Une collaboration franco-tchèque pour la renaissance de la bière parisienne Gallia

Jacques Ferté et Guillaume Roy sont deux jeunes Français qui ont décidé de relancer une marque de bière parisienne qui avait disparu depuis plusieurs décennies. La Gallia existe à nouveau depuis environ six mois. Et comme ils ont décidé de faire une bière blonde de type Pils, c'est en République tchèque, berceau de la Pils, qu'ils sont d'abord venus chercher un brasseur. Alexis Rosenzweig a joint Jacques Ferté pour parler de la renaissance de la Gallia.

Jacques Ferté
Bonjour Jacques Ferté, c’est donc vous, avec votre associé Guillaume Roy, qui avez eu l’idée de relancer une marque de bière parisienne. Comment vous est venue cette idée ?

« Nous sommes deux jeunes entrepreneurs de 26 et 27 ans à avoir eu l’idée de relancer une ancienne marque de bière parisienne. L’idée est venue du fait que Paris n’avait plus de bière alors qu’il y avait un patrimoine brassicole. Il faut savoir que dans les années 1900 il y avait une dizaine de brasseries à Paris, la plupart situées dans le 14e arrondissement, et elles ont toutes disparu dans les années 1950 ou 1960. On s’est dit que c’était dommage que Paris n’ait plus de bière, alors que toutes les capitales européennes et que la plupart des régions françaises ont leur bière. On s’est dit qu’il fallait relancer le patrimoine brassicole parisien et on a fait des recherches. C’était il y a un an et demi, et sur les anciennes marques qui existaient c’est la bière Gallia qui nous a rapidement plu, de par son histoire et son logotype. Et on a fait connaissance avec le descendant du dernier brasseur de cette bière, qui nous a vraiment adoubé et apprécié notre projet et notre état d’esprit. On a donc travaillé au relancement de la bière, et la première production a vu le jour il y a à peu près six mois. Aujourd’hui la Gallia est distribuée à Paris dans une soixantaine de points de vente. »

Et vous avez décidé de faire une Pils, c’est bien ça ?

« Oui, les bières parisiennes, au début du XXe siècle, étaient souvent des Pils. C’était la bière qui fonctionnait, qui avait été découverte en 1855 sur le sol tchèque. C’était une bière assez légère, facile à boire et accessible et, comme la Gallia était une Pils, nous avons décidé de refaire une Pils, car elle correspondait aux caractéristiques qu’on cherchait. On voulait une bière assez accessible, pas trop complexe, d’où le choix de la Pils. »

Et vous avez décidé de chercher un brasseur en République tchèque…

« Oui, l’idée n’est pas venue tout de suite… On a d’abord fait une recherche auprès des brasseurs français. La première question qui se posait était si on allait la faire à Paris. Comme il n’y a plus de brasserie à Paris on est rapidement passé à autre chose. On a essayé l’Ile-de-France, mais il n’y a que des brasseries artisanales qui ne font pas de Pils. Du coup on a fait un petit tour des brasseries en France, on est allé notamment dans le Nord de la France, mais malheureusement il faut déjà des brasseries assez conséquentes pour faire de la Pils. Au début, comme on n’avait pas des volumes très conséquents, les brasseurs français n’étaient pas très Donc au bout de quelques mois on s’est décidé à aller au pays d’origine de la Pils.

La brasserie de Nymburk,  photo: www.postriziny.cz
« Il faut déjà des brasseries assez conséquentes pour faire de la Pils et donc on s’est dit au bout de quelques mois qu’il faudrait peut-être aller au pays d’origine de la Pils. Au début, comme on n’avait pas des volumes très conséquents, les brasseurs français n’étaient pas forcément partants pour nous faire confiance, donc on a décidé d’aller là où elle a été inventée et là où elle est toujours fabriquée en masse, puisqu’il faut rappeler que la République tchèque est quand même le premier consommateur de bière au monde. Donc on a fait six ou sept voyages en République tchèque, on a rencontré beaucoup de brasseurs, ramené beaucoup de bière en France. On a fait des tests-consommateurs et on a choisi une brasserie indépendante, la brasserie de Nymburk, à côté de Prague. On travaille avec eux depuis six mois et on est très content de notre relation avec eux. Ça se passe très bien, ils font de la bière de qualité et on a de très bons retours gustatifs sur la bière. »

