Le « précieux héritage » d’Alfons Mucha revit grâce à sa petite-fille

Demi-lune pendetif et broche

Jusqu’au 7 février, la galerie de l’hôtel de ville de la Nouvelle ville, place Charles, à Prague, accueille une exposition intitulée « Un précieux héritage ». Jarmila Mucha Plocková, fille naturelle de l’écrivain Jiří Mucha, y présente les objets qu’elle a réalisés à partir des dessins de son grand-père, le peintre Alfons Mucha, ainsi que ses propres créations, très inspirées du style de ce pionnier de l’Art nouveau. A noter d’ailleurs qu’en 2010, nous fêterons le 150e anniversaire de la naissance d’Alfons Mucha.

Jarmila Mucha Plocková
Jarmila Mucha Plocková, vous êtes la petite-fille d’Alfons Mucha. Alfons Mucha est évidemment très connu des Français, puisque c’est lui qui a immortalisé Sarah Bernhardt dans ses célèbres affiches Art nouveau. Mais Alfons Mucha a fait beaucoup d’autres choses, par exemple l’Epopée slave sous la forme de grandes fresques. Il a également produit des objets, en tout cas, il en a fait les dessins. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on se retrouve dans la galerie de l’hôtel de ville de la Nouvelle Ville à Prague et c’est vous qui allez nous présenter cette exposition. On se trouve en face de deux photos, celle d’Alfons Mucha et la vôtre, et au milieu est reproduit un document. De quel document s’agit-il ?

« C’est un document que m’a donné mon père en 1988. Nous avions commencé à travailler avec mon père avec une chaîne américaine de galeries. Mon père m’a accordé les droits de dessiner, travailler, élaborer des objets à partir des dessins de son père Alfons Mucha. C’est à partir de ce document que j’ai commencé tout mon travail jusqu’à maintenant. »

Il faut préciser que votre père Jiří Mucha était également une personnalité importante de la vie culturelle tchèque et franco-tchèque. Il était écrivain. Concrètement, comment utilisez-vous ces droits ? Quels sont les objets que vous créez à partir des dessins de Mucha ?

« J’ai d’abord commencé à travailler avec les Documents décoratifs. C’est un almanach des dessins d’Alfons Mucha. J’ai continué quand j’ai redéménagé à Prague. On peut voir cette première partie de mon travail dans la première salle de l’exposition. »

Allons-y... Evidemment, il y a trois affiches de Mucha, qui représentent Sarah Bernhardt : La dame aux camélias, Médée et Gismonda, et encore un autre. Tout autour se trouvent vos objets. Peut-on se rapprocher d’une vitrine qui vous semble intéressante ?

« C’est une vitrine que j’aime beaucoup, car il y a beaucoup de pièces dont j’ai travaillé moi-même les modèles, les maquettes. A partir des dessins en deux dimensions, j’ai fait les maquettes pour des objets en trois dimensions. Il s’agit d’objets faits à partir de différentes feuilles de l’Almanach. »

Val-de-Grâce et Gingko,  vases
Il y a à la fois des vases, des coupes, un chandelier, un coupe-papier, des bijoux. Quels sont les matériaux utilisés pour ces différents objets ?

« Pour les bijoux, c’est uniquement du métal précieux. Ici, c’est en argent. Mais il y a aussi des bijoux en or dans l’autre salle. Pour les pièces où j’ai combiné le verre et le métal, il s’agit de zinc argenté. »

On retrouve dans ces objets évidemment toutes les formes qui ont fait le succès et la gloire d’Alfons Mucha. On retrouves ces formes organiques, la torsion du métal qui ressemble à des espèces de plantes, parfois rampantes... Etiez-vous sensible à ces formes depuis petite, puisque vous avez grandi avec cet héritage ?

