Dettes, fraudes, faillites : le bilan des Mondiaux tchèques de hockey et de ski nordique

La République tchèque est-elle capable d’accueillir des compétitions internationales de sport, même de moyenne envergure, sans que l’organisation de celles-ci ne se solde par un endettement monumental ? Si l’on s’en tient aux deux dernières grandes manifestations organisées dans le pays, le Mondial de hockey sur glace en 2004 et les Mondiaux de ski nordique à Liberec en 2009, la réponse est clairement négative. Respectivement huit et trois ans plus tard, les centaines de millions de couronnes envolées continuent de hanter de nombreux esprits, comme l’a confirmé la journée de lundi.

C’est d’abord la société organisatrice des championnats du monde de ski nordique en 2009 à Liberec, en Bohême du nord, OC FIS NORDIC WSC 2009, qui a été déclarée en liquidation judiciaire. La décision a été rendue par la Cour municipale de Prague, la semaine dernière. Selon l’administrateur judiciaire, la société doit encore près de 4,5 millions d’euros à une centaine d’entreprises et autres organisations. Le créancier le plus important est la société des transports en commun de Liberec, dont le montant de la créance s’élève à environ 785 000 euros. Autre exemple, l’Université technique de la ville qui avait mis à disposition ses chambres et restaurants universitaires durant la durée des Mondiaux, réclame également un peu plus de 350 000 euros. Par ailleurs, la société organisatrice des Mondiaux doit également près de 4,3 millions d’euros à l’Etat : pour le non respect de certaines règles, le remboursement des subventions en provenance des deniers publics ainsi que le règlement de l’amende qui en découle lui sont réclamés.

Toujours selon l’administrateur judiciaire, les créanciers ne semblent toutefois pas prêts de recevoir l’argent qui leur est dû. En effet, la société organisatrice des Mondiaux ne disposerait plus que de biens mobiliers d’une valeur d’à peine 170 000 euros et de 1 500 euros sur son compte en banque…

Les championnats du monde de ski nordique se sont tenus en République tchèque en février 2009. En comptant la participation de l’Etat, de la ville et de la région de Liberec, près de 80 millions d’euros en provenance des fonds publics ont été consacrés à l’organisation de la compétition et à la construction des installations. Malgré un budget d’environ 25 millions d’euros, les Mondiaux se sont achevés avec un important déficit, un fait unique dans le monde, selon le mandataire liquidateur chargé de représenter les créanciers.

Mais tous ces chiffres ne sont rien ou presque comparés à ceux qui circulent autour de la construction très controversée de l’O2 Arena à Prague, une salle ultramoderne de 17 000 places spécialement construite pour l’accueil, en 2004, du championnat du monde de hockey sur glace. Une salle certes élue Réalisation de l’année en 2004, mais qui, aura surtout coûté la somme astronomique de 335 000 millions d’euros au lieu de la centaine de millions initialement prévue ! Le propriétaire de cette salle qui compte parmi les plus chères jamais réalisées en Europe est Bestsport, une société anonyme chargée de la réalisation des travaux de construction et dont les fédérations sportives tchèques sont les actionnaires. Or, selon une information rapportée lundi par la Télévision tchèque, dont les éléments sont basés sur un audit récemment réalisé par l’actuelle direction de Bestsport, l’ancienne équipe dirigeante de la société aurait facturé ses services deux fois lors des travaux et ainsi perçu près de 12 millions d’euros supplémentaires. C’est ce qu’explique Zdeněk Ertl, membre de l’actuel comité d’administration de Bestsport :

« Les anciens managers et certains employés de Bestsport, à l’époque des travaux de construction de la salle, avaient, en plus de leurs contrats de travail, des contrats en tant que chefs d’entreprises. L’audit a permis d’établir que certains managers ont ainsi reçu des dizaines de millions de couronnes versés sur les comptes de leurs entreprises privées. Pour un même service, ils étaient donc payés deux fois. Bien entendu, ces contrats ont été signés, à l’époque, par les représentants et responsables de Bestsport. »

Comme dans le cas de la société organisatrice des Mondiaux de ski nordique à Liberec, Bestsport, dont le bien le plus important est précisément l’O2 Arena, a été déclaré en faillite l’année dernière. Autant de décisions judiciaires qui font penser que la République tchèque n’est fort probablement pas prête d’organiser de nouveau une compétition sportive d’envergure internationale dans un avenir proche.