Près de trente ans après la fin de la Guerre froide, une nouvelle menace plane sur les pays occidentaux. Pour les experts en matière de sécurité et de défense, cela ne fait aucun doute : la Russie mène une guerre hybride, à coup de désinformation, qui représente un danger, notamment à la veille des élections européennes. En République tchèque, les autorités prennent le sujet très au sérieux, comme l’a montré une récente conférence organisée à la Chambre des députés.
Michal Koudelka, photo: ČT24
« La question n’est pas de savoir si la Russie va lancer une campagne de
désinformation, mais plutôt comment elle va le faire. » La mise en garde
du chef du Service de sécurité et de renseignement (BiS) ne laisse guère
planer de doute sur les ambitions de la Russie. Michal Koudelka ajoute
encore :
« Affaiblir les institutions démocratiques des pays européens, affaiblir la confiance des habitants dans leurs Etats et leurs institutions, créer des tensions au sein de la société, s’adresser aux différents Etats avec pour objectif et pour résultat de paralyser ou d’amoindrir la capacité de défense de l’Union européenne. »
Trois ans après l’élection de Donald Trump, qui, d’après un rapport du Sénat américain, a bénéficié d’une campagne d’ingérence de la Russie, c’est aujourd’hui l’UE qui est menacée, alors que les électeurs s’apprêtent à renouveler la composition du Parlement européen.
Pour parvenir à ses fins, Moscou a relégué au placard ses méthodes de propagande d’antan. Les services de renseignement occidentaux connaissent bien l’existence des « fermes à trolls », telle cette fameuse Agence de recherche internet russe basée près de Saint-Pétersbourg qui, comme le rappelle Michal Koudelka, emploie des centaines de personnes. La mission de ces employés formés par le Kremlin : créer de faux comptes, de faux messages et des « fake news », destinés à influencer l’opinion sur des sujets clivants comme le racisme ou l’immigration. Une récente enquête du New York Times a d’ailleurs révélé l’ampleur de cette présence russe dans le monde virtuel.
Photo illustrative: GDJ / Pixabay, CC0
Une des manifestations concrètes de cette guerre hybride a même pignon
sur rue : des médias tout ce qu’il y a de plus officiels mais financés
par Moscou qui diffusent des informations complaisantes avec le régime,
ainsi que des nouvelles visant à démontrer que les pays européens sont
en proie au chaos voire à la décadence. Le site d’informations Sputnik,
décliné en des dizaines de langues, dont le tchèque, et la chaîne de
télévision Russia Today (RT) en sont les exemples les mieux connus.
Pour le ministre de l’Intérieur, Jan Hamáček, la République tchèque est directement concernée par cette menace, d’où la récente création d’un Centre contre le terrorisme et les menaces hybrides :
Jan Hamáček, photo: David Sedlecký, CC BY-SA 4.0
« Les manifestations de cette guerre hybride sont sans doute le plus
visibles sur Internet. Certains sites en particulier diffusent
intentionnellement des informations selon lesquelles la République
tchèque ne serait pas un pays souverain ou serait menacée par une vague
incontrôlable de migrants illégaux. Ce ne sont là que quelques exemples
de désinformation. Evidemment, nous devons résister à cette manipulation
et nous défendre contre ses attaques. »
Mais si la nécessité de faire face à ces menaces hybrides semble faire consensus auprès des autorités gouvernementales, d’aucuns rappellent que cette lutte au plus haut niveau est sapée par les positions pro-russes et prochinoises du président de la République, Miloš Zeman. Expert en analyse de données, František Vrábel a démontré l’augmentation de la présence de « fake news » en République tchèque et la main de Moscou derrière cette propagande. Dans un entretien récent accordé à la Radio tchèque, il a estimé que le chef de l’Etat, par l’institution qu’il représente, jouait un rôle-clé dans la légitimation de ces désinformations.
Hommage du vice à la vertu, Miloš Zeman n’a pas promu, le 8 mai dernier, en dépit des démarches du gouvernement, le chef des services de renseignements, Michal Koudelka, au rang de général. Peu avant, le président tchèque avait critiqué le travail de ses services à propos de leurs alertes concernant les influences russes - et chinoises - dans le pays.
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