Hommage à Jiří Bělohlávek, l’homme à la « baguette magique »

Jiří Bělohlávek, photo: ČTK

Le monde de la musique classique pleure un de ses plus grands talents de notre époque, Jiří Bělohlávek. Le chef d’orchestre tchèque est décédé le 31 mai dernier à l’âge de 71 ans seulement des suites d’une longue maladie. Afin de rendre hommage à cet artiste exceptionnel, Radio Prague vous propose une sélection de quelques-unes des grandes œuvres classiques interprétées par les orchestres qu’il a dirigés.

Un homme discret au parcours remarquable

Jiří Bělohlávek,  photo: Archives de la Philharmonie tchèque
Le parcours de Jiří Bělohlávek est celui d’un musicien singulier, talentueux et travailleur à la fois. Après avoir débuté en tant que violoncelliste, il se tourne ensuite pleinement vers la direction d’orchestre, auprès du chef roumain Sergiu Celibidache. Il devient par la suite chef d’orchestre de la philharmonie de Brno, puis de l’Orchestre symphonique de Prague FOK pendant cinq ans jusqu’en 1989. Après la Révolution de velJiří Bělohlávek, photo: ČTKours, il se lie pour deux ans avec l’Orchestre philharmonique tchèque, dont il redeviendra le directeur artistique à partir de 2012.

En 1994, il fonde la Philharmonie de chambre de Prague, composée de jeunes instrumentistes, ensemble qui récolte un grand succès auprès du public. Dix ans plus tard, il fait ses premiers pas sur la scène du Met de New York, avec l’opéra Káťa Kabanová de Leoš Janáček. Il s’y produira par la suite avec un autre opéra de Janáček, Jenůfa, puis celui de Tchaïkovsky, Eugène Onéguine, et l’œuvre célèbre de Dvořák, Rusalka. En 2006, c’est la consécration pour Jiří Bělohlávek, lorsqu’il devient chef principal de l’Orchestre symphonique de la BBC, qu’il dirigera alors pendant six longues années.

Jiří Bělohlávek,  photo: ČTK
Jiří Bělohlávek s’est distingué parmi ses pairs, tant par son professionnalisme que par son approche musicale très attentive aux détails. Avec le temps, il a réussi à élever l’Orchestre symphonique national aux rangs des plus grands orchestres du monde et à lui redonner son prestige, tout en continuant de diriger parallèlement des orchestres symphoniques du monde entier. Reconnu tant dans son propre pays qu’à l’étranger, Jiří Bělohlávek a été décoré de l’Ordre de l’Empire britannique au mois de mars 2012.

Malgré l’état avancé de sa maladie, Jiří Bělohlávek n’avait pas abandonné la baguette. Dernièrement, il s’est produit sur les scènes des opéras de Londres et de Rotterdam. La dernière fois, c’était avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise et avec la mezzo-soprano Magdalena Kožená, à Munich fin avril. Au début de l’année, son contrat auprès de l’Orchestre symphonique tchèque avait d’ailleurs été reconduit et Jiří Bělohlávek aurait dû rester son directeur artistique jusqu’en 2022.

Un grand propagateur des compositeurs tchèques

Jiří Bělohlávek,  photo: Oldsoft,  public domain
Tout au long de sa carrière, Jiří Bělohlávek a voulu faire découvrir avec passion au public étranger les œuvres des compositeurs tchèques, tels que Leoš Janáček ou Bedřich Smetana. Mais c’est avant tout l’œuvre du compositeur Bohuslav Martinů et surtout celle d’Antonín Dvořák, qui ont été au cœur de ses interprétations fascinantes. Jiří Bělohlávek a dirigé vingt-neuf enregistrements des œuvres de Bohuslav Martinů, notamment les opéras Echec au Roi ou La Passion grecque, et près de trente-six disques des œuvres d’Antonín Dvořák, dont l’opéra Rusalka, plusieurs symphonies et concertos pour pianos ou les célèbres Danses slaves. A l’Opéra national de Paris dans les années 2000, il avait d’ailleurs joué l’opéra Juliette ou la Clé des songes de Martinů ainsi que Rusalka et la Fiancée vendue de Dvořák.

Néanmoins, l’œuvre du chef d’orchestre, pianiste et compositeur expressionniste autrichien Gustav Mahler a aussi attiré très tôt son attention. Dans un entretien accordé en 2009 à la presse tchèque, Jiří Bělohlávek avait déclaré que les compositions de Malher représentaient toujours pour lui « un grand devoir et une immense fête ».

La soudaine disparition de Jiří Bělohlávek a été un coup dur pour le Printemps de Prague, festival auquel le chef d’orchestre avait l’habitude de participer aux côtés des membres de la Philharmonie tchèque. En raison de sa maladie, il a dû décliner l’invitation cette année pour la 72e édition de ce prestigieux festival international de musique classique, même si sa présence était sollicitée pour un seul et unique concert.

Photo: Decca
La discographie de Jiří Bělohlávek rassemble près de 145 albums, présentant les œuvres classiques tant des compositeurs tchèques, à la fois connus comme Josef Suk ou moins connus comme le post-romantique Vítězslav Novák, que des compositeurs étrangers comme le Russe Sergueï Prokofiev ou l’Autrichien Johannes Brahms. Après l’annonce de son décès, la presse du monde entier a rendu hommage au gentleman et au professionnel de la musique qu’il était. Jiří Bělohlávek laisse un immense vide au sein du monde de la musique classique, cette musique classique qui a été « le sens de sa vie ».