Duel au sommet entre Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg

Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg, photo: Filip Jandourek, ČRo

Tous les médias tchèques étaient à l’affût mardi après la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg et le président Miloš Zeman. Les deux finalistes de l’élection présidentielle étaient à nouveau face à face, cette fois-ci pour un autre combat : celui de la nomination des ambassadeurs tchèques.

Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
D’après la loi c’est le président qui institue et destitue les ambassadeurs, ses décisions étant validées formellement par le Premier ministre ou le ministre des Affaires étrangères. Mais jusqu’à maintenant le processus était dans la pratique inverse, et le nouveau président entend bien remettre la machine à l’endroit, quitte à froisser des sensibilités. Les deux camps campent sur leurs positions. A gauche, le président Miloš Zeman, vainqueur de la première élection présidentielle au suffrage universel direct, qui entend bien s’appuyer sur cette nouvelle forme de légitimité populaire. A droite, le ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre Karel Schwarzenberg, bien réveillé et déterminé à ne pas se laisser dicter ses nominations. Petr Fischer du quotidien économique Hospodářské Noviny était à la Télévision tchèque pour résumer les enjeux du duel.

« Ici, il est surtout question pour la société de savoir quels ambassadeurs nous voulons : ce qu’ils auraient à faire, quelle a été leur formation, quelle expérience ils ont, quel est leur passé ? Et deux tendances s’affrontent : le président Miloš Zeman entend bien faire nommer par exemple Lívia Klausová ou Vladimír Remek et imposer ses vues. Pour Karel Schwarzenberg ce qui importe clairement, c’est le passé professionnel, c’est-à-dire ce que telle personne a prouvé ses capacités dans la diplomatie où il travaille déjà. »

Lívia Klausová,  photo: Petra Sklenářová,  ČRo
Lívia Klausová et Vladimír Remek, les deux pommes de discorde. La première est Première dame retraitée depuis la fin du deuxième mandat présidentiel de son mari Václav Klaus. Le second est un ancien cosmonaute, actuellement eurodéputé du parti communiste tchèque, avec en prime un passé handicapant de communiste de la première heure. C’est fin mars que le conflit éclate, lorsque le porte-parole de Miloš Zeman fait savoir que le président souhaiterait voir Lívia Klausová retrouver sa ville natale de Bratislava en tant qu’ambassadrice. Une volonté qui a fait jaser beaucoup de monde et à laquelle Karel Schwarzenberg s’est immédiatement opposé. Au moins une voix cependant s’est rangée du côté du président, celle Josef Kopecký du magazine en ligne Idnes.cz, qui a estimé que la réticence du ministre est davantage liée à des sensibilités personnelles plutôt qu’à une considération de professionalisme :

« Le ministre des Affaires étrangères a argumenté que c’est démotivant pour les diplomates de carrière quand quelqu’un de l’extérieur obtient un poste... ça n’est pas entièrement vrai car dans le passé des personnes qui ne venaient pas des carrières diplomatiques ont été nominées, par exemple par Václav Havel. Ce n’est pas le problème. En fait, le problème c’est que Lívia Klausová a pris part à la campagne contre Karel Schwarzenberg et surtout contre Madame Schwarzenberg, et je ne suis pas sûr qu’il s’en soit déjà remis. »

Après tant de spéculations médiatiques, la déception a été terrible. Ni le président ni le ministre ne se sont exprimés à l’issue de leur rencontre, leurs porte-parole se contentant d’indiquer que les deux hommes avaient abordé le sujet et qu’ils se reverraient. Retour aux hypothèses pour tout le monde. Karel Schwarzenberg ne cèdera pas sur Lívia Klausová. Par contre, il a été question d’accepter la nomination de Vladimír Remek à Moscou à condition que Miloš Zeman ne s’oppose pas à celle d’Alexandr Vondra (ODS) à Tel-Aviv. Le quotidien Insider, lui, annonce qu’un Vladimír Remek à Moscou ne serait déjà plus d’actualité, tandis qu’Alexandr Vondra pourrait d’ores et déjà faire ses valises pour Israël. Dans les médias, on s’inquiète beaucoup de l’image du pays à l’étranger face à l’opposition forte de deux hommes-clefs de la diplomatie étrangère tchèque. Oldřich Vlasák, vice-président du Parlement européen, est rassurant.

« Non, non. Toute cette détermination n’a rien d’anormale et ici [au Parlement européen] cela n’intéresse personne. »

Toujours est-il que cette cacophonie, si elle ne perturbe pas à l’étranger, n’en bloque pas moins les procédures de nominations diplomatiques et notamment dans certaines places-clefs comme à Vienne. Le Premier ministre Petr Nečas semble vouloir siffler rapidement la fin du match entre son ministre et le président. La question demeure, donc : la guerre des nominations aura-t-elle lieu ?