Des scientifiques tchèques mettent en garde contre la disparition d’espèces rares au Sénégal

Chacal dans le parc national du Niokolo-Koba au Sénégal, photo: ČTK

Une récente étude scientifique tchèque s’alarme de la baisse du nombre d’espèces rares dans le parc national du Niokolo-Koba, au Sénégal, le plus grand parc de ce type dans le pays. Pour parler de ce problème, Radio Prague a interrogé Pavla Hejcmanová, de l’association Derbianus Conservation qui se concentre notamment sur la conservation de l’éland de Derby, la plus grande antilope au monde, une espace en voie de disparition. Elle est d’abord revenue sur les caractéristiques du parc du Niokolo-Koba :

Léopard dans le parc national du Niokolo-Koba au Sénégal,  photo: ČTK
« La région d’Afrique de l’Ouest, Sénégal inclus, est actuellement très peuplée, très exploitée par l’agriculture et l’élevage du bétail, ce qui représente une forte pression sur l’environnement, au-delà de sa capacité écologique. Le parc national du Niokolo-Koba au Sénégal représente une île de l’écosystème qui n’est quasiment pas touchée par ces aspects et donc un refuge pour la faune sauvage d’origine qui a besoin d’un espace pour vivre. »

Une étude conjointe réalisée en coopération avec l'Université d'agriculture, la Faculté d'environnement, l'association Derbianus Conservation et la Direction des parcs nationaux du Sénégal, s'est intéressée à la faune de ce parc. Une de ses conclusions est la baisse du nombre d'espèces rares dans ce parc. Comment l'expliquer ?

Chacal dans le parc national du Niokolo-Koba au Sénégal,  photo: ČTK
« En ce qui concerne la baisse du nombre d’espèces rares, c’est un phénomène général pour toute l’Afrique de l’Ouest. On le connaît, mais au Sénégal, au parc du Niokolo-Koba, il n’y avait jusqu’à présent aucune étude publiée sur ce sujet. La baisse de toutes les espèces, des grands mammifères, a pour origine des facteurs conjoints. Un de ces facteurs, bien connu, est le braconnage. Le braconnage n’est pas traditionnel pour les familles dans la région, mais il s’agit d’un braconnage organisé à grande échelle. En même temps, il y a l’empiètement des grands troupeaux de bétail, les moutons, les chèvres, les vaches, dans l’environnement, ce qui change la structure de la végétation. Il y a la compétition pour les ressources alimentaires. Tout cela réduit l’espace pour la faune sauvage. Il y a aussi d’autres pratiques agricoles comme les cultures établies dans des aires protégées, ce qui est illégal. Il y a également un grand changement climatique avec la baisse des pluies ces dernières années, ce qui change les ressources de la faune et tous les liens écologiques entre les communautés de la faune. »

Quelles sont les espèces les plus menacées ?

L'éland de Derby,  photo: Tom Jůnek,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Les espèces les plus menacées sont celles qui sont déjà en déclin et dont les populations ne compte qu’un faible nombre d’animaux. Dans le parc du Niokolo-Koba, c’est par exemple l’éland de Derby dont la situation est critique. Ils représentent moins de 200 individus dans le par et c’est l’unique site en Afrique de l’Ouest où se trouve cette sous-espèce occidentale. Il y a aussi des chimpanzés qui sont très menacés et également les lions qui manquent de proie. Ensuite, l’éléphant : la population du Niokolo-Koba a déjà entièrement disparu et quelques fois, on enregistre la présence d’un ou deux individus, mais jamais des familles complètes comme dans les populations non-menacées. »

Quelles démarches devraient être entreprises par les autorités sénégalaises pour remédier à ce problème et en quoi la République tchèque peut-elle apporter une aide ?

Le parc du Niokolo-Koba au Sénegal,  photo: ČTK
« Les autorités sénégalaises sont dans une situation très compliquée. Le parc du Niokolo-Koba est en effet très grand et il est très difficile à surveiller. Donc, la surveillance devrait être intensifiée. Il faut exiger le respect des lois sur la protection de l’environnement. Il faut communiquer avec les populations humaines qui vivent en périphérie du parc. On peut le faire de diverses manières comme avec l’éducation environnementale, la publicité, en incluant les gens qui vivent autour du parc dans sa gestion. Il faut aussi créer un espace pour la recherche scientifique qui puisse apporter plus d’informations sur ce qui se passe en matière de liens écologiques. La République tchèque coopère avec les autorités sénégalaises depuis longtemps, depuis l’an 2000. On peut apporter notre expertise et on l’a déjà fait dans le cas de l’éland de Derby. On a élaboré avec les autorités sénégalaises un plan de recherche et de conservation de la faune. Un des projets est le suivi télémétrique de l’éland de Derby pour clarifier les relations écologiques dans le parc. On peut y inclure aussi d’autres espèces rares et menacées du parc. »