Affaire du nid de cigognes : Andrej Babiš perd son immunité parlementaire

Andrej Babiš et Jaroslav Faltýnek, photo: ČTK

Rude semaine pour le Premier ministre Andrej Babiš. Après avoir refusé d’accorder la confiance à son gouvernement minoritaire mardi, les députés ont voté ce vendredi la levée de l’immunité parlementaire du leader du mouvement ANO. Le chef du gouvernement est poursuivi dans le cadre de l’affaire du nid de cigognes, une sombre histoire de détournement présumé de fonds européens.

Andrej Babiš et Jaroslav Faltýnek,  photo: ČTK
Cela fait désormais plus de deux ans que le feuilleton politico-judiciaire anime le débat public tchèque. L’ouverture de l’enquête remonte à la fin de l’année 2015 : la police tchèque, en même temps que l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), s’intéressent à ce fameux « nid de cigognes », le nom d’un superbe complexe récréatif, parfois présenté comme une ferme, dont la construction s’est achevée fin 2010 près de la petite ville d’Olbramovice, au sud de la région de Bohême centrale.

Le souci, d’après les enquêteurs, c’est que pour la réalisation de cet établissement, le groupe Agrofert, longtemps propriété du milliardaire Andrej Babiš, aurait manœuvré pour toucher 50 millions de couronnes de subventions européennes, environ 2 millions d’euros, de l’argent auquel il n’avait pas droit puisqu’il est normalement destiné aux petites et moyennes entreprises.

L’été dernier, la police demande le lancement de poursuites contre onze personnes, dont le président et le vice-président du mouvement ANO, à savoir Andrej Babiš et son acolyte Jaroslav Faltýnek. A la mi-septembre, l’ancienne Chambre des députés se prononce une première fois pour la levée de l’immunité parlementaire des deux hommes. Avec leur réélection aux législatives du mois d’octobre, la police doit réitérer, quelques semaines plus tard, la même demande aux parlementaires. Face aux députés, Andrej Babiš a lui réitéré ce vendredi matin sa ligne de défense. Il s’agirait d’un coup monté politique face à l’insolente et fulgurante réussite de son mouvement ANO :

Andrej Babiš,  photo: ČTK
« Pourquoi tout cela est-il motivé politiquement ? Réfléchissez. Pourquoi la police a-t-elle demandé à pouvoir nous poursuivre, moi et mon collègue Faltýnek, au moment le plus bizarre, juste avant les élections, en août 2017 ? Pourquoi, si ce n’est pas politique et si cela n’est pas dirigé par certains ? Cela est dirigé principalement par la mafia ! La mafia qui a volé ici des milliards ! En lien avec certains politiciens bien choisis. La police pensait sans doute que nous n’obtiendrions que 5 % aux législatives… Nous avons obtenu près de 30 % ! La police savait donc bien qu’il faudrait demander à nouveau la levée de l’immunité parlementaire des députés Babiš et Faltýnek. Voilà un argument incontestable que tout cela est politique, que le but était d’influencer les élections législatives. »

La démonstration de M. Babiš, qui s’en est ensuite pris aux médias qui auraient fait campagne contre lui, a visiblement laissé perplexe une majorité de députés. Après un long débat qui a largement débordé sur l’heure du déjeuner, les parlementaires ont en effet voté une nouvelle fois pour la levée de l’immunité des deux hommes. 180 députés étaient présents, 111 ont voté pour, dont Andrej Babiš lui-même, comme il l’avait annoncé ; 69 ont voté contre, tous issus du mouvement ANO. Pour la première fois de l’histoire de la République tchèque, un Premier ministre en exercice fait l’objet de poursuites judiciaires.

Le résultat du scrutin n’est pas réellement une surprise puisque les différents groupes parlementaires de l’opposition s’étaient exprimés dans la matinée pour indiquer qu’ils voteraient pour livrer MM. Babiš et Faltýnek à la justice.

Les affaires se corsent en tout cas pour le Premier ministre. Mardi, les députés avaient en effet déjà décidé de ne pas accorder la confiance à son cabinet minoritaire, formé de quatorze ministres plus ou moins issus des rangs du mouvement ANO. Andrej Babiš, qui a annoncé la démission de ce gouvernement, négocie actuellement avec les différentes formations politiques pour tenter de former une coalition gouvernementale, mais les poursuites dont il fait l’objet pourraient constituer un obstacle majeur à l’aboutissement de ces discussions. D’après Ivan Bartoš, le chef du parti des Pirates, la Chambres des députés, lestée de cette pesante question judiciaire, va au moins pouvoir commencer pour de bon à travailler, deux mois après sa première réunion.