Markéta Perroud : « La danse contemporaine est sans barrières »

Póster de Tanec Praha 2016

Jusqu’au 23 juin prochain se déroule la 28e édition du festival de danse contemporaine Tanec Praha. De nombreux événements de tous genres rythmeront ce mois de la danse à Prague, mais aussi dans plusieurs autres villes de République tchèque. Pour parler du programme en détails, mais aussi de la scène tchèque de la danse, Radio Prague a interrogé Markéta Perroud, ancienne danseuse et directrice adjointe du festival.

Markéta Perroud, bonjour. Vous êtes directrice adjointe du festival de danse contemporaine Tanec Praha. C’est lundi qu’a été donné son coup d’envoi. Il dure pendant un mois, 32 jours même. Un mois, c’est un gros morceau pour un festival. J’imagine que c’est un travail de longue haleine…

« Le festival se déroule du 23 mai au 23 juin. Il se déroule à Prague et dans 16 autres villes de la République tchèque. »

J’imagine que c’est un énorme travail en amont pour préparer un festival sur une si longue durée…

« Oui, c’est le plus gros festival international de danse contemporaine en République tchèque. En plus cette année, on a réussi à organiser trois rendez-vous. En avril, on a organisé la Plateforme de la danse tchèque, comme on le fait chaque année. Entre la Plateforme et Tanec Praha, on a organisé exceptionnellement le festival Spring Forward, en association avec le réseau Aerowaves. C’est un festival pour soutenir les jeunes chorégraphes européens. Donc on a enchaîné, et maintenant, le bouquet final, c’est Tanec Praha. »

Pendant toute cette semaine écoulée, vous avez organisé des événements destinés aux enfants et adolescents. Comment réagit ce jeune public à la danse ?

Mirka Eliášová,  'Momo',  photo: Site officiel du festival Tanec Praha
« Je pense que la danse est une forme exceptionnelle pour s’exprimer, s’épanouir, trouver qui on est, comment on fonctionne dans l’espace, avec les autres. La danse est aussi un outil pédagogique extraordinaire. Au festival, un peu aussi pour cela, la première semaine est dédiée aux ateliers, aux discussions avec pour thème central, l’éveil corporel. On présente donc le travail de toute une année qui se déroule dans quelques écoles à Prague. Le matin, les enfants font des ateliers, l’après-midi, c’est la présentation au public. Ce qui nous attend maintenant, comme point d’orgue, c’est la première du spectacle Momo, de Mirka Eliášová. On est très fiers de soutenir ce spectacle, car il est dédié aux adolescents. Je dois dire que c’est quelque chose de rare de voir des spectacles de danse dédiés aux adolescents. Ce sera le 1er juin, au théâtre Ponec. A 10h, c’est le spectacle pour les écoles, et à 16h, pour le public. »

Cette année, vous accueillez un invité de marque, Israel Galván, qui nous vient d’Espagne. Qui est-il et en quoi renouvelle-t-il le flamenco ?

Israel Galván,  'Intermezza FTF',  photo: Site officiel du festival Tanec Praha
« Israel Galván est une personnalité, un révolutionnaire de la danse, du flamenco. Sa venue, c’est un rêve qui va se réaliser : on mène des discussions dans ce sens depuis quelques années. On est donc très heureux de pouvoir le faire venir en République tchèque pour la première fois. Israel Galván. C’est un danseur de flamenco, né dans une famille de flamenco traditionnel. Il a donc le flamenco dans la peau… Il a aussi ce don de dieu, qui fait qu’il arrive à insuffler à ce flamenco originel l’esprit du XXIe siècle. C’est un virtuose au niveau performatif. C’est magnifique de l’observer en tant que danseur, il a un vrai sens du détail, du rythme. Mais il est aussi très doué pour la forme du spectacle. Il arrive à mélanger le flamenco originel à l’art contemporain de manière fabuleuse et originale. Ce sera à la toute fin du festival, les 22 et 23 juin, au théâtre de Karlin. »

Côté francophone, vous accueilliez la chorégraphe française Karine Ponties. Ce n’est pas la première fois qu’elle vient au festival. Il y a quelque chose autour d’un anniversaire, derrière sa venue…

