La légende du bonheur trouvé

Valecov

Le château de Valecov, creusé et encastré dans des rochers gréseux, est un endroit tellement charmant, qu'il vaut bien d'être évoqué pour la seconde fois. Situé au nord-est de Mlada Boleslav, en Bohême centrale, le château a été construit au cours de la première moitié du XIVe siècle. Les fentes entre les blocs de rochers servaient jadis de caves à vin, à bière, de réservoirs à pain, en tant que cuisines et couloirs de jonctions. Une partie considérable a été conservée jusqu'à nos jours. Cet endroit impressionnant situé dans le Paradis tchèque, est un lieu de festivités diverses : concerts, spectacles d'escrimes et danses de l'époque, la Saint-Jean...De plus, le visiteur peut continuer et se promener dans les magnifiques parties rocheuses et de formes diverses. Mais, laissons-nous emporter dans le passé, si éloigné et si différent de notre époque stressante et trop rapide. Partons, pour apprécier le naturel des choses simples de la vie !

Valecov
On est au début du mois de décembre, il y a quelques siècles en arrière. Le ciel est bas. Les flocons de neige voltigent dans l'air, se posent lentement sur un sol déjà blanc, d'un paysage silencieux. La lumière aux fenêtres du château Valecov éclaire faiblement la cour, où un cheval encore fumant se fait emmener à l'écurie par un palefrenier. Le jeune seigneur de Valecov s'en est revenu d'une partie de chasse. Il monte l'escalier en pierre, enlève sa cape doublée de fourrure de renard, pour prendre une position confortable sur un siège, près du feu. Il regarde les flammes d'un air rêveur. Qui pouvait bien être la belle femme blonde aux yeux d'un gris étrange, assise sur un cheval blanc, qu'il avait rencontrée en revenant au château ? Elle était tellement belle qu'il en fut épris, sur le coup. Mais pourtant, à sa connaissance, il n'y avait pas une si belle créature à bien des lieux à la ronde. Mystère ! Et déjà, il est plutôt étrange qu'une noble jeune femme se balade ainsi, tard le soir dans les bois plutôt dangereux pour maintes raisons. En oubliant les brigands, il reste toujours la probabilité de rencontrer un sanglier, un cerf ou alors les ravins, recouverts par les branches chargées de neige.

Valecov
Il se leva, enfin, pour descendre dans la salle à manger et y dîner gaiement avec des amis en compagnie de danseuses, venues exprès pour la soirée. Elles étaient toutes jolies, gaies et un peu faciles. Le seigneur apprécia particulièrement une noiraude au regard malicieux qui habitait Bosen, un village assez proche de Valecov. Elle lui fit vite oublier la belle dame sur le cheval blanc. Toutefois, le jeune seigneur apprécia la vivacité de la jolie danseuse et se décida à la voir plus souvent. Après tout, il vaut mieux tenir que courir ! Et puis, la petite danseuse, mignonne et affectueuse, est bien là en chair et en os. Alors que la dame croisée est, certes ravissante, mais inaccessible, conclut le seigneur de Valecov. Ainsi, il pris l'habitude de faire souvent venir la danseuse au château. Le seigneur aimait bien la gentille mignonne, mais parfois, penché sur le corps endormi de la jeune fille, il pensait à la dame mystérieuse au regard d'un gris étrange. A chaque fois qu'il sortait seul à cheval, il espérait tout de même, rencontrer la dame qui hantait son esprit. Mais, en vain !

Valecov
Un jour, il la revit quand même. Il neigeait, comme le jour de leur première rencontre. Elle le regardait, si belle, si fragile, à en couper le souffle. Mais, lorsqu'il voulut lui parler, elle éperonna son cheval et disparut aussitôt. Le seigneur de Valecov rentra maussade. En enlevant ses gants, il remarqua un flocon de neige. Il fut étonné de cette résistance à la chaleur du feu brûlant dans la cheminée. Mais, déjà la jolie danseuse l'enlaçait de ses beaux bras. En l'embrassant et en faisant l'amour, elle sentait bien que son maître était ailleurs d'esprit. Epuisés, les amants s'endormirent. Dans les bras de la danseuse, le seigneur de Valecov rêva encore de la dame sur le cheval blanc. Il la voyait galoper par les chemins, grimper un sentier abrupte et disparaître à l'orée du bois. Le jeune seigneur se réveilla en sueur, avant l'aube. Il pris sa cape, ses gants et remarqua que le flocon était resté intact. Stupéfait, le gentilhomme s'habilla et descendit doucement l'escalier, pour ne réveiller personne. Il sella lui-même et partit par un petit sentier menant sur le haut des rochers. Menant le cheval au pas et observant le paysage, le seigneur de Valecov se sentait vide, triste et seul. La neige se mit à tomber. Un flocon de neige se posa sur le revers de son gant. A ce moment, le gentilhomme entendit le son de clochettes. Puis, il aperçut la dame aux yeux d'un gris étrange, sur son cheval blanc. Elle était entourée d'enfants portant chacun une clochette, tintant d'un son clair. "Je suis le bonheur, la compassion et l'amour incarné. Voici mes assistants. Ne tente pas d'obtenir l'intangible, car cela pourrait s'avérer dangereux. Il faut que tu trouves la paix en toi. La débauche et une vie disparate ne sont pas la bonne voie pour atteindre le bonheur. Retournes au château et prends femme cette charmante danseuse qui t'aime et rêve de passer sa vie à côté de toi. Tu verras que tu seras heureux", dit-elle d'une voix douce et s'effaça au son des clochettes dans le paysage enneigé. Pensif, le jeune seigneur rentra à Valecov où, inquiète, la danseuse l'attendait déjà. En la regardant, il sentit un coup violent près du coeur et compris alors qu'il l'aimait.

Le mariage fut célébré le premier jour du Nouvel An. La danseuse devint la maîtresse de Valecov et donna à son mari cinq enfants. Elle fut aimée de tous les sujets, car elle avait bon coeur. Elle aidait veuves, orphelins, malades, infirmes et ne renvoyait jamais les mendiants venant demander la charité aux portes du château.

La dame blonde au regard d'un gris étrange, se balade toujours en décembre sur son cheval blanc, pour semer la paix dans les âmes tourmentées.