaus. Des propos que Ria Černá réfute résolument :

« Il faut désormais nous concentrer sur la recherche de familles d’accueil susceptibles de prendre en charge temporairement les tout petits enfants après leur naissance. Pour cela, le gouvernement a fixé la date du 1er janvier 2014. Mais cela ne veut pas dire qu’au 31 décembre 2013, les centres d’accueil fermeront et que les enfants seront jetés à la rue, comme l’imagine le président de la République.

Une campagne a été lancée en vue de trouver des parents susceptibles de prendre en charge des enfants. Heureusement, les gens nous contactent eux-mêmes, ils sont plus nombreux qu’avant à nous appeler pour se renseigner. Souvent il s’agit de parents qui ont des enfants adultes ou âgés de plus de dix ans qui ont encore envie et la force d’élever d’autres enfants. Il me paraît presque ridicule de penser que quelqu’un pourrait accueillir des enfants uniquement pour améliorer sa situation financière. Et si tel était le cas, c’est aux psychologues et aux travailleurs sociaux d’éliminer de telles personnes de la liste des adeptes. »

L’amendement en question, proposé par le ministère du Travail et des Affaires sociales, sera donc soumis à un second vote à la Chambre des députés. Comme le constate la presse, après le véto présidentiel, les chances d’adoption du texte ont quelque peu diminué…