Vingt ans du Festival du film français en République tchèque

Luc Lévy, photo: Eva Kořínková / Festival du film français

Organisé à Prague et dans quatre autres villes du pays, le 20e Festival du film français (FFF) s’est achevé mercredi 29 novembre à l’Institut français de Prague par la projection du film Barbara de Mathieu Amalric. Retour, avec nos invités, sur les vingt ans d’existence de cette manifestation en République tchèque.

Avec le FFF, Prague est au coeur de l'Europe

Luc Lévy,  photo: Eva Kořínková / Festival du film français
Luc Lévy : « Il existe des festivals du film français de ce type dans plusieurs autres pays, y compris dans les pays voisins, en Allemagne par exemple. Mais celui qui est organisé à Prague est sans aucun doute le plus important en Europe. De ce point de vue, Prague est encore une fois au cœur de l’Europe ! »

Cette année, c’était le premier Festival du film français pour Luc Lévy, le nouveau directeur de l’Institut français de Prague. Il en est autrement pour Anna Mitéran du service audiovisuel de l’Institut français qui, elle, est un des piliers du festival depuis l’an 2000. Elle retrace son histoire :

« Le festival a beaucoup évolué depuis. Il y a eu une première tentative en 1996, puis il est devenu régulier en 1998. Au départ, c’était un événement praguois, qui se passait uniquement au cinéma Lucerna, avec six à dix films. Aujourd’hui il y a 57 films, le festival a lieu à Prague et en régions, et douze salles participent à l’événement. C’est une petite révolution en dix-sept ans. »

Il y a aussi l’apparition de la section Choix de la critique.

Magdalena Hrozínková,  Anna Mitéran et Luc Lévy,  photo: Eva Kořínková / Festival du film français
« C’est arrivé vers 2005, 2006, l’idée était de présenter au public tchèque des films qui ont un très fort potentiel artistique, déjà reconnus dans d’autre festivals à l’échelle internationale, mais qui n’ont pas été achetés par un distributeur tchèque et qui donc n’ont pas été diffusés dans le pays. L’idée était donc de s’allier avec les journalistes et les spécialistes de cinéma tchèques, qui recommandent ces films au public, et qui essayent de justifier leur choix, et nous, notre idée derrière, en se liant à TV5 monde, c’était d’inciter les distributeurs à l’achat de ce type de films. »

Des films présentés dans ce cadre ont-ils déjà été achetés ?

« Il y a eu deux ou trois films qui ont eu cette chance… Mais après c’est un monde compliqué le monde d’un cinéma. C’est d’abord des chiffes pour le distributeur, il doit d’abord penser investissement. C’est triste mais c’est comme ça. Il arrive toutefois que des films soient achetés par la Télévision tchèque : cette année par exemple, Django et Dalila ont été achetés pour la Télévision mais pas pour des sorties en salle. »

Vous organisez également un concours destiné au public, qui peut justement choisir le meilleur parmi ces films sélectionnés par les journalistes…

Django,  photo: Site officiel du Festival du film français
« Oui, cette année c’est Django. C’est un film qui est vraiment intéressant sur plusieurs plans, et qui présente au public Django Reinhardt, quelqu’un qui est très connu surtout pour sa musique et pas pour son destin. Il a également été présenté à la Berlinale. Le film a été sélectionné par Tomáš Pilát, journaliste de la chaîne Vltava de la Radio tchèque. »

Le festival et les attentats terroristes à Paris

Quels sont les films et les personnalités qui vous ont marqué depuis que vous organisez le festival ?

« La rencontre qui m’a le plus marqué, c’était Claude Miller, venu en 2005 pour une master-class. Nous avions par ailleurs programmé son dernier film Thérèse Desqueyroux en ouverture de l’édition 2012 après sa mort… Nous avons pu ainsi se remémorer quelqu’un qui avait travaillé avec nous. Puis il y avait aussi des moments forts : en 2015, le festival débutait deux ou trois jours après les attentats à Paris. Nous avons ressenti un grand soutien de la part du public, il a montré un enthousiasme pas seulement pour le cinéma français… »

Place maintenant à la programmatrice Tereza Jiravová qui a commencé à travailler pour le festival en 2007 en tant qu’attaché de presse.

