Au nez et à la barbe des communistes, un monument dédié à Jan Palach existait à Prague depuis 50 ans

Photo: ČT24

Longtemps, la ville de Prague n’a pas eu de monument digne de ce nom pour commémorer le sacrifice de Jan Palach, qui en janvier 1969 s’est immolé sur la place Venceslas, afin de protester contre l’occupation de son pays par les troupes du Pacte de Varsovie. Pourtant, des documents récemment découverts ont révélé, à la surprise générale, qu’un grand pylône en acier situé à quelques mètres de la place, avait été secrètement dédié au jeune étudiant par son concepteur, l’architecte Karel Prager.

Photo: ČT24
C’est une histoire on ne peut plus tchèque, pourrait-on dire, alors que l’on célèbre cette année les 50 ans de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, que l’on se souvient de la résistance passive de la population à l’occupant et que l’on se remémore les nombreux slogans et l’humour des gens ordinaires pour faire face aux troupes armées dans la dignité et la non-violence.

A la fin des années 1960, alors que l’architecte Karel Prager est chargé du projet d’agrandissement du bâtiment de l’Assemblée fédérale, à côté du Musée national, il décide de dédier un immense pylône d’acier, placé devant l’édifice, à la mémoire de Jan Palach, mort quelques mois auparavant. Au nez et à la barbe des autorités communistes, ce monument s’élève donc depuis près de cinquante ans au cœur de la ville de Prague. La redécouverte de cette dédicace secrète est due aux travaux de rénovation du pylône confiés au sculpteur Antonín Kašpar :

Antonín Kašpar,  photo: ČT24
« Une bonne partie du pylône était abîmée, depuis le pied jusqu’à six mètres de hauteur. Quand on a commencé à monter l’échafaudage, il a fallu que je trouve les dessins des fondations du monument. J’ai reçu une boîte remplie de documents et j’y ai trouvé des papiers où Karel Prager l’appellait clairement ‘Pylône de Palach’. Il y a un autre papier, datant d’après la révolution de velours, où il dit qu’il espère la réhabilitation complète du monument. Je pense que Karel Prager avait tellement peur qu’on découvre sa dédicace qu’il a préféré cacher le fait que le pylône rendait hommage à Jan Palach. Ça a été tellement bien caché qu’on ne l’a découvert qu’aujourd’hui, alors qu’il est décédé. »

A Prague, il existe aujourd’hui quelques monuments consacrés à Jan Palach : l’un au pied du Musée national, dédié à ce dernier et à Jan Zajíc, deuxième étudiant qui s’est sacrifié de la même mani-re quelques temps après. Il a fallu attendre l’an 2000, soit onze ans après la révolution de velours pour qu’un tel hommage voie le jour. Le second monument, ce sont deux sculptures monumentales de l’architecte américain John Hejduk, installées en 2016 sur la place Jan Palach à Prague, en face de la Faculté des Lettres où il étudiait. Enfin, un masque mortuaire réalisé par le sculpteur Olbram Zoubek a été installé dès 1990 sur le bâtiment de la faculté, mais il n’est pas un monument à proprement parler. Antonín Kašpar :

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Prague a été longtemps critiquée pour ne pas avoir un monument digne de ce nom qui corresponde réellement à l’importance du sacrifice de Jan Palach. Personne ne pouvait se douter qu’à quelques mètres de l’endroit où Palach s’est immolé se trouvait un monument de 30 mètres de haut. C’est probablement la plus grande sculpture existant à Prague. »

Aujourd’hui, le pylône ainsi que le bâtiment appartiennent au Musée national qui a installé ses quartiers dans les locaux pendant les travaux de restauration de son bâtiment historique. C’est aussi le Musée national qui a engagé la rénovation du pylône, sans se douter de son histoire. Michal Stehlík, directeur-adjoint de l’institution :

« Une fois que les travaux au Musée national seront achevés, nous souhaitons faire en sorte de terminer le monument pour qu’il corresponde au projet de Karel Prager. »

Car en effet, une sculpture de Miloš Chlupáč devait être à l’origine installée sur le pylône, une sculpture intitulée « La Flamme » et dont il n’existe plus aujourd’hui que le modèle en plâtre.