C’est une brasserie assez connue ici parce qu’elle est très liée à l’écrivain Bohumil Hrabal… Elle a aussi un certain savoir-faire, et pour votre choix le houblon était important avec notamment un houblon d’origine tchèque, le houblon Žatec…

« Oui, notre bière a vraiment toutes les caractéristiques d’une Pils classique tchèque, puisqu’elle est faite avec un seul malt, le malt Pilsen, et deux types de houblon, le houblon Žatec pour l’arome et le houblon Premiant pour l’amertume, ce qui en fait une bière assez bien équilibrée, facile à boire et rafraîchissante. En plus on a été content de tomber - un petit peu par hasard - sur cette brasserie de Nymburk, parce qu’elle a une histoire intéressante puisque effectivement c’est le père de l’écrivain Bohumil Hrabal qui était directeur de la brasserie. Ça nous a plu parce qu’on aime bien les projets avec un peu d’histoire, on était très contents de ce petit clin d’œil à l’histoire tchèque. »

Combien de litres produisez-vous ?

« Cela ne fait que six mois qu’on a lancé le projet, donc même si c’est un bon départ ça reste un début. On va plutôt parler en cols, les bouteilles de 33cl : pour l’instant on a à peu près sorti 25000 cols. »

La République tchèque n’est pas encore dans la zone Euro. Est-ce que pour vous, entrepreneurs français, la fluctuation du taux de change peut-elle poser des problèmes ?

« Pour l’instant, pour être franc, on n’a pas fait assez de commandes et on n’a pas assez de recul pour que ça nous pose directement un problème. C’est bien sûr quelque chose que l’on surveille, mais ce n’est pas encore significatif pour nous, dans le sens où nous n’en sommes qu’au début de notre activité. »

Guillaume Roy et Jacques Ferté,  photo: Gallia Paris
Quels sont les projets de développement dans l’avenir proche ?

« C’est d’abord le lancement d’une bière vraiment « made in Paris », qui sera faite en Ile-de-France par une des brasseries artisanales dont je parlais tout à l’heure. Ce sera une bière ambrée complètement différente, non pasteurisée, non filtrée, artisanale. Un produit différent, pour un autre segment et d’autres canaux de distribution. On voulait quand même un produit fabriqué dans la région parisienne, ça nous tenait à cœur et nous paraissait judicieux. Ce sera pour cette année. Et sinon, pourquoi pas d’autres projets d’autres bières. Après la Pils pourquoi pas d’autres bières, aromatisées par exemple. »

Pour l’instant vous vous concentrez sur le marché français ?

« Oui, on se concentre sur le marché français même si l’export nous intéresse pour l’avenir. On veut d’abord se concentrer sur Paris pour se créer une notoriété, pour créer une vraie marque bien ancrée sur le marché parisien, avant de s’intéresser à l’export qui est une autre paire de manches. »

Dernière question : parmi les bières tchèques que vous avez sûrement dû goutées en nombre, quelle est celle qui vous a le plus plu ?

« Je ne voudrais pas trop faire de jaloux… C’est vrai qu’on en a goûté beaucoup. Il y a les grosses marques bien sûr, la Pilsner Urquell, la Staropramen, la Krušovice… Moi, j’aime bien les bières assez légères, la Pilsner Urquell est une bonne bière, qui a une amertume intéressante. Et je trouve que les bières Primator sont intéressantes, des Lager ambrés notamment. Pourquoi pas à l’avenir faire des bières de ce type-là… »


Rediffusion du 14/1/2011