Avec Pauline Kerleroux, sur sa vie à Prague, le graphisme et le prochain festival One World

Pauline Kerleroux

Rencontre aujourd’hui avec une jeune graphiste française, installée à Prague depuis six ans, qui a collaboré aux visuels de nombreux événements culturels en République tchèque, comme le Fresh Film Festival. Récemment, elle a collaboré avec le festival des films sur les droits de l’homme Jeden Svět, One World qui se déroulera cette année du 8 au 17 mars. Lors de cette interview, Pauline Kerleroux était en partance... entre deux mondes. Puisqu’elle partait pour trois mois à Londres, sans savoir encore si cette nouvelle opportunité mettait un point final à son aventure praguoise.

Pauline Kerleroux
« Je m’appelle Pauline Kerleroux, je suis française, bretonne, et je suis arrivée à Prague il y a un peu plus de six ans. »

Comment es-tu arrivée à Prague ? C’est les vents qui t’ont portée plus à l’Est depuis la Bretagne ?

« C’était un peu par hasard. J’ai fait une école de graphisme à Paris pendant cinq ans. Quand j’ai terminé, j’avais très envie de partir à l’étranger. Prague, c’était un peu un hasard. Je ne connaissais pas du tout. Je savais juste qu’il y avait une grosse horloge ! Je me suis mis en tête de venir, à force d’en parler avec des connaissances. Une ancienne amie de mon oncle, qui habite Prague, m’a hébergée au début. Et puis j’avais un ami, Stěpán, qui partait à Vienne au moment où j’arrivais à Prague. On s’était connus à Paris, et il m’a donné l’idée de m’inscrire à UMPRUM, l’Ecole des arts appliqués. »

Quel type d’école as-tu fait à Paris ?

« A Paris, j’ai fait l’ESAG Penninghen, une école privée de graphisme. J’avais vraiment terminé, mais faire un semestre en plus ici, à Prague, c’était une excellente idée. C’est comme ça que j’ai rencontré la plupart des amis que j’ai maintenant. Je suis venue avec l’idée de rester plus longtemps à Prague. Et dans cette optique, j’ai rencontré Alan Záruba, graphiste, très actif dans tous les événements autour du graphisme. Il faisait des interventions à l’école, des conférences. Il m’a prise en stage, puis embauchée. »

C’était donc un départ en douceur, en faisant des connaissances, en creusant son trou petit à petit et de manière assez naturelle...

« Oui ! Et comme tout est parti du fait que personne ne m’a forcé à venir à Prague, personne ne m’attendait non plus. C’est vraiment une sorte d’enthousiasme que j’ai ressenti, et c’est dans ces cas-là que ça se passe le mieux, parce qu’on est en forme, on rencontre plus de gens. C’est étrange, pas mal de gens à Paris me demandaient pourquoi j’étais venue à Prague, si je n’avais pas peur. Et bizarrement, je pense que j’aurais été plus inquiète de rester à Paris que de partir. Dans un sens c’est plus facile, parce qu’on fait une expérience quoiqu’il se passe, on sait qu’on peut toujours revenir. C’est donc plus confortable. »

Il y a de l’enjeu sans en avoir...

« Voilà... Inconsciemment on a peut-être toujours une bonne excuse si ça ne marche pas. Du coup, ça dédramatise. »

Et les choses se font de manière naturelle. Justement, pour revenir sur ta formation, tu dis que tu as fait une école d’arts graphiques à Paris, puis l’UMPRUM ici à Prague. Est-ce que tu as remarqué des différences dans les formations, qu’est-ce qui t’a plu dans l’une ou l’autre ?

UMPRUM
« C’est très différent. L’ESAG à Paris est plus sur un modèle ‘lycée’. C’est très cadré, si on est en retard le matin, on envoie un mot aux parents. C’est très scolaire en somme. Par contre, la formation est telle qu’on fait de la photographie, du design, de l’illustration. On touche u peu à tout, ce qui me convient bien pour pouvoir mixer les genres. Alors qu’à UMPRUM, chacun a un atelier bien défini, les gens vont faire des stages dans d’autres écoles, mais c’est plus cloisonné. Et puis, c’est un rythme qui n’a rien à voir. A l’ESAG on devait rendre des travaux toutes les semaines donc c’est très stressant. A Prague, c’est un rythme différent, je pense que ça s’adresse à des gens parfois plus âgés, les gens commencent parfois à 27 ans, c’est difficile d’entrer à UMPRUM. Et puis ce qui est drôle, c’est l’ambiance dans l’école. Je me rappelle qu’au début, chaque atelier faisait une fête dans l’école chaque trimestre. Tout le monde va dans l’école où il y a une pompe à bière, des DJ. C’est quelque chose d’impensable à Paris. Cette ambiance est sympa, les gens vont aussi à l’école pour le plaisir. »