« Oui, j’ai grandi près de la maison de Jiri Mucha. Depuis mon enfance, je connais tous les objets et toutes les œuvres d’Alfons Mucha. C’était naturel pour moi. Après mes études d’architecture et aux Beaux-Arts, j’ai commencé à vraiment apprécier. Maintenant, quand je fais mes propres créations, je suis très inspirée par la nature. On y retrouve aussi quelques touches d’Alfons Mucha, mais c’est mon propre chemin. »

Mains,  vase
Ce qui est incroyable aussi, et c’est peut-être pour cela que vous pouvez faire vos propres créations inspirées de Mucha, c’est que dans certains objets, déjà à l’époque, Alfons Mucha avait des formes très modernes...

« Oui, il y a quelques pièces. Justement, dans cette vitrine, il y a un vase avec des mains que j’aime beaucoup. C’est absolument contemporain, je dirais même presque surréaliste. C’est assez incroyable. »

Il faut un peu le décrire... C’est un vase élancé, fait de verre et de zinc argenté. La partie métallique soutient le verre et ce sont en fait des mains qui soutiennent et forment le socle. Et, comme vous le dites, ça fait penser à des dessins surréalistes...

Demi-lune,  pendentif
« J’aime beaucoup cette pièce en effet. »

On l’imaginerait bien dans un salon, même moderne et épuré... Beaucoup plus que les objets aux motifs plus chargés.

« Exactement. C’est la partie de mon travail que j’aime le plus : m’inspirer de quelque chose de moderne qui peut être utiliser à notre époque. »

Vous avez vécu à Barcelone. Barcelone, c’est évidemment la ville de Gaudí, autre représentant de l’Art nouveau. Aimez-vous aussi Gaudí ?

Prague,  pendentif
« Bien sûr ! C’est mon architecte, sculpteur et artisan préféré. Je pense que Mucha et Gaudí se sont connus à l’époque où Mucha faisait ses illustrations pour l’Histoire de l’Espagne. »

Ici, ce pendentif un peu en forme d’étoile me semble extrêmement moderne, est-ce Mucha, est-ce vous, sont-ce les deux ?

« C’est un peu les deux. Ce motif que vous voyez, il est tiré de la Maison municipale. Quand Mucha est revenu des Etats-Unis, il a commencé à travailler sur l’Epopée slave. A cette époque, il a également travaillé sur la Maison municipale. Il y a là-bas le Salon du maire. C’est Mucha qui a été chargé de le décorer. Et ce sont des détails que j’ai pris parce qu’ils sont très modernes. »

Spirale,  foulard
Ils sont très géométriques, c’est beaucoup moins floral que d’autres motifs. Ca me fait beaucoup penser à des motifs soit de l’art oriental, soit de l’art amérindien...

« Ce sont aussi des motifs slaves. Parce que, par exemple, ce pendentif s’appelle Prague, et cette autre pièce, que j’ai nommée Kazi, est une pièce inspirée de l’histoire slave. Parce que ça représente un soleil. J’ai vu un jour un tableau, un dessin représentant les trois filles de Krok qui avaient une amulette en forme de soleil. »

Dessins
Finalement, ce n’est pas étonnant qu’on pense à une inspiration de l’art amérindien puisqu’ils avaient le culte du soleil... Et les cultes païens se retrouvent finalement d’Amérique du Sud aux pays slaves, puisque le soleil est une source de vie. Du coup, c’est vraiment très moderne...

« Tout à fait. »

Maison municipale Prague,  Intérieur du salon du Maire
Les liens de la famille Mucha avec la France sont évidemment importants. Vous-même, vous parlez français, donc c’est une tradition qui se maintient. Avez-vous l’intention d’avoir une nouvelle exposition en France ? Vous en avez déjà eu une l’an dernier dans les Ardennes...

« Peut-être, j’aimerais bien. Pour cette année, je prépare une exposition à la Maison municipale parce que je pense que c’est l’endroit idéal. Mais ça prend du temps, parce que je suis très précise dans le travail et je veux que toutes les expositions soient différentes. Mais j’aimerais dans un ou deux ans faire quelque chose en France parce que Mucha est un artiste français, pour moi, pour beaucoup de monde, pour les Français. »