Edith Piaf et Jacques Brel immortels pour le public tchèque

Jacques Brel

Il y a quarante ans, le 11 octobre 1963, Edith Piaf s'éteignait. Quinze ans plus tard, presque jour pour jour, le 9 octobre 1978, c'est Jacques Brel qui, terrassé par un cancer, s'en allait à son tour. Deux artistes uniques dont la voix, le talent, les chansons et le destin ont été et sont encore, aujourd'hui, source de passion partout dans le monde, et notamment en Tchécoslovaquie, puis en République tchèque. Jiri Dedecek est l'auteur de l'émission intitulée « Chansons à la française » diffusée sur les ondes de la Radio tchèque. Il a traduit, et traduit encore, de nombreuses chansons interprétées par Edith Piaf et surtout Jacques Brel. Il explique ce que, selon lui, ces deux légendes de la chanson française représentaient pour le public tchèque :

« C'est difficile à dire pour moi, parce que je suis mêlé personnellement dans cette affaire en tant que traducteur des deux chanteurs. J'ai d'abord traduit Edith Piaf pour Svetlana Nalepkova, une chanteuse tchèque, et puis je prépare un CD de Brel pour moi-même. J'interprète, en effet, ses chansons dans des clubs et des théâtres. La phrase est un peu usée, mais d'après la réaction des gens, je peux dire que son oeuvre est toujours vivante. Les gens réagissent. Quand je chante « Les bourgeois », ils rient, ils réagissent, je suppose, de la même façon que les gens à l'époque de Brel. Pour Edith Piaf, c'est différent. Je pense que ses chansons sont traduisibles, mais très difficilement pour les Tchèques. Il est très difficile de les interpréter dans le sens où les Tchèques ne sont pas aussi pathétiques que les Français. Ils n'ont pas le sens du pathos. La banalité des textes de Piaf, qui est évidente, nécessite la voix d'Edith Piaf, ou au moins une voix comme celle d'Edith Piaf, or nous n'en avons pas en République tchèque. C'est un « petit » problème pour l'oeuvre de Piaf. Plus généralement, les deux artistes sont des piliers de la chanson française et mondiale. C'est toujours très intéressant de les écouter, mais pour moi, personnellement, les enregistrements d'époque sont bien mieux. »

-Concernant Jacques Brel, comment faire passer en tchèque le message de ses chansons, car ce sont des textes particuliers, qui racontent son pays ? Comment le public tchèque comprend-il, apprécie-t-il ses chansons ?

« Si vous parlez, par exemple, de la chanson « Le plat pays », c'est peut-être vrai, mais celle-là, je ne l'ai pas traduite. Justement, de son oeuvre, j'ai choisi les chansons que je qualifierais d'universelles, qui parlent à tout le monde, comme « Les bourgeois », que j'ai déjà citée, ou « Les vieux », sur les vieux amants. Ce sont des problèmes, des sujets vraiment universels qui concernent tout un chacun. Dans ce cas-là, il est « facile » de transmettre le message de Brel, c'est à dire qu'il faut bien traduire son texte et puis plus ou moins bien le chanter, avec une voix qui n'est pas celle de Brel, bien évidemment. Mais il faut toujours choisir quelque chose qui parle au peuple tchèque, à l'auditeur, au spectateur tchèque. Avec Brel, c'est plus facile qu'avec Piaf. Avec elle, c'est plus difficile parce que ses chansons ne concernent pas seulement son pays, mais sa vie privée. Il faut être Piaf pour pouvoir chanter Piaf. »