L'équipe du FFF,  photo: Eva Kořínková / Festival du film français
« Chaque année, le festival continuait avec une rétrospective ou un focus. Au niveau des films phares il est vrai que nous restons est très liés au Festival de Cannes, nous avons présenté les Palmes d’Or de chaque année. Depuis sa 10e édition, le festival s’est stabilisé, le taux de fréquentation est à peu près toujours le même, on est dans les mêmes villes, et on a, je pense, un public fidèle. On présente des avant-premières, des rétrospectives, la section ‘Choix de la critique’, et avec Unifrance on prépare la soirée des courts-métrages. Il y a environ 18 000 à 20 000 visiteurs chaque année. »

Nous devions programmer les films en 35mm à Prague d’abord, puis amener la copie à la gare...

Comment le festival se passait au niveau technique il y a quinze ou vingt ans, lorsqu’il s’est exporté dans les régions ?

« C’est une bonne question. Par exemple pour la 10 e édition, nous devions programmer les films en 35mm à Prague d’abord, puis amener la copie à la gare, pour qu’elle aille à Brno, České Budějovice, à Ostrava, à Hradec Králové... Il y eu des épisodes où nous devions prendre la voiture et amener la copie dans une ville pendant la nuit ! Mais nous avons réussi à assumer cette partie de la production, mais avec l’arrivée digitale nous avons pu programmer exactement les mêmes films dans chaque ville du festival. »

Avez-vous un souvenir particulier lié au festival ?

Claude Miller,  photo: Georges Biard,  CC BY-SA 3.0
« Une personnalité m’a beaucoup marqué : Daniel Toscan le Plantier, ancien président d’Unifrance qui était venu à Prague avec toute une délégation très large pour la première édition sur laquelle j’ai travaillé. J’ai également pu rencontrer Claude Miller, ou Romain Duris qui était venu de Taïwan pour présenter Les Poupées russes. Et je trouvais impressionnant que nous puissions faire venir des stars du monde entier ! »

Le 20e FFF s’est achevée mercredi par la projection d’un « faux biopic » de la chanteuse Barbara, signé Mathieu Amalric. Ariane Semrádová, une spectatrice franco-tchèque nous donne son avis sur le film.

« Le film est magnifique. Il y a une énorme alchimie entre le metteur en scène, Mathieu Amalric, et l’actrice, Jeanne Balibar. J’aime aussi le fait que l’on se perd un peu dans le film, on ne sait pas exactement si l’on suit la réalité ou la fiction. J’ai apprécié aussi la caméra et les chansons que je ne connaissais pas. J’ai aussi aimé un autre film Le redoutable. Surtout pour ceux qui ont vu A bout de souffle de Godard, ce film est un petit plaisir. Par contre, j’ai beaucoup moins aimé Les fantômes d’Ismaël, avec Charlotte Gainsbourg et Marion Cotillard. Mathieu Amalric y joue également, mais je l’ai beaucoup plus apprécié aujourd’hui, dans Barbara. »

Faire pleurer et rire le public

'Barbara',  photo: Site officiel du Festival du film français
Le dernier mot appartient à la traductrice et interprète Gabriela Kliková qui travaille pour le Festival du film français depuis seize ans.

« Cela fait beaucoup d’années, de festivals, et de films ! Je fais les sous-titres, je les prépare, et pendant le festival je les fais défiler. »

Quels sont les films ou les rencontres qui vous ont marqué depuis que vous collaborez au festival ?

« Oh il y en a eu beaucoup, il y avait une pléiade d’acteurs et de cinéastes qui sont venus présenter leurs films et leur travail : Mathieu Amalric, Romain Duris, Jane Birkin… Difficile à dire (rire) ! »

Quel est le plus grand défi pour un traducteur lorsqu’il fait des sous-titres ?

« De trouver les mêmes endroits pour faire pleurer ou rire le public. »