Fransýr, le fromage français à la conquête de la capitale tchèque

Gaël Dandelot, photo: Anne-Claire Veluire

Gaël Dandelot vient d’ouvrir une fromagerie française dans le quartier de Letná, à Prague. La société s’appelle Fransýr. Radio Prague a commencé par demander à Gaël Dandelot comment lui est venue l’idée de se lancer dans cette activité.

Gaël Dandelot,  photo: Anne-Claire Veluire
« L’idée a mûri pendant un certain temps puisque j’étais à Prague depuis quelques années. Comme beaucoup de Français, j’étais en recherche de produits français, notamment des fromages. Je faisais comme certains, en ramenant des quantités importantes de fromages quand j’allais en France. Parfois, je n’arrivais même pas à les finir. Petit à petit est venue l’idée de lancer un commerce de fromages, puisque ça manquait en République tchèque. L’idée s’est concrétisée il y a un an, sur internet, et maintenant, nous sommes dans la deuxième phase, avec un magasin. »

Sur internet, vous prenez des commandes et vous livrez. Comment fonctionne ce système, et est-ce que vous continuez à livrer malgré l’ouverture du magasin ?

« Le système marchait bien avec un certain nombre de gens qui étaient en recherche de produits très spécifiques et qui savaient ce qu’ils voulaient. L’idée était de proposer ces produits-là à des prix un peu plus intéressants que ce que l’on peut trouver sur le marché, et donc de les livrer dans des quantités assez importantes. J’ai trouvé une certaine clientèle qui n’est pas prête à abandonner ce système. Maintenant, avec le magasin, je vais faire en sorte de regrouper toutes les commandes pour pouvoir livrer une fois par semaine. C’est-à-dire que tous les mercredis, je parcours Prague pour livrer et honorer différentes commandes. »

Nous sommes donc à Letná, dans la rue Šmeralova. Le magasin a ouvert il y a environ un mois. Est-ce compliqué d’ouvrir un magasin en République tchèque, de trouver un local, de remplir les formalités administratives ?

Photo: Anne-Claire Veluire
« Les formalités concernaient surtout les services d’hygiène. Il fallait faire homologuer ce magasin qui était déjà un magasin avant, mais un magasin de vêtements. Il a donc fallu le faire homologuer comme un magasin où l’on vend de l’alimentation. Il y avait tout un projet à monter avec des contraintes à respecter, pour pouvoir faire de la découpe de produits. C’était la principale difficulté ; pour vendre des produits emballés, il y a moins de contraintes, mais pour faire de la découpe, il faut respecter un certain nombre de règles. J’ai trouvé le local par hasard et de façon assez chanceuse. C’est un endroit qui me plaisait bien, que je connaissais bien, et je me disais que c’était peut-être une opportunité d’ouvrir à cet endroit-là. »

D’où viennent les fromages que vous recevez ? Avez-vous plusieurs fournisseurs ? Allez-vous chercher vous-même les fromages en France ?

« Je ne vais pas les chercher en France parce que ce serait trop fatiguant étant donné que j’ai besoin de recevoir des produits toutes les deux semaines. Faire le voyage en France toutes les deux semaines me parait trop compliqué. Je suis donc en contact avec un exportateur qui m’envoie les produits par camion frigorifique. C’est plus pratique. Pour l’instant, je suis en contact seulement avec cet exportateur mais on peut imaginer tout un tas d’autres possibilités, et notamment d’être en contacts avec des producteurs pour des opérations bien précises. Parce que le producteur ne peut fournir qu’une sorte ou deux de fromages, il faut donc pouvoir écouler cette marchandise assez rapidement. Pour des opérations bien précises, cela peut être intéressant et ça peut offrir quelque chose de nouveau. »

Photo: Anne-Claire Veluire
On imagine une clientèle composée de nombreux Français expatriés en République tchèque. Est-ce bien le cas et avez-vous constitué une clientèle tchèque ?

« L’an dernier, quand je proposais uniquement de la vente par internet, j’avais une part très importante de clientèle française, parce que c’était une clientèle qui connaissait les produits, qui savait exactement ce qu’elle voulait, et qui pouvait percevoir que les prix n’étaient pas particulièrement excessifs. C’était plus facile de communiquer avec cette clientèle, d’autant plus que le bouche-a-oreille fonctionnait assez bien entre Français. Maintenant, avec le magasin mais déjà avec les marchés, il y a une clientèle de plus en plus tchèque qui vient se fournir et découvrir un certain nombre de produits. »

Est-ce que les Tchèques apprécient le fromage français et que faut-il faire pour leur faire découvrir des fromages qu’ils n’ont pas l’habitude de manger ?

« Forcément, il faut faire déguster. Il faut souvent faire goûter aux gens pour qu’ils puissent sentir qu’il y a réellement une différence entre le produit que l’on peut acheter ici, celui qu’on peut acheter en supermarché, ou le produit tchèque qui est industriel. Souvent, la dégustation permet de comprendre un peu mieux et de voir qu’il y a des différences et des nuances dans un même type de fromages, en allant de choses qui sont très douces, qui ne sentent par forcément très forts, à des choses plus corsées, piquantes et qui peuvent avoir un goût particulier. Il peut en avoir pour tous les goûts. »

Savez-vous comment les Tchèques consomment du fromage ? En France, on le mange souvent après le plat principal d’un repas. En République tchèque, on mange plutôt du fromage au petit-déjeuner, avec des tranches de fromage à pâte dure, ou le soir au dîner. Comment intégrer le fromage français dans les modes de consommation tchèque ?

Gaël Dandelot,  photo: Anne-Claire Veluire
« Il est difficile de savoir comment et à quel moment de la journée le fromage est consommé. Je ne donne pas forcément de conseils de ce type à mes clients. Mais il peut m’arriver de proposer un plateau de fromages français. Avec des choses très différentes, où il y a un certain équilibre, on va trouver différents types de fromages, et différentes saveurs. Pour une somme donnée – les gens peuvent me demander un plateau de fromages par exemple pour 500 couronnes ou 1 000 couronnes – je peux proposer quelque chose avec un ordre de dégustation. Comme pour le vin, le fromage ne peut pas souffrir d’un ordre chaotique de dégustation. Il faut consommer les fromages les plus doux pour arriver à quelque chose de plus fort. Je peux donc donner un conseil dans la dégustation, comme cela se fait dans les restaurants en France, et je peux donner des conseils sur les plateaux de fromage pour qu’il y ait différentes formes, différentes couleurs. »

Le magasin a ouvert il y a environ un mois. Est-ce difficile de se faire une clientèle ?

« Les débuts sont encourageants. Pour l’instant, il est difficile de savoir où en est le magasin. On peut espérer qu’il va y avoir de plus en plus de gens qui seront intéressés. Cela va prendre le temps d’être connu dans le quartier. Mais pour les débuts, ce n’est pas mauvais, ça aurait pu être pire. »

Qu’en est-il de la concurrence ? Il y a à Prague une chaîne de fromageries, qui s’appelle Cheesy, installée dans plusieurs quartiers de Prague. Sont-ils vos concurrents, comment jouer avec cette concurrence ?

« Localement, ce sont mes concurrents puisqu’ils ont un magasin à une centaine de mètres du mien. Mais sur le type de produits, sur l’offre, et sur la variété que l’on peut trouver, on est assez différent. Cheesy propose principalement du fromage hollandais, à pâte dure. Je ne propose pas du tout de fromage hollandais, mais des fromages français, éventuellement suisses ou italiens. C’est donc plus l’offre qui fait la différence, et peut-être aussi la qualité des produits. »