Attentats de Paris : « On ne peut pas comparer la République tchèque avec la France »

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La République tchèque évalue les conséquences possibles que les attentats de Paris, qui se sont produits vendredi soir, pourraient avoir sur sa sécurité. Politologue à l’Institut pragois des relations internationales, Jan Eichler a répondu aux questions de Radio Prague :

Après les attentats de Paris, les dirigeants tchèques ont exprimé leur solidarité avec le gouvernement français. Le président Miloš Zeman a réagi en affirmant que « nous entrons dans des temps difficiles ». Selon vous, peut-on s’attendre à ce que, suite à ces attentats, la situation sécuritaire change également en République tchèque ?

Jan Eichler,  photo: ČT24
« Tout d’abord, je voudrais exprimer toutes mes condoléances aux familles touchées, aux familles qui ont perdu leurs enfants ou leurs amis. Je voudrais exprimer toute ma solidarité avec le peuple français.

En ce qui concerne mon pays, je suis un peu réticent. On ne peut pas comparer la République tchèque avec la France. La France a une présence militaire dans beaucoup de pays. N’oublions pas qu’elle est intervenue en Libye, il y a quatre ans et demi, où elle a destitué le dictateur Kadhafi. En 2013, la France a déclenché son opération Serval au Mali et après, il y a un an et demi, l’opération Sangaris en République centrafricaine. Maintenant, elle participe aux bombardements en Syrie. J’en tire la conclusion qu’il s’agit d’un phénomène, appelé en anglais ‘war-generated terror’, soit donc la terreur générée par la guerre, par les actions, par les attaques ou par les occupations militaires.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
La République tchèque, au contraire, ne participe à aucune opération d’occupation dans le monde islamique. Bien sûr, nous avons nos experts et nos soldats travaillant comme instructeurs au Mali, ce qui pourrait être un prétexte éventuel. Mais il n’y a pas en République tchèque une grande communauté de musulmans et nous ne participons pas aux actions militaires, je reste donc tranquille pour mon pays. Mais comme on dit en tchèque, le diable ne dort jamais. Les actes terroristes peuvent se produire dans n’importe quel pays. »

Le chef de l’Etat, ainsi que le premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, ont exprimé la nécessité de lutter de manière coordonnée contre l’Etat islamique. Est-il possible d’envisager un engagement plus important de la République tchèque dans les actions menées par nos alliés ?

Les attentats à Paris,  photo: ČTK
« Il faudrait poser cette question au président de la République ou au premier ministre. A ma connaissance, l’armée tchèque ne possède pas un nombre suffisant d’avions comparables, par exemple, avec les rafales de l’armée de l’air française. Nous avons seulement nos avions L-159. Ces avions pourraient éventuellement être utilisés. Mais je ne peux pas imaginer par exemple l’engagement de l’armée de terre parce qu’il générerait beaucoup de risques. Je ne peux pas donc imaginer la forme concrète de l’engagement tchèque dans les actions militaires menées contre l’Etat islamique. »

Bohuslav Sobotka a réagi également aux propos de Jean-Claude Juncker et s’est dit déçu par sa déclaration que l’Union européenne devrait poursuivre sa politique envers les réfugiés. La Pologne, par exemple, a déjà déclaré que ces attentats remettaient en cause le système de quotas de répartition. Pensez-vous que la République tchèque elle aussi va durcir sa position ?

« Oui. En ce qui concerne la représentation politique de la République tchèque, il y a tout d’abord le président qui est islamophobe. Il a prononcé beaucoup d’expressions militantes anti-islamistes. Plusieurs fois déjà, il a appelé à prendre les armes et à se battre activement contre les islamistes. Plusieurs fois, il a dit 'bien sûr que l’on ne peut pas dire que chaque musulman soit un terroriste mais je suis sûr que tous les terroristes sont islamistes'. Ce qui n’est pas vrai. »

Photo: ČTK
Mais il y a aussi l’opinion publique qui résonne énormément après ces attaques terroristes. Les gens en République tchèque ont peur et ils ne le cachent pas. Même ma génération dit que même si pour nous ils ne représentent pas une grande menace, ils peuvent la représenter pour nos enfants ou pour nos petits-enfants. Par cela, je veux dire que le discours anti-islamiste et anti-djihadiste du président résonne énormément dans la population de mon pays. »