Le frêne enchanté

Dzban, photo: Sju, Creative Commons 3.0

Les ruines du petit château Dzban se trouvent dans la région de Rakovnik, en Bohême centrale.

Dzban,  photo: Sju,  Creative Commons 3.0
Les ruines du petit château Dzban se trouvent dans la région de Rakovnik, en Bohême centrale.

Au point culminant de la gloire du château Dzban, le propriétaire, un chevalier au caractère violent, tomba très amoureux d'une belle chevalière rousse, fine et élégante. Malheureusement, la jeune dame aimait un pauvre hobereau. Comme le chevalier de Dzban était très riche, le père de la jeune fille n'hésita pas à lui accorder la main de sa fille. Le chevalier amena la belle rousse à sa demeure. Tout le monde apprécia presque aussitôt la nouvelle maîtresse des lieux car elle était très gentille et douce. Elle n'élevait jamais la voix, ne disputait pas les serviteurs.

Meurtrie par le chagrin, la belle chevalière se promenait dans les couloirs froids du château, un triste sourire aux lèvres, une profonde mélancolie au fond des yeux. Un peu de joie éclaira son visage lorsqu'elle accoucha d'une ravissante fille. Le chevalier aurait préféré un fils, mais il était tout de même heureux. Tous les jours, le noble dame allait s'assoir sous le beau frêne centenaire qui poussait dans la cour du château. En un chaud après midi d'été, la jeune chevalière s'endormit. Au réveil sa fille n'était plus dans le berceau, elle avait disparut ! On chercha l'enfant sans succès. Quand le chevalier apprit le drame, il était hors de lui et hurla : « Je regrette de t'avoir épousée, ignoble créature ! Je préférerais que tu disparaisses à jamais dans l'épaisseur de l'écorce de ce vieux frêne ! » Aussitôt prononcées les méchantes paroles, la belle chevalière disparut sans laisser de traces. Le chevalier avait ainsi perdu sa femme et sa fille en un jour. Il regretta beaucoup sa brusque réaction, mais étant jeune il se remaria relativement vite. Eh, oui ! Voilà une réaction typique à l'homme ! La nouvelle épouse du chevalier était gaie et vive, mais ne donna pas d'enfants à son mari. Le souvenir douloureux de la première femme s'estompa lentement tout en laissant un léger goût d'amertume au fond du cœur du chevalier…Quinze ans s'écoulèrent…!

Un jour le chevalier chassait dans les forêts profondes qui entouraient le château Dzban. Soudain, il aperçu une ravissante jeune fille. Il se mit à la poursuivre. La jeune fille disparut dans une grotte dont l'entrée était cachée par des fougères gigantesques. Arrivé à la hauteur de l'entrée, le chevalier faisait face à une vieille femme très laide. Ses mains étaient craquelées comme l'écorce des arbres, les cheveux verts décoiffés lui descendaient aux chevilles. Elle portait une tunique en branches de sapin. « Je suis la fée sauvage des bois je me sentais seule alors j'ai enlevé ta fille du berceau pour avoir de la compagnie et pour te punir de tes méchancetés avec ta femme. C'est moi également qui ai fait un sort à ta femme. Elle est envoûtée dans le tronc du frêne. Voilà ta fille, ramène-la chez toi. Si tu veux également faire revenir ta femme, fais abattre le vieux frêne dans la cour. » Le chevalier regarda la jeune fille. Oui, c'était bien sa fille ! Les même yeux verts, le même sourire, les cheveux roux de sa femme. La fée sauvage s'était évaporée dans la nature. Alors le chevalier fit signe à sa fille de sauter en selle et partit au château. A peine arrivé, il donna l'ordre d'abattre le frêne. Dès que le vieux tronc toucha le sol, son ex-épouse apparut dans la cour. Le chevalier tomba à genoux et la pria de lui pardonner. La belle dame sourit : « Les années ont effacé tout le mal, mon cher. Je te pardonne et à toi maintenant de prouver ta bonne foi et ton amour ! » Les trois vécurent heureux jusqu'à la fin de leur vie.

La seconde épouse quitta rapidement le château car elle se rendait bien compte qu'il n'y aura plus de place pour elle.