A la galerie d’art contemporain DOX, l’art engagé de la Bohême du nord

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« Mody demokracie » (« Modes de démocratie ») est une exposition dans la galerie d’art contemporain DOX qui explore différents aspects de la démocratie contemporaine. Un des chapitres y est consacré à l’articulation entre l’art et l’engagement dans la ville d’Ústí nad Labem, marquée par l’expulsion de la population allemande des Sudètes et confrontée aujourd’hui à la désindustrialisation. Zdena Kolečková, originaire de cette ville et commissaire de la partie tchèque de l’exposition, en a parlé à Radio Prague.

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« Mody demokracie » est une exposition conçue par Jaroslav Anděl, le directeur artistique de DOX. Une trentaine d’artistes tchèques et étrangers y présentent leurs œuvres critiques notamment vis-à-vis de la surveillance massive des citoyens par leurs propres Etats, ou l’introduction de mesures autoritaires au nom de la sécurité. Des écrans de télé constituent une grande partie des objets exposés. Sur un des écrans est projetée une interview d’Edward Snowden, ancien employé de la CIA, qui a révélé les programmes massifs de surveillance et de collecte de données des services de renseignement américains, et notamment de la NSA.

La partie tchèque de l’exposition s’intitule « Respirer les Sudètes ». Les contributions d’une dizaine d’artistes se rapportent à la réalité de la ville d’Ústí nad Labem. Zdena Kolečková explique la particularité de la région :

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« Nous avons dressé une carte des différentes formes de participation artistique et des projets qui reflètent la réalité sociale de la Bohême du nord. Moi-même, je suis née à Ústí nad Labem et j’y habite. La ville, qui est aussi un sujet de mes propres créations artistiques, a été très marquée par l’expulsion de sa population allemande après la Deuxième Guerre mondiale. C’est un point zéro dans l’histoire d’Ústí duquel se dégagent toutes les autres problématiques, comme l’exploitation massive du charbon, les usines chimiques en plein centre-ville, le niveau d’éducation inférieur à la moyenne du pays ou l’exclusion sociale. Auparavant, c’était une ville qui prospérait et elle n’a depuis plus jamais retrouvé son rayonnement d’avant-guerre. »

Un des objectifs de l’exposition à DOX est de montrer que la situation évolue et que les artistes locaux réagissent à cette évolution :

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« La nouvelle génération, la troisième ou quatrième depuis la guerre, constitue un grand espoir pour la ville car elle doit d’une certaine façon s’identifier avec le lieu. Les jeunes artistes locaux se retrouvent à la faculté d’art et de design et à la galerie d’Emil Fila. Ils organisent des projets alternatifs, des conférences etc. En réaction à la menace de fermeture du théâtre d’Ústí, qui est un lieu central de la vie artistique depuis les années 1980, nous avons lancé une coopération avec l’équipe du théâtre et nous avons rouvert un ancien cinéma que nous avons converti en un espace artistique multifonctionnel. »

Zdena Kolečková expose à DOX son installation murale composée de photographies et du récit d’un Allemand des Sudètes qui, avant d’être expulsé, a passé plusieurs mois dans un camp d’internement à Ústí. Autre artiste lié à la ville, Jiří Černický présente les photographies de ses projets dont l’un a été réalisé directement dans une mine de charbon. Sa collègue Michaela Thelenová réfléchit, elle, sur le sujet du passé perdu. La majorité des contributions relatent une intervention artistique réalisée sur place ou qui impliquait la participation des habitants de la ville. Interrogée sur la frontière entre l’art et le militantisme, Zdena Kolečková remarque :

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« Si je simplifie la chose, il y a une grande différence entre l’art créé à Prague et l’art de la périphérie. A Prague, le public est très particulier. L’art doit résonner avec l’environnement où il naît et nous ne pouvons pas faire autrement que de faire des projets qui peuvent intéresser les habitants d’Ústí, certains souffrant de l’exclusion sociale. Ainsi, nous avons lancé un projet intitulé l’Université Předlice, nommé selon un des quartiers défavorisés. Ce projet n’a pas seulement relié le monde académique et artistique avec les gens, son résultat n’a pas seulement été quelques peintures, mais il a permis également des passerelles avec le travail communautaire. »

L’exposition « Mody demokracie » est à voir à la galerie d’art contemporain DOX à Prague jusqu’au 16 mars.