Affaire Diag Human – le début de la fin du litige ?

Photo: Comission européenne

L’arbitrage dans le plus grand contentieux international dans l’histoire de la République tchèque s’est peut-être achevé vendredi dernier. Mais si la cour internationale a bien annoncé son verdict, il en existe à présent deux interprétations opposées. L’Etat tchèque se réjouit de ne plus être tenu de verser à l’entreprise Diag Human une somme de 400 millions d’euros, tandis que l’entreprise, elle, prétend au contraire voir ses revendications de dédommagement confirmées.

Photo: Comission européenne
Le litige oppose depuis dix-huit ans la République tchèque à la société biomédicale Diag Human. Exclue en 1992 par le ministère de la Santé d’un appel d’offres concernant le commerce de plasma sanguin, la société, siégeant depuis 2011 au Liechtenstein, avait alors porté plainte contre l’Etat tchèque pour l’investissement perdu. Robert Břešťan, commentateur de l’hebdomadaire Ekonom précise :

« A l’origine il y a une courte lettre écrite par Martin Bojar en 1992, à l’époque ministre de la Santé. Dans une lettre adressée à la société danoise Novo Nordisk au sujet de l’appel d’offres, il avait introduit une phrase qui mettait en doute la crédibilité de la société Diag Human. De là découle l’effort de l’entreprise d’obtenir des dédommagements pour les recettes perdues du commerce de plasma sanguin. »

 Josef Šťáva,  photo: ČT
Propriétaire de la société, le Tchéco-Suisse Josef Šťáva a dans un premier temps réussi à obtenir une compensation de 326 millions de couronnes (plus de dix millions d’euros) de la part de l’Etat tchèque. Non satisfait, il a de nouveau saisi la cour d’arbitrage. Celle-ci lui a donné raison une fois de plus et en 2008 elle a condamné la République tchèque à payer au total 8,33 milliards de couronnes (40 millions d’euros) – verdict, contre lequel Prague a fait appel.

Ce dernier procès d’arbitrage vient donc de s’achever, son résultat a été interprété de la façon suivante par Svatopluk Němeček, ministre de la Santé dans le gouvernement Sobotka :

« Le tribunal d’arbitrage a désigné tous les actes juridiques postérieurs à 2002 comme invalides, y compris la somme de dix milliards de couronnes requise par Diag Human en 2008. Pour la République tchèque cela veut tout simplement dire qu’elle n’est plus obligée de payer quoique ce soit à l’entreprise Diag Human. »

Tomáš Sokol  (à gauche) en Svatopluk Němeček,  photo: ČTK
Cependant, les représentants légaux de Diag Human interprètent cette dernière décision dans le sens inverse. Selon la déclaration publiée par l’entreprise liechtensteinoise, « la résolution ne modifie pas ni ne reporte en aucun sens la sentence arbitrale de 2008, qui entre par conséquent en vigueur ». Il n’est donc pas impossible qu’un autre procès soit intenté pour trancher cette double interprétation. Toutefois, en dehors de l’arbitrage à peine terminé, d’autres cours nationales avaient été saisies dans cette affaire, dont plusieurs ont déjà délibéré.

David Kotris, vice-ministre de la Santé :

« Rappelons que jusqu’ici, quatre juridictions étrangères, celle de la Suisse, de l’Autriche, de la France et tout récemment encore du Royaume Uni, ont confirmé la victoire de la République tchèque dans ce contentieux. Je suis persuadé qu’après cette dernière décision, la tendance va rester similaire et que même si Diag Human poursuit ses tentatives, nous continuerons à sortir gagnants. »

Certaines voix critiques rappellent toutefois que l’optimisme du ministère tchèque de la Santé est peut-être précoce.

Robert Břešťan,  photo: Khalil Baalbaki
Robert Břešťan: « Le litige se termine en République tchèque, mais il ne se termine pas à l’étranger, il y a donc toujours une dizaine de milliards de couronnes en jeu. Prague devra continuer à payer ses représentants légaux dans les procès tenus à l’étranger, ce qui représente des sommes non négligeables. Mais pour ce qui est des dommages-intérêts, si une cour étrangère reconnait les arguments juridiques de Diag Human, il est encore tout à fait possible que l’Etat tchèque soit condamné encore à payer quelque chose, ou que, éventuellement, des biens soient mis en saisie-exécution pour compenser le dédommagement. »

Les dernières informations confirmant ces doutes, la République tchèque n’est vraisemblablement pas encore sortie de l’affaire.