Tu disais que tu as travaillé par la suite avec un graphiste, Alan Záruba, c’est aussi une des raisons pour lesquelles tu es restée ?

Alan Záruba
« Oui, tout s’est enchaîné facilement. J’ai rencontré de nouvelles personnes. J’ai travaillé entre temps dans une boîte de pub. J’ai fait des rencontres et de fil en aiguille j’ai travaillé dans différentes boîtes. En parallèle, ma meilleure amie, Adéla Svobodova, graphiste indendante, m’a proposé de travailler ensemble sur un projet sur le Fresh Film Fest. »

Tu as travaillé sur le visuel du Fresh Film Fest, festiaval du film étudiant qui autrefois se déroulait à Karlovy Vary, mais qui a déménagé à Prague...

« On a travaillé dessus ensemble. C’est un travail qui prend pas mal de temps, au moins deux mois. On a fait cela pendant cinq ans, tous les étés. Après avoir quitté la boîte de pub, j’ai fait du free-lance et là, ça fait un an et demi que je travaille avec Adéla, avec laquelle on a créé un petit studio à deux. »

Ton dernier projet en date, c’est notamment, le spot, la bande-annonce du prochain festival One World, festival organisé depuis plus d’une dizaine d’années par l’ONG People In Need. Quel est ton rôle dans la préparation de ce spot ?

« Ce travail-là est passé par Ondřej Provazník et Martin Dušek, deux réalisateurs de documentaires. On leur a proposé de travailler sur tout le visuel de One World cette année, c’est-à-dire l’affichage et le spot. Ils m’ont proposé de leur faire ensemble donc on a travaillé tous les trois sur la communication. »

Est-ce qu’on peut dévoiler un peu le thème ? Ce qu’on peut dire car c’est sur le site, c’est que ‘motto’, c’est ‘On a besoin de votre énergie ailleurs’...

« Ce qui était important pour One World, c’est que la communication pousse les gens à agir, à être actifs soit en allant au festival, soit au quotidien en s’engageant dans tout ce qui a trait aux droits de l’homme. Du coup, on a eu l’idée de ce ‘motto’. L’idée c’est de jouer sur tous ces gestes, ces petits jeux qu’on fait quand on est au bar, avec des amis. On connaît tous ce moment où il y a un blanc dans la conversation et on commence à demander si untel sait faire tenir sa cuiller sur son nez, ou un autre s’il sait faire bouger ses oreilles sans les mains... C’est quelque chose d’automatique et tout le monde se met à le faire. Ca a un côté absurde, ces gestes sans aucun sens. Donc c’est le symbole d’un moment où on pourrait peut-être faire quelque chose pour autrui, de plus constructif... »

Par exemple en soutenant People In Need, en faisant des dons ou en s’engageant dans quelque action...

« On ne voulait pas non plus être moraliste, donc on a essayé de traiter ça avec humour. »

Au moment où on enregistre cet entretien, tu es prête à partir pour Londres, pour trois mois. C’est une nouvelle phase de ta vie parce que tu ne sais pas encore si c’est définitif ou pas. Qu’est-ce que tu tires de ces six dernières années à Prague ?

« J’ai encore du mal à imaginer que je ne reviendrai pas à Prague, ce qui risque de se passer comme j’ai eu cette proposition de travailler à Londres et Paris. J’ai du mal à me faire à l’idée parce que je me sens bien à Prague. J’en ai parlé avec d’autres Français qui vivent ici. Etant bretonne, je trouve qu’il y a une affinité entre les Tchèques et les Bretons. Les Tchèques ont la réputation d’être un peu froids d’abord alors que je les trouve très chaleureux. Et puis il y a un côté très convivial, comme en Bretagne. »