Affaire Rath : les premiers verdicts du « procès de l’année » sont tombés

David Rath, photo: ČTK

Les premiers verdicts dans l’affaire Rath sont tombés ce mardi. Dans le cadre d’un procès pour corruption, surnommé par les médias le « procès de l’année », car mettant en cause entres autres l’ancien ministre de la Santé, ancien président du Conseil régional de Bohême centrale et député, David Rath, neuf des onze personnes inculpées ont été reconnues coupables et condamnées à des peines fermes ou avec sursis, et des amendes s’élevant à plusieurs millions de couronnes. Hormis une seule accusée, tous les prévenus étaient absents lors de la lecture du verdict, contre lequel ces derniers peuvent toutefois faire appel.

David Rath,  photo: ČTK
C’est une affaire de longue date qui s’est en grande partie achevée mardi. Au mois de mai 2012, David Rath, alors président du Conseil régional de Bohême centrale et député, est arrêté par la police, en possession d’une boîte à vins contenant 7 millions de couronnes (250 000 euros). Vingt-quatre heure plus tard, David Rath, qui renonce à ses fonctions et à son appartenance au parti social-démocrate, est mis en détention préventive, et ne sera remis en liberté que 18 mois plus tard. Au moment où il est arrêté, la police intervient près du domicile de Kateřina Kottová à l’époque directrice de l’hôpital de Kladno. Elle sera très tôt, elle aussi, placée en garde vue, de même qu’un proche de David Rath, et ancien député, Petr Kott, ainsi que plusieurs directeurs de société de construction. Au total quatre chefs d’accusation seront invoqués contre toutes les personnes accusées : atteinte aux intérêts de l’Union européenne, corruption active, corruption passive et favoritisme dans le cadre des négociations d’une commande publique. Dans le cadre de cette première phase du procès, selon le procureur de la République, Petr Jirát, Kateřina Kottová et Petr Kott, qui se sont mariés depuis, ont été les principaux organisateurs du système de corruption. Les époux ont été condamnés à la plus haute peine, soit sept ans et demi de prison ferme, et se sont vu confisquer leurs biens à hauteur de 41 millions de couronnes (1,5 million d’euros), somme qu’ils auraient soustraite pendant leurs pratiques corruptives.

Après l’énoncé des verdicts, le procureur de la République, Petr Jirát, a fait savoir mardi :

« Je suis relativement satisfait oui. Bien que cela ait été une grande bataille judiciaire, entre les avocats de la défense et moi-même, je crois bien que je l’ai gagnée. »

Ivana Salačová,  photo: ČTK
Les sept autres personnes ont été condamnées à des peines très variables allant de 3 à 5 ans et demi, avec ou sans sursis. Une des co-accusées, Ivana Saláčová, femme d’affaires reconnue coupable de corruption dans la passation de commandes liées à la reconstruction du château de Buštěhrad et d’un lycée à Hostivice, a néanmoins bénéficié d’un allégement de peine, en raison de sa coopération avec les enquêteurs. Le tribunal régional, qui a confirmé la véracité de ses propos ce mardi, l’a condamnée à 3 ans de prison avec sursis et une amende d’un million de couronnes (36 000 euros).

De son côté, David Rath, le prévenu par lequel l’affaire a commencé et qui serait le principal instigateur des détournements de fonds, attend encore son jugement, de même qu’un autre co-accusé. Comme depuis le début de l’affaire, l’ancien président du Conseil régional continue d’invoquer un procès « partial », « non-objectif » et qui « ignore les témoins et les experts judiciaires ». Dans un entretien accordé par téléphone à la télévision tchèque, David Rath a fait savoir à ce propos :

Kateřina Kottová et Petr Kott,  photo: ČTK
« Il est évident depuis le début du procès qu’il s’agit d’un procès politique, un procès monté de toutes pièces. Rappelez-vous il y a trois ans, quel spectacle cela avait été : des hélicoptères, des centaines de policiers armés qui ont pénétré dans la Chambre des députés. Plusieurs personnes ont même fait leur carrière là-dessus. Donc, les liens avec la politique et les hommes politiques hauts placés sont manifestes. Il y a de nombreux points qui manquent de clarté, par exemple le fait que l’affaire ait été attribuée à la procurature à qui il n’appartenait pas d’en juger. Il y a de nombreuses zones d’ombre. L’hystérie, le spectaculaire et la manipulation médiatique accompagnent le procès depuis le début. »

David Rath, a notamment indiqué que le juge Robert Pacovský, à qui cette affaire avait été attribuée, était partial, car il aurait non seulement été influencé par des autorités politiques, mais aurait désormais un lien plus personnel avec l’affaire. L’ancien député espère que « dans l’intérêt de l’objectivité, un autre juge ou même une autre cour indépendante soient nommés dans ce procès ». David Rath explique en quoi la présence du juge Robert Pacovský pourrait influencer le déroulement de la deuxième phase du procès à suivre :

Robert Pacovský  (au milieu),  photo: ČTK
« Le président de la Cour Robert Pacovský est à l’heure actuelle en litige avec moi-même. J’ai porté plainte contre sa personne en lui demandant des dommages et intérêts de plusieurs milliers de couronnes en raison de ma détention provisoire illégale. Si le juge ne nous envoyait pas en prison, alors il se compliquerait nettement la tâche. A l’inverse, il peut se défendre et soutenir : ‘Vous voyez la détention provisoire était justifiée, car ils vont en prison maintenant. Donc la détention provisoire va se déduire de la peine d’emprisonnement, donc personne n’aura subi de dommages’. »

Si David Rath ne s’est pas dit « surpris des peines prononcées » mardi, en raison de ce manque d’indépendance présupposé du tribunal, d’autres autorités judiciaires se sont déjà prononcées sur la partialité du juge Robert Pacovský et ont rejeté les plaintes. David Rath devrait quant à lui être jugé dans les mois à venir. Il risque jusqu’à 12 ans de réclusion criminelle.