Tous les dodos (2e partie)

Photo: Archives de Radio Prague
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Comme convenu, nous allons revenir à l’étude du verbe « dormir » - « spát » et ainsi poursuivre, à travers son exemple, notre petite série consacrée aux différents sens que donnent dans la langue tchèque les préfixes aux substantifs et aux verbes. Et après avoir dormi tout notre soûl, « jusque dans le rose » et même avoir couché avec quelqu’un dans notre dernière émission, il s’agira cette fois notamment de faire la grasse matinée. Et comme nous allons le découvrir, les Tchèques ont plusieurs façons de faire la grasse matinée ou plutôt plusieurs moyens de l’exprimer…

Photo: Archives de Radio Prague
Nous avions commencé notre dernière émission avec l’évocation d’une berceuse - ukolébavka, intitulée « Mravenčí ukolébavka » - « La berceuse de la fourmi ». Une berceuse servant d’abord à endormir les enfants, cela nous avait permis de découvrir une première forme du verbe « spát » avec « uspat » (dans son aspect perfectif) ou « uspávat » (imperfectif). Cette fois, les deux berceuses qui nous accompagnent s’intitulent « Bláznova ukolébavka » - « La berceuse du fou » de Pavel Dydovič et « Jako zázrakem spíš » - « Comme par miracle tu dors » de Radůza. Notons que bien qu’il s’agisse de berceuses, ces deux chansons sont régulièrement diffusées à la radio, notamment la première « Bláznova ukolébavka », une chanson de la fin des années 1960 que connaissent presque tous les Tchèques, surtout les plus grands, qui aiment la reprendre lorsqu’ils se retrouvent le soir avec une guitare et quelques bières autour d’un feu de camp.

Mais revenons à ce verbe « uspat » ou « uspávat », utilisé donc dans le sens « de provoquer le sommeil naturel », d’un enfant notamment - « uspávat dítě », en le berçant ou en lui chantant une berceuse - « uspávat dítě ukolébavkou » ou encore, dans un tout autre domaine, dans le cas d’une opération lorsque l’on « provoque le sommeil artificiel » d’un malade à l’aide d’une anesthésie. Mais « uspat » peut également signifier « endormir » dans le sens d’affaiblir, d’atténuer, d’amenuiser. Il s’agit alors d’ennuyer profondément quelqu’un au point de lui donner envie de dormir, de l’assoupir, comme, par exemple, lors d’une conférence ou d’un cours magistral à l’école. A n’en pas douter, nombre d’entre vous, anciens élèves ou étudiants, comprenez bien ce dont il est question ici… Mais il peut également s’agir d’endormir dans le sens de ralentir son activité, de manquer de vigilance ou de réduire l’attention ; ou encore, mais là dans un tout autre sens, de calmer ou d’atténuer l’acuité, par exemple d’une douleur.

Enfin, dans l’argot tchèque, « uspat » est également utilisé lorsqu’un boxeur « endort » un autre en lui assénant une bonne droite ou un crochet, c’est-à-dire le mettre K.-O., l’allonger, l’étendre comme on dit aussi en français, d’un coup de poing. Toute berceuse devient alors généralement inutile…

Lors de notre dernière émission, nous avions expliqué que le verbe « vyspat se » signifiait « dormir tout son soûl », soit dormir à satiété, autant qu’on le souhaitait. Il s’agit là d’un sens que l’on retrouve également avec le préfixe « -do » dans le verbe « dospat », dont on pourrait dire qu’il signifie quelque chose comme « finir de dormir », achever une bonne nuit de sommeil, et même plus puisque dans sa forme imperfective avec « dospávat », le verbe signifie « faire la grasse matinée », dormir tard le matin.

Il existe encore une autre forme pour la volupté de se prélasser plus longtemps que d’habitude dans cette chose « grasse » molle et onctueuse que peut être un lit avec le verbe « přispat si ». Ici aussi, il s’agit donc de faire la grasse matinée. Toutefois, il existe une petite nuance avec « dospávat ». En effet, « dospávat » signifie récupérer, rattraper un déficit de sommeil accumulé la ou les nuits précédentes, tandis que « přispat si » comprend une notion de plaisir. Il s’agit plutôt de dormir encore par manque d’envie de quitter la couette et l’oreiller et de se lever. Ainsi, si un Tchèque souhaite rester au lit une petite heure de plus ou s’il prévoit de faire la grasse matinée le dimanche juste pour le simple plaisir de dormir, il emploiera le verbe « přispat si » et non pas « dospávat ». En revanche, s’il a vraiment besoin de faire une grasse matinée pour récupérer d’une grande fatigue, il dira lors qu’il doit « dospat », soit dormir un peu plus longtemps que d’habitude par nécessité.

Mais, quelle que soit la nécessité de cette grasse matinée, attention dans tous les cas à ne pas rester trop longtemps au lit ou à se rendormir après le réveil quand il ne le faut pas. Pour les Tchèques, il s’agit alors de « zaspat », une forme du verbe « spát » elle aussi très intéressante et qui possède d’autres sens que celui de « se lever tard », comme nous l’apprendrons dans la prochaine émission… En attendant cette troisième et dernière partie de notre petite série, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !