Une demi-vérité mais pas de demi-mensonge

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Cette semaine, c’est au mensonge – lež, à ses différentes formes et aux expressions qui s’y rattachent que nous allons nous intéresser. A cela aucune raison particulière pour ne pas vous mentir, si ce n’est celle que la langue tchèque possède un certain nombre de mots et quelques expressions relatives au mensonge qui méritent que l’on se penche dessus…

Avant de commencer, notons qu’il existe en tchèque deux mots très courts et phonétiquement très proches l’un de l’autre qu’il convient toutefois de ne pas confondre. Il y a donc le mot « lež » qui désigne un mensonge, mais aussi le mot « les » qui désigne, lui, une forêt. Une fois cela précisé, rappelons encore qu’il existe également différents types de mensonges. En tchèque, on parle ainsi notamment de « polopravda » pour une vérité partielle, soit traduit littéralement une « demi-vérité », c’est-à-dire une affirmation qui n’est ni tout à fait vraie ni tout à fait fausse, un propos qui n’est ni vérité ni mensonge. Il est d’ailleurs un peu curieux de noter que s’il existe en tchèque une « demi-vérité » - « polopravda », il n’existe pas en revanche, du moins pas dans les dictionnaires, de « demi-mensonge », un mot qui deviendrait alors « pololež ». Sans doute parce que, au bout du compte, une demi-vérité reste un mensonge complet. Et même si les Tchèques font eux aussi parfois la distinction entre les petits mensonges – malé lži, et les grands mensonges – velké lži, cela n’enlève rien au fait qu’un mensonge reste un mensonge, une affirmation contraire à la vérité prononcée dans l’intention de tromper notre interlocuteur.

Parmi les autres types de mensonges existants, retenons encore les deux suivants, qui nous intéressent surtout pour leur composition et leur formation. Ainsi, la langue tchèque possède un fort joli mot - « mlžit » - dont on ne trouve pas vraiment d’équivalent en français, mais qui possède une signification paradoxalement très claire, en l’occurrence « couvrir de brouillard ». Vous l’aurez compris, il ne s’agit ni d’une demi-vérité ni d’un demi-mensonge, mais plutôt de cacher, de dissimuler une vérité, quelque chose de réel, et cela, de façon imagée, derrière donc une couche de brouillard – mlha, la plus épaisse, la plus opaque possible. Généralement, on « couvre de brouillard » en donnant des informations superflues et périphériques à notre interlocuteur, et ce afin de détourner l’attention de ce dernier de la vérité. Pour ne citer qu’un exemple, les hommes politiques, rois de ce que les Français désignent comme « la langue de bois », sont maîtres en la matière.

L’autre mot tchèque qui nous plaît beaucoup et qui désigne lui aussi un type de mensonge est le mot « sebeklam ». Un mot que les dictionnaires traduisent en français comme « illusion », mais, si on le décompose, avec le complément réfléchi « sebe » et le verbe « klamat », on s’aperçoit qu’il signifie littéralement « tromper, berner soi-même » En français, d’une personne qui se trompe elle-même, on dira plutôt qu’elle se ment à elle-même, ou dans un langage plus populaire qu’elle « se raconte des histoires ». Ce sont alors souvent des personnes souffrant de certains troubles mentaux comme l’anorexie mentale ou la paranoïa qui se convainquent de la véracité d’un propos ou d’un fait qui ne correspond pas à la réalité.

A propos du verbe « mentir » - « lhát », mentionnons encore qu’il existe un synonyme en langage familier, à savoir « kecat ». Un petit mot lui aussi très intéressant car, très utilisé par les Tchèques, il peut certes signifier « mentir », mais aussi « baratiner », « embobiner » ou encore « blaguer » ou plus simplement « parler ». La signification varie selon le contexte.

Parmi les expressions que possède la langue tchèque, une des plus connues est probablement celle selon laquelle « un mensonge a les jambes courtes » - « lež má krátké nohy », il n’ira donc pas bien loin – « daleko neujde ». Une expression pas bien difficile à comprendre, mieux vaut donc ne pas mentir, surtout que de quelqu’un qui ment beaucoup ou dont il est évident qu’il ment, les Tchèques disent parfois qu’il « ment comme il imprime » - « lže jako když tiskne ». Il y a quelques années encore de cela, sous le communisme, les gens accentuaient même l’accusation en affirmant « lže jako když Rudé Právo tiskne », soit « il ment comme lorsque Rudé Právo imprime », Rudé Právo, littéralement « Le Droit ou la Justice rouge », étant alors l’organe de presse du Parti communiste tchécoslovaque, l’équivalent en somme de l’Humanité en France à une certaine époque ou, plus amusant, du non moins célèbre « Pravda » en Union soviétique, qui pour l’anecdote, en russe comme en tchèque, signifie « vérité ».

Et puis terminons avec cette très belle rime pour désigner un grand mensonge – velká lež, un mensonge tchèque pouvant être grand « comme une tour » - « lež jako věž ».

C’est sur cette vérité que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». En attendant de vous retrouver pour d’autres vérités ou mensonges dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible - « mějte se co nejlíp! », portez le soleil en vous - « slunce v duši », salut et à bientôt - « zatím ahoj » !