Bilan du gouvernement : une stabilité politique, et après ?

Bohuslav Sobotka, photo: Archives du gouvernement tchèque

Les Tchèques élisent leurs nouveaux députés ces vendredi et samedi. Le gouvernement issu de ces élections succèdera à la coalition tripartite dirigée par le social-démocrate Bohuslav Sobotka. L’occasion de faire le bilan du mandat de ce cabinet, un mandat marqué notamment par une stabilité politique quelque peu inhabituelle en République tchèque dans un contexte économique très favorable.

Le premier gouvernement stable depuis 2002

Bohuslav Sobotka,  photo: Archives du gouvernement tchèque
« Stabilité politique et économique du pays » : ce sont précisément ces mots que répète le Premier ministre Bohuslav Sobotka pour présenter ce qui est d’après lui la plus grande réussite de son gouvernement. En effet, c’est la première fois depuis 2002 et la fin du cabinet dirigé par Miloš Zeman qu’un gouvernement tchèque a été en mesure de rester en poste pendant l’intégralité de son mandat de quatre ans. Et ce malgré le fait que la composition de la coalition, nommée en janvier 2014 et réunissant les sociaux-démocrates, les chrétiens-démocrates et le mouvement ANO (« Action des citoyens mécontents »), parfois qualifié de populiste, créé en 2011 par le milliardaire et influent homme d’affaires Andrej Babiš, avait au départ suscité certains doutes sur sa viabilité.

Le gouvernement Bohuslav Sobotka a néanmoins réussi, malgré les intérêts souvent divergents des formations qui le composent, à mener une politique pragmatique au niveau des affaires intérieures, Profitant d’un contexte économique favorable, il s’est attaché à la réduction du déficit des finances publiques et à la baisse du de chômage, comptant à l’heure parmi les plus faibles de l’UE. Politologue au sein de l’Institut des relations internationales, Veronika Bílková voit elle aussi cette évolution comme positive :

« Le bilan du gouvernement est plutôt bon. Pourtant, il n’est pas perçu comme tel, ce qui est un paradoxe très intéressant. Je crois que ce gouvernement se range parmi les gouvernements les plus couronnés de succès en République tchèque depuis la Révolution de velours (et la chute du régime communiste en 1989, ndlr) parce qu’il a achevé beaucoup de projets. De plus, il n’y a pas eu de grandes affaires, à l’exception de l’affaire dite du « Nid de cigognes » d’Andrej Babiš (cf. http://radio.cz/fr/rubrique/faits/les-dirigeants-du-mouvement-ano-dans-le-viseur-de-la-justice et http://radio.cz/fr/rubrique/faits/andrej-babis-prive-de-son-immunite-parlementaire-quelles-consequences-pour-ano), qui a duré tout au long de son mandat, ce qui est aussi exceptionnel en République tchèque. Le bilan est donc positif. Ce gouvernement a réussi à faire beaucoup de choses. Seulement, il n’a pas réussi à persuader les gens de sa réussite. »

Les principales nouveautés du gouvernement Sobotka

Photo illustrative: Barbora Němcová,  Radio Prague Int.
Quels sont donc concrètement les plus importants changements adoptés par le gouvernement Bohuslav Sobotka ? D’après un document de bilan publié récemment par le cabinet, il s’agit avant tout de l’augmentation des salaires et des pensions de retraite. Depuis sa nomination en 2014, le gouvernement a en effet augmenté au fur et à mesure le salaire minimum mensuel de 8500 couronnes (330 euros) à 12 200 couronnes (près de 475 euros ; la nouvelle hausse prendra effet en janvier 2018). En réévaluant ce minimum social de 43 %, les ministres ont ainsi accompli leur engagement d’augmenter le salaire minimum jusqu’au niveau de 40 % du salaire moyen en République tchèque, se félicite le texte. Quant aux pensions de retraite, elles ont fait l’objet d’une revalorisation de près de trente euros. Le gouvernement a aussi adopté un mécanisme lui permettant d’augmenter ces pensions plus facilement.

A plusieurs reprises entre 2014 et 2017, le cabinet a également procédé à une augmentation des salaires des fonctionnaires, des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux, des enseignants et des employés non pédagogiques dans le secteur de l’éducation, des artistes et des employés dans les institutions culturelles, ou encore des soldats, des pompiers, des policiers, des douaniers et des gardiens de prison.

Fort d’une confortable majorité à la Chambre basse (111 sièges sur 200), le gouvernement a enfin réussi à faire passer la loi dite anti-tabac qui interdit la cigarette dans les bars, restaurants, théâtres, cinémas, salles de concert et autres lieux publics de convivialité en République tchèque, à introduire une semaine de congé de paternité ou à adopter un important amendement à la loi sur les conflits d’intérêts. Et quels sont les plus grands « succès » du cabinet selon Veronika Bílková ?

Photo: Ondřej Tomšů
« Il s’agit des réformes concernant certaines questions sociales et l’augmentation des salaires, mais aussi par exemple l’introduction du registre électronique centralisé des recettes des entreprises (connu sous l’acronyme EET – cf. http://radio.cz/fr/rubrique/faits/lutte-contre-la-fraude-a-la-tva-la-caisse-enregistreuse-une-necessite-desormais-aussi-pour-les-commercants-tcheques). Celui-ci est bien évidemment assez controversé mais le gouvernement, en tout cas le mouvement ANO, avait promis sa mise en place au début de son mandat. De ce point de vue, il s’agit donc d’une promesse accomplie. »

La lutte contre l’évasion fiscale, laquelle devait être facilitée grâce à ce registre centralisé des recettes des entreprises, un dispositif permettant de tracer le paiement de la TVA, a d’ailleurs été une des autres priorités du gouvernement, de même que l’optimisation de l’utilisation des fonds européens, la sécurité cybernétique, la lutte contre la sécheresse, l’accès aux soins médicaux, le projet « Industrie 4.0 » ou le financement de la défense. Autant d’objectifs, avec celui d’améliorer le niveau de vie des Tchèques, qui figurent aussi parmi ceux que le cabinet de Bohuslav Sobotka a recommandé au prochain gouvernement d’essayer de poursuivre.