Le pavillon de l'Etoile et son enclos

Le pavillon de l'Etoile

Cette fois, nous resterons à Prague : nous vous proposons de visiter le pavillon de l'Etoile, dans le 6e arrondissement. Le vaste parc, autrefois réserve de chasse, qui l'entoure invite, en toute saison, aux promenades. Le pavillon, quant à lui, est une construction unique : conçu sur un plan en forme d'étoile à six branches, il fait partie des bâtiments dits philosophiques qui se distinguent par un ordre et une homogénéité parfaits reflétant les règles mathématiques et les hypothèses sur la composition de l'univers. Pour son architecture, il est appelé « perle de style Renaissance au nord des Alpes ». Le parc du pavillon de l'Etoile est, en plus, un lieu de mémoire, car c'est là que fut livrée la mémorable bataille de la Montagne blanche, le 8 novembre 1620.

Le pavillon de l'Etoile
En 1530, l'empereur Ferdinand 1er aménage en réserve de chasse un bois qui appartenait autrefois au monastère de Brevnov, tout proche. Par la suite, son fils, l'archiduc Ferdinand du Tyrol, pendant vingt ans vice-gouverneur du royaume de Bohême, y fait ériger un monument qui le distingue : ce pavillon en forme d'étoile. Comme si l'archiduc avait voulu suivre l'exemple de son père qui avait fait construire pour son épouse le pavillon de la reine Anne, au Château de Prague. Ferdinand fils, quant à lui, a conçu le pavillon de l'Etoile pour son grand amour, Filipina Welser d'Augsburg, qui ne pouvait pas séjourner à la cour à cause de ses origines non aristocratiques. Il l'a épousée en secret et vécu avec elle d'abord au château de Krivoklat, puis au pavillon de l'Etoile. Homme très cultivé, l'archiduc a lui-même conçu cet édifice tout à fait inhabituel, en recourant néanmoins aux services de plusieurs architectes, parmi lesquels Bonifaz Wohlmut. Le pavillon est disposé en étoile à six branches de quarante mètres de diamètre, ce qui est aussi la hauteur du bâtiment à deux étages. Cette disposition en étoile est plus qu'une simple formule géométrique : il exprime l'admiration de la culture de l'époque pour la symbolique des étoiles et la magie.

Le pavillon de l'Etoile
A l'intérieur, le pavillon est composé de salles ovales et d'une pièce centrale à douze côtés. L'attrait de cet ensemble original est renforcé par la décoration de laquelle se détache le remarquable travail des stucs, oeuvre de maîtres italiens. On y voit plus de 330 panneaux représentant pour la plupart des scènes de l'antiquité et de la mythologie grecque. Au deuxième étage, on peut admirer la grande salle des fêtes, avec une mosaïque d'origine couvrant une surface de plus de 500 mètres carrés et créant une forme d'étoile identique à la géométrie de la construction. Bien que cet hexagramme était appelé à remplir, au regard de la magie, un rôle de protection, le résultat de la bataille de la Montagne blanche le met en doute.

Le 8 novembre 1620, l'armée impériale catholique et les troupes des Etats protestants de Bohême s'affrontent sur le plateau de Bila Hora - Montagne blanche. En dépit d'une vigoureuse contre-attaque, l'armée des Etats s'effondre. Pour la noblesse, le clergé et les intellectuels de Bohême, le désastre est total. Les chefs militaires sont exécutés, leurs propriétés confisquées et plusieurs centaines d'entre eux sont contraints à l'exil. Pendant longtemps, la défaite de la bataille fut considérée comme le commencement des années des ténèbres, le début de trois siècles de domination habsbourgeoise.

La bataille de la Montagne blanche
On ne trouve toutefois guère d'échos de la bataille au pavillon de l'Etoile: le monument principal est l'église Notre-Dame-de-la-Victoire tout proche, consacrée en 1720 au cours des célébrations du centenaire de l'événement. Comme d'autres lieux de pèlerinage de Bohême, l'église se blottit derrière de grands murs et l'on y pénètre par un portail richement décoré. Aux angles du cloître s'ouvrent des chapelles. La construction aurait été dirigée de concert par Santini-Aichel et Kilian Ignaz Dienzenhofer.

Selon des parapsychologues, les bâtiments mystiques étaient souvent construits sur des lieux servant à des fins de culte, aux temps païens. Une légende est aussi relative à l'emplacement où se dresse le pavillon de l'Etoile : un chêne y poussait et sous ses racines un feu sacré était allumé dans lequel on jetait des plantes aromatiques et médicinales. La fumée provoquait des rêves prophétiques. Le feu s'éteignit avec le ton de la première cloche chrétienne sonnant de l'abbaye de Brevnov tout proche et le chêne fut frappé par la foudre. L'étoile magique ne sut pas se protéger non plus. Laissé à l'abandon, le pavillon fut par la suite endommagé pendant des guerres et l'empereur Joseph II en fit un dépôt de poudre noire.

Le pavillon de l'Etoile
Sous la première République tchécoslovaque, le président Masaryk aimait se promener à cheval dans le parc entourant le pavillon. L'idée d'installer au pavillon une galerie d'art des légionnaires n'a jamais été réalisée. Le style Renaissance innovant du pavillon peut apparaître comme un cadre surprenant pour le musée consacré à deux des figures de proue du Réveil national tchèque au XIXe siècle, l'écrivain Alois Jirasek et le peintre Mikolas Ales. En 1962, le pavillon de l'Etoile est inscrit sur la liste du patrimoine culturel national. Après une rénovation complète entamée en 1996, il a rouvert ses portes au public en l'an 2000, à l'occasion de la manifestation « Prague, ville culturelle européenne ». Les visiteurs, dont un tiers vient de l'étranger, peuvent s'y familiariser avec l'histoire du pavillon et celle de la bataille de la Montagne blanche. Le bâtiment sert aussi à l'organisation de concerts, d'expositions et de bals. Une nouveauté sont les concerts de musique de chasse pour lesquels l'enclos de l'Etoile était si réputé dans le passé.