La traduction - métier d'avenir en République tchèque?

Le marché de la traduction est en forte hausse depuis quelques années, notamment depuis l’entrée dans l’ère Internet. Sébastien Bricier est le fondateur de l’agence Solten, basée à Prague, et spécialisée sur les traductions franco-tchèques. Il explique comment fonctionne ce marché en République tchèque.

Vous êtes le créateur d’une société de traduction, Solten. Pourquoi avez-vous créé cette société en République tchèque ?

« Je travaillais déjà en République tchèque depuis quelques années et à discuter avec certains directeurs de sociétés de filiales françaises installées en République tchèque, et avec certains institutionnels présents en République tchèque, j’avais l’impression que ces personnes, qui ne sont pas tchécophones en général, n’étaient pas satisfaites de ce qu’elles pouvaient trouver en terme de traduction et d’interprétation, ce qui m’étonnait parce que je savais qu’il y avait en République tchèque de très bons traducteurs et interprètes français et tchèques. Le problème était surtout qu’ils ne savaient pas où les trouver, ils ne savaient pas qui était spécialisé dans quoi, et ils ne savaient pas trouver la bonne personne pour le bon projet au bon moment. J’ai donc crée Solten pour répondre à ce besoin. »

Vous êtes donc spécialisé dans les traductions franco-tchèques ?

« On travaille dans beaucoup de langues puisque l’on répond aux besoins de nos clients. Donc si c’est de l’allemand, du russe, de l’anglais, ou du vietnamien, on est capable de le faire. Après effectivement, on se spécialise en français, en République tchèque, parce que je suis français, tous les employés de Solten sont francophones et parce qu’on sait bien que les français parlent en général très mal les langues étrangères et c’est agréable de savoir que quand ils appellent chez Solten, on peut leur répondre dans leur langue préférée. »

Photo: Štěpánka Budková
Quel est votre créneau, ou votre clientèle ? Sur quels types de projets travaillez-vous ?

« On travaille principalement avec des entreprises, que ce soient des filiales françaises ou des entreprises tchèques, des TPE ou PME jusqu’aux grands groupes. On travaille également avec l’Ambassade de France, les différents services et certains ministères, qu’ils soient français ou tchèques. La partie institutionnelle reste une bonne vitrine mais c’est surtout la partie entreprise qui est notre corps de métier. »

Est-ce que le passage de relais entre la France et la République tchèque pour la présidence de l’Union européenne vous a apporté de nouveaux projets. Est-ce que vous avez bénéficié de cette transition ?

Photo: Commission européenne
« Au niveau des clients entreprises pas du tout parce que pour les entreprises cela n’a pas changé grand-chose. Au niveau institutionnel, on a eu plus de travail avec l’Ambassade. Mais il faut relativiser parce que dans le volume de notre activité, ce n’est pas forcément la part la plus importante. Ce qui a pas mal changé, c’est que, notamment sur la partie interprétation simultanée pour les conférences, on travaille avec des interprètes qui sont connues et qui travaillent notamment habituellement avec des ministères, avec des ministres, avec tous les institutionnels qui peuvent passer en République tchèque. Et pendant les Présidences française et tchèque, ces interprètes étaient extrêmement prises. Elles étaient tout le temps à Strasbourg, à Bruxelles, à Paris et à Prague pour des grandes conférences internationales. Effectivement, on a été capable de répondre parce qu’on connaît très bien le marché et toutes ces personnes. On était capable de répondre à des demandes de dernière minute là où les autres n’arrivaient pas à trouver la bonne interprète lorsqu’on avait un ministre français qui venait et à qui il fallait trouver une interprète cinq jours avant. »

Avez-vous beaucoup de traducteurs et d’interprètes et y-a-t-il de manière générale beaucoup de traducteurs en République tchèque ? Est-ce que vous devez les rechercher ? Y-a-t-il beaucoup d’offre ou plutôt beaucoup de demande ?

« Le métier de la traduction est un métier qui se fait la plupart du temps en ‘free lance’, avec ce qu’on appelle ici les ‘živnostenský list’. Pour tous ces traducteurs, soit ils nous contactent, soit évidemment à l’origine, on a du les contacter pour se créer une base de données. Et puis apprendre à les connaître, savoir quelles sont leurs forces et leurs faiblesses, quelles sont leurs spécialités. Aujourd’hui, on en a qui nous contacte simplement parce qu’ils trouvent notre site sur internet. Ils nous envoient leurs coordonnées, leur CV. Ils nous expliquent quel type de mission ils recherchent. Je vais prendre l’exemple du français-tchèque ; aujourd’hui, on connaît à peu près 300 interprètes et traducteurs français-tchèque avec environ 200 qui sont en République tchèque et une centaine en France. »

N’y-a-t-il pas de plus en plus d’écoles pour former des traducteurs ? Ne risque-t-on pas une saturation du marché de l’emploi pour les traducteurs ?

« Si l’on prend l’exemple du français-tchèque, je ne connais pas beaucoup de formations, mais je sais qu’il y a une formation à l’Université Charles au département de traduction. A priori, ce sont des promotions d’environ 15 personnes donc ce n’est pas non plus trop, sachant qu’il y en a qui arrivent en fin de carrière et qui vont partir à la retraite. Sur les autres langues que l’anglais, on a des gens qui nous disent que maintenant, il suffit de passer par l’anglais. Mais on se rend compte que s’ils trouvent des solutions aux mêmes tarifs qui permettent de passer directement du français au tchèque ou d’autres langues, comme de l’allemand au tchèque mais sans passer par l’anglais, ce sont souvent des solutions qui permettent une meilleure qualité niveau traduction et interprétation. Je pense donc qu’il y a de l’avenir et 15 jeunes femmes par promotion – ce sont généralement des jeunes femmes – ce n’est pas forcément trop pour le français-tchèque. »

Est-ce que le marché en République tchèque est très concurrentiel ? Avez-vous une idée du nombre d’agences qui proposent ces services ?

« Je pense qu’il y en a au moins une centaine. En France, il y en a plus de 500. Il y a de tout. En creusant, on se rend compte néanmoins qu’il y a beaucoup d’agences qui correspondent à un traducteur ou une interprète ou deux personnes qui se mettent ensemble et décident de dire qu’ils sont une agence. Mais on est loin des critères demandés par l’industrie au niveau ‘proces’, au niveau qualité, qui permettent d’assurer la gestion de gros projet. Lorsqu’on traduit 500 pages, 1000 pages ou 2000 pages, il faut être capable de gérer un projet comme si c’était un gros projet industriel avec cinq traducteurs ensemble qui travaillent pendant un mois. Peu d’agences sont capables de fournir ceci aujourd’hui. »

www.solten.cz