Décès du tempétueux Pavel Landovský, acteur et dissident

Pavel Landovský, photo: Archives de Radio Prague

Acteur ayant traversé un demi-siècle de cinématographie et de dramaturgie tchèques et signataire de la Charte 77, Pavel Landovský est décédé vendredi soir dernier à l’âge de 78 ans. Surnommé « bouřlivák » (« le tempétueux »), le comédien, ancien camarade de Václav Havel, contraint à l’émigration dans les années 1980 avait acquis sa popularité dans des films comme Svatba jako řemen (Un sacré mariage) ou Utrpení mladého Boháčka (La souffrance du jeune Boháček).

Pavel Landovský,  photo: Archives de Radio Prague
Né en septembre 1936 dans la ville relativement paisible de Havlíčkův Brod, au cœur de la Tchéquie, Pavel Landovský montre pourtant les symptômes d’une grande énergie, qui le pousse dans son jeune âge à monter sur les planches alors qu’il ne dispose pas d’une formation dramatique. Ses rôles au cinéma dans les années 1960 l’inscrivent durablement dans le paysage tchécoslovaque avec sa participation à des chefs-d’œuvre comme Trains étroitement surveillés de Jiří Menzel d’après le roman du même nom de Bohumil Hrabal ou encore Marketa Lazarová de František Vláčil d’après le roman du même nom de Vladislav Vančura.

Révolté par l’invasion soviétique d’août 1968, Pavel Landovský, qui côtoie le dramaturge et futur président de la République Václav Havel, se rapproche des milieux dissidents. Après sa signature de la Charte 77, la police secrète communiste, la StB, le harcèle régulièrement. A ce propos, il confiait en 2008 l’anecdote suivante à l’acteur Jaroslav Dušek devant la caméra de Monika Elšíková-Le Fay :

« Un jour, je suis descendu d’un taxi au niveau du Théâtre national pour semer les flics qui me suivaient. A cette époque, j’avais toujours quelqu’un sur le dos. Et tout d’un coup, il y a un type qui arrive et qui dit à sa femme : « Dis-donc, c’est pas ce connard dont ils nous disent toujours qu’ils l’ont attrapé ? Je le vois là-bas ! » Et moi je lui dis d’aller se faire foutre à cette espèce de salaud ! »

Pavel Landovský et Jan Kačer,  photo: ČT
Finalement, Pavel Landovský décide lui-même d’aller voir ailleurs s’il y est puisqu’il émigre en Autriche où il retrouve vite le chemin du théâtre, le Burgtheater de Vienne en particulier, et joue même dans certains films comme le Ragtime de Miloš Forman. Ce moustachu, parfois barbu, heureux porteur de grosses lunettes avec l’âge, n’a pas vraiment changé durant toutes ces années si l’on en croit le réalisateur Jan Kačer :

« Un homme qui a des racines aussi solides ne changent pas beaucoup. Evidemment, il avait beaucoup de facettes. Des fois, il était sauvage, un homme sans compromis. Mais je pense qu’il avait en fait un caractère doux, de quelqu’un qui a souffert. Ce n’était pas le genre à cacher ses sentiments, il les manifestait clairement mais c’était un homme tendre. »

Aussi quand éclate la Révolution de velours, Pavel Landovský partage l’enthousiasme de nombre de ses concitoyens mais garde néanmoins les pieds sur terre. Il ne reviendra s’installer en République tchèque qu’en 1996 :

« Quand la liesse se terminera, y aura-t-il assez de volonté pour mener ce pays au plus tôt vers la prospérité ? »

'Černí baroni',  photo: ČT
Quant à lui, l’acteur prospère de nouveau sur les écrans tchécoslovaques, par exemple en 1992 dans la comédie Černí baroni (Les Barons noirs), et jusqu’à tout récemment. Il continuait en effet de tourner régulièrement sans craindre la mort approchante, en tout cas selon ses propres dires :

« Non, je n’ai pas peur de la mort, c’est une forme d’instinct de survie. Pourquoi craindre quelque chose qui est sans retour ? Avoir toujours peur, c’est bête non ? En fait, j’ai juste peur que cela arrive inutilement tôt. »

Ils sont beaucoup à penser que vendredi dernier, c’était inutilement tôt.