75 ans depuis la reformation d’une armée tchécoslovaque à Agde

Photo: VHÚ

En 1939 et 1940, la ville d’Agde et sa région ont vu se reconstituer une armée tchécoslovaque, désireuse de poursuivre la guerre contre l’Allemagne nazie, qui avait envahi la Tchécoslovaquie en mars 1939. Vendredi 5 juin dernier, une cérémonie était organisée dans cette commune du Midi de la France, en présence des ambassadeurs tchèque et slovaque, pour commémorer le 75e anniversaire de cette renaissance.

Le monument commémoratif du camp d'Agde,  photo: Spedona,  CC BY-SA 3.0 Unported
Edifié en février 1939, alors que des centaines de milliers de républicains espagnols fuient leur pays pour rejoindre la France, le camp d’internement d’Agde allait devenir le théâtre de la reconstitution d’une armée tchécoslovaque. Irène Dauphin est la directrice des archives de la commune d’Agde en même temps que la femme de Jean de Dios, le président de l'Amicale du Camp d’Agde. Elle raconte :

« Le camp était à l’origine un camp pour accueillir des réfugiés espagnols. Ensuite, il a accueilli des ressortissants tchécoslovaques pour reformer l’armée. Il a accueilli aussi des Belges, pour reformer également leur armée, et des Indochinois, qui à l’époque faisaient encore partie d’une colonie française et qui venait en France pour remplacer les Français partis à la guerre. C’était des travailleurs dans l’agriculture et dans les usines d’armement. Et puis hélas, il a aussi accueilli des juifs lors de la rafle de 1942. »

La mobilisation en France,  photo: VHÚ
A partir du mois de septembre 1939, après que les réfugiés espagnols ont été éparpillés dans la région, c’est au tour des Tchécoslovaques, des volontaires et des mobilisés, de rejoindre le camp pour y reconstituer une armée. La veille de la cérémonie commémorant cet événement, organisée à l’initiative de l’Amicale du Camp d’Agde, trois conférences avaient été données autour des relations bilatérales franco-tchécoslovaques et de la formation de cette unité militaire. L’une d’elles était proposée par Jiří Hucek, également connu sous le nom de Georges Hucek, puisqu’il est originaire d’une famille d’immigrés tchécoslovaques, dont certains membres ont été mobilisés lors de la Seconde Guerre Mondiale. Représentant l'Association des Volontaires Tchécoslovaques en France, il a expliqué au micro de Radio Prague :

« Mon grand-père a été mobilisé à son poste de travail. Mon épouse, qui est également d’origine tchèque, avait également son grand-oncle. En fait, les personnes de la première ou de la deuxième génération qui vivent en France avaient presque tous un parent qui s’est retrouvé happé par cette mobilisation des citoyens tchécoslovaques, dans la mesure où l’emploi ou le poste occupé le permettait. »

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D’après Jiří Hucek, le choix du camp d’Agde pour accueillir la formation de ces soldats tchécoslovaques découle de la nécessité de disposer d’un accès à la mer afin de pouvoir procéder à une évacuation si besoin. Ce choix répondait également à la volonté de Štefan Osuský, à l’origine de cette tentative d’organisation d’une armée en France :

« Il y avait la demande de Štefan Osuský, qui était ministre plénipotentiaire de Tchécoslovaquie à Paris et qui a refusé de fermer l’ambassade après le 15 mars 1939, se déclarant chef de la résistance tchécoslovaque en France. Soutenu par la colonie, qui fédérait alors toutes les associations tchécoslovaques de France, il a demandé en fin de compte à reproduire ce qui s’était déjà passé en 14-18. »

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Durant la Première Guerre mondiale, des légions tchécoslovaques avaient en effet été créées en France, notamment sous l’impulsion d’Edvard Beneš, qui y voyait avant tout un intérêt politique et diplomatique pour appuyer les revendications d’indépendance de la Tchécoslovaquie. Lors du second conflit mondial, la reformation d’une armée permet de poursuivre des objectifs de nature comparable :

« Cette armée avait deux fonctions. D’abord une fonction politique avec pour but de valider la continuité de l’Etat tchécoslovaque en dehors de ses frontières, puisque c’était devenu le Protectorat de Bohême-Moravie et la Slovaquie était devenue indépendante, un satellite de l’Allemagne. D’un point de vue militaire, cela permettait de constituer une armée nationale pour valider également le gouvernement provisoire tchécoslovaque, qui n’était pas encore constitué, qui s’appelait à l’époque le Comité national tchécoslovaque. Cela permettait à cette armée de pouvoir combattre sous ses propres drapeaux, mais sous commandement français. »

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Les conditions de vie dans le camp d’Agde sont réputées très difficiles. D’autant plus que les soldats disposent d’un matériel daté et que la région est peu propice à la bonne tenue de leur entraînement. Des soldats qui ne pourront décider de l’issue de la bataille de France du fait de la rapidité de l’offensive allemande en mai et juin 1940. En revanche, deux de ces hommes, Jozef Gabčík et Jan Kubiš, participeront en mai 1942 à l'Opération Anthropoid qui vise et parvient à assassiner Reinhard Heydrich, le protecteur adjoint de Bohême-Moravie. Pour l’anecdote, on peut noter que l’écrivain Jiří Mucha, le fils du célèbre peintre Alfons Mucha, est lui aussi passé par le camp d’Agde.

L’histoire et la vie de ces hommes et de ces femmes sont à découvrir actuellement et jusqu’au 14 juin à l’occasion d’une exposition qui se tient à l’Îlot Molière à Agde.