« Karine Ponties nous a contactés car elle fête le 20e anniversaire de sa compagnie Dame de Pique. Tanec Praha a joué un rôle très important dans l’histoire de la compagnie. On s’est demandé si c’était possible, dans cette tournée d’anniversaire, d’introduire le spectacle dans notre festival. Karine Ponties a joué un rôle très important pour les artistes de République tchèque. Il n’y a pas beaucoup d’artistes internationaux à être venus et à avoir laissé une trace comme la sienne. Elle est venue plusieurs fois, même en-dehors du festival. Grâce aux rencontres qu’elle a faites au festival, elle a collaboré avec certains artistes tchèques. On a donc choisi qu’en deuxième partie de soirée, elle donne carte blanche aux artistes avec lesquels elle a un lien très fort. Elle en a choisi huit en tout, des danseurs mais aussi des scénographes par exemple. Donc, en deuxième partie de soirée, ils peuvent présenter quelque chose pour Karine et le public. Donc j’invite tout le monde à venir le 3 juin, au théâtre Ponec, à partir de 20h. »

Du côté de la scène tchèque de la danse, comment se porte-t-elle ?

« La scène tchèque se porte très bien et même de mieux en mieux. On voyage dans d’autres pays où la scène de la danse est déjà bien installée. Ici, le développement de la scène de la danse contemporaine n’a commencé vraiment qu’en 1989, même s’il y avait quelques balbutiements auparavant. Donc il y a un esprit bien vivant, une très bonne énergie. Les artistes et les spectacles commencent à être de plus en plus demandés pour tourner au niveau international. Je dois dire que je suis très heureuse de suivre ça et de pouvoir en témoigner. »

Quel est le mot d’ordre du festival cette année et en quoi s’articule-t-il aux différents spectacles ?

Andrea Miltnerová,  Jan Komárek,  'Tranzmutace',  photo: Site officiel du festival Tanec Praha
« Le mot d’ordre est ‘Nous ne sommes pas responsables de votre imaginaire’. Depuis trois ans, on essaye de montrer aux gens que la danse contemporaine n’est pas quelque chose d’inaccessible, que plusieurs routes mènent à la danse contemporaine, qu’il n’y a pas qu’un seul moyen d’y accéder. C’est à nous d’éveiller notre imagination, et de voir ce qu’on imagine. Ce n’est pas l’auteur qui nous dicte comment comprendre et interpréter. Il s’agit de susciter l’imagination des gens sous toutes ses formes. »

C’est déjà la 28e édition du festival. Même si vous n’étiez pas là à ses débuts. Quelle est la place aujourd’hui de la danse contemporaine dans l’imaginaire du public tchèque, est-ce quelque chose de plus accessible pour le coup ?

« Je pense que oui. Surtout dans la situation d’aujourd’hui où on a tendance à plutôt construire des barrières que de les enlever. Et la danse contemporaine est justement sans barrières. La danse, l’expression corporelle, c’est un moyen de communication magnifique. Si on le ramène dans le cadre artistique, c’est très beau car ce peut être un messager de son opinion par rapport aux thèmes actuels. La danse, de manière générale, peut très bien témoigner de la cohabitation de plusieurs nationalités… Je vois dans la danse une possibilité d’exprimer le fait que vivre ensemble peut être difficile, mais pas impossible. »

WArd/waRD,  Ann Van den Broek,  'The Black Piece',  photo: Site officiel du festival Tanec Praha
C’est presque un message politique…

« Oui ! »

En quelques mots pour finir, dite-nous à quoi peut s’attendre le public au festival Tanec Praha ?

« Il peut s’attendre à découvrir la danse dans plusieurs formes, dans les théâtres, mais aussi dans d’autres lieux, que ce soit à Prague ou dans seize autres villes de République tchèque. J’invite tout le monde à consulter notre site web où se trouve tout le programme, où ils peuvent choisir le type d’événement qui leur convient. Il y en a pour tous les goûts ! Il y a des ateliers de flamenco qui sont liés au spectacle d’Israel Galván, il y a des projections de films, il y a une partie dédiée aux étudiants de danse, des spectacles à Ponec, des grands spectacles, des petites formes. Il y a l’espace pour les jeunes créateurs comme pour les grands noms. »

www.tanecpraha.cz