Ma patrie de Bedrich Smetana ouvre le Printemps de Prague

Bedrich Smetana

Le 12 mai 1884 disparaissait un géant de la musique tchèque, Bedrich Smetana, auteur du célèbre cycle de poèmes symphoniques, Ma patrie. Depuis 1952, Ma patrie ouvre le plus important festival de musique dans le pays, Le Printemps de Prague. La Philharmonie tchèque la joue justement le 12 mai, dans la salle Smetana, à la Maison municipale de Prague, devant un public particulier, composé de mélomanes, de personnalités culturelles et politiques, et aussi devant des milliers de téléspectateurs. A quelques heures de l'ouverture du festival, je vous invite à écouter quelques extraits de cette composition envoûtante qui commence par les tons des harpes des prophètes...

Vysehrad, Vltava, Sarka, Par les prés et les bois de Bohême, Tabor et Blanik - voilà les six parties de Ma patrie. Vous venez d'écouter le début du premier poème, Vysehrad. Ce château fort pragois, fondé au Xe siècle, est voilé de légendes romantiques, liées à la création de l'Etat tchèque et de la ville de Prague. Bedrich Smetana s'en est, évidemment, inspiré. Il commence à travailler sur Vysehrad en 1874. Musicien confirmé et respecté, il vit au rythme infernal : il dirige l'orchestre du Théâtre national et le choeur Hlahol, donne des cours de musique, écrit dans les journaux, crée une école d'opéra à Prague... Fasciné par l'histoire de son pays, Smetana envisage de composer une oeuvre symphonique qui relierait le passé glorieux des Tchèques, leur présent et même leur avenir. Où se refléteraient leurs caractères, traditions, rêves et ambitions, leur amour de la nature et du pays... Mais en travaillant sur Vysehrad, il lui arrive une tragédie : à 50 ans, le compositeur devient sourd... Pendant dix ans encore, il vivra dans le silence terrifiant. Et pourtant, dans sa tête naîtront des mélodies éternelles : Ma patrie, le quatuor à cordes De ma vie, les opéras Le Baiser, Le Secret, Le Mur du diable...

Après avoir achevé Vysehrad, Bedrich Smetana se met tout de suite à composer Vltava, La Moldau. Nous, les auditeurs, nous retrouvons sa source, dans les mots de la Sumava, nous suivons son cours qui devient de plus en plus puissant, l'eau de la rivière nous emporte à travers la campagne... et nous voilà à Prague ! Dans un instant, Vltava se jettera dans l'Elbe, silencieuse, on ne l'entend plus, on la perd de vue...

La troisième partie de Ma patrie porte le nom d'une femme, Sarka, héroïne d'une légende tchèque. Trahie par son bien-aimé, Sarka voudrait se venger de tous les hommes. L'occasion se présente lorsqu'elle rencontre le beau Ctirad et sa compagnie. Sarka et ses amies dressent aux hommes un piège, les enivrent et, enfin, les assassinent...

Malade, Bedrich Smetana se réfugie, en 1875, à Jabkenice, un joli village en Bohême centrale, chez sa fille Zofie. Là-bas, il composera le quatrième poème symphonique au titre éloquent : Par les prés et les bois de Bohême. Ecoutons cette musique verdoyante et ensoleillée...

Dans les pays tchèques, le XXe siècle, l'époque de Bedrich Smetana, est marquée par le renouveau national. Vivant sous les Habsbourg, les Tchèques rêvent d'indépendance et la musique de Smetana est là pour les encourager. Les deux derniers poèmes, Tabor et Blanik, se rapportent à un grand moment de l'histoire tchèque, à la révolution hussite du XVe siècle.

Selon une légende, au moment où le peuple tchèque sera en danger, les chevaliers qui dorment à l'intérieur du rocher de Blanik se réveilleront et viendront à son secours. Et avec l'arrivée triomphale des chevaliers de Blanik se termine Ma patrie. En effet, la musique de Smetana donnait espoir aux Tchèques dans des moments difficiles : pendant les deux guerres mondiales et sous le communisme. En novembre 1882, sur l'île pragoise de Zofin, Ma patrie a été présentée pour la première fois au public. Ce dernier a applaudi de grand coeur et a comblé le compositeur de fleurs. Le 12 mai 1990, à l'ouverture du premier Printemps de Prague post-communiste, les mêmes acclamations accueillent l'excellent chef d'orchestre tchèque, Rafael Kubelik, revenu dans sa patrie après plus de quarante ans d'exil... Pour diriger Ma patrie... D'ailleurs, tout au long de cette émission, vous avez entendu l'enregistrement de ce concert hors du commun.

Auteur: Magdalena Segertová
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