« Ne rien faire » le dimanche mais aussi pendant « quelque vendredi »

'V neděli se nedělá'

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Pour cette fois, nous allons nous intéresser à l’étymologie des appellations tchèques des sept jours de la semaine. Essayer de comprendre pourquoi le dimanche se dit neděle ou le jeudi čtvrtek. Mais commençons notre semaine avec le vendredi – pátek, vous allez tout de suite comprendre pourquoi…

'Ctitelky se tlačí u dveří'
Chanteuse tchèque très populaire, Hana Zagorová est l’interprète de la chanson intitulée « Baron prášil » dans laquelle elle chante notamment :

Ctitelky se tlačí u dveří,

ale já už těm tvým

bajkám dávno nevěřím.

Nezkoušej to na mě,

vždyť já nějaký

ten pátek už tě znám.

En gros, cela nous donne quelque chose comme : « Les admiratrices se pressent à la porte, mais moi, cela fait belle lurette que je ne crois plus à tes histoires. Epargne-moi, je te connais déjà depuis quelque vendredi. »

C’est précisément cette dernière expression qui nous intéresse : « nějaký ten pátek ». En réalité, il s’agit d’une expression difficilement traduisible en français. Traduit littéralement, on obtient en effet « quelque vendredi ». Notons qu’en tchèque, cette expression est employée au singulier, alors que son sens réel est que l’on fait quelque chose ou que l’on connaît quelqu’un « depuis plusieurs vendredis », ou si vous préférez depuis un certain temps déjà relativement long, qui s’étend sur la durée.

'Už si to přesně nepamatuji,  ale je to nějaký pátek'
Bien entendu, cette notion de temps est relative, elle peut varier. Par exemple, pour faire comprendre que l’on travaille depuis déjà pas mal de temps, quelques années dans une entreprise, les Tchèques peuvent dire « Už tam pracuji nějaký pátek », soit littéralement « Je travaille là-bas depuis quelque vendredi déjà ». Souvent, cette expression est aussi employée lorsque l’on n’est pas certain de la durée précise d’une chose, du temps qu’elle a déjà duré ou qu’elle va encore durer. Les Tchèques disent ainsi parfois « Už si to přesně nepamatuji, ale je to nějaký pátek », soit « Je ne m’en souviens plus précisément, mais cela fait quelque vendredi ». Autrement dit, cela fait déjà un certain temps, suffisamment long pour que je ne m’en souvienne plus.

Autre exemple, lorsqu’il est demandé à un sportif de haut niveau, professionnel, pendant combien de temps il pense encore prolonger sa carrière, celui-ci peut faire comprendre son hésitation en affirmant « Mohl bych ještě nějaký pátek pokračovat » - « Je pourrais encore continuer quelque vendredi », c’est-à-dire « je pense rester en activité encore un, deux, trois ou quatre ans, mais aujourd’hui je suis incapable de vous l’affirmer précisément car je ne le sais pas moi-même ». Précisons que « vendredi » peut être remplacé par un autre mot désignant une unité de temps. Ainsi cela donnerait « Mohl bych ještě nějaký rok pokračovat » - « Je pourrais encore continuer quelque(s) année(s) », ou « Už si to přesně nepamatuji, ale je to nějaký měsíc » - « Je ne m’en souviens plus, mais cela fait quelque(s) mois ». Néanmoins, même si cela est tout à fait possible, l’expression la plus courante reste quand même « nějaký pátek » - « quelque(s) vendredi(s) ».

Concernant l’étymologie des noms tchèques des jours de la semaine, il nous faut toutefois commencer avec le dimanche – neděle, certes septième et dernier jour de la semaine civile mais premier jour des semaines chrétienne, juive et musulmane. Mais là aussi vous allez vite comprendre pourquoi nous commençons avec le dimanche. Vous le savez, depuis une décision prise par les Romains au IVe siècle, le dimanche est considéré comme un jour de repos. On ne travaille donc généralement pas ce jour-là, on ne fait même rien parfois. En tchèque, « ne pas faire », « ne pas travailler » se dit « nedělat se ». Dimanche est donc littéralement le jour où l’on ne fait pas – « v neděli se nedělá ». Dimanche – neděle, tire donc son origine du verbe « nedělat » - « ne pas faire ». A propos du dimanche, notons qu’en tchèque, il est parfois synonyme de « semaine » - týden. Par exemple, au lieu de « je serai, resterai là-bas trois semaines » - « budu tam tři týdny », on peut dire « budu tam tři neděle » - « je serai là-bas trois dimanches ». De même, et il s’agit là d’un usage officiel, la période de six semaines qui suit l’accouchement d’un nouveau-né et pendant laquelle la maman se remet de l’épreuve s’appelle en tchèque « šestinědelí », soit littéralement « les six dimanches ».

Mais revenons-en aux origines des noms des jours de la semaine, origines d’ailleurs relativement simples. Pondělí - lundi est en effet une abréviation de « po-neděli », c’est-à-dire « après dimanche ». Úterý– mardi, tire lui son origine d’un mot de vieux tchèque « vterý » qui signifiait « deuxième », initialement « deuxième jour après dimanche ». Středa– mercredi, indique qu’il s’agit du milieu de la semaine. Et en tchèque, « milieu » se dit « střed ». De fait, les semaines chrétienne et juive commençant le dimanche, il s’agit du quatrième jour de la semaine. Toutefois, il existe ici un petit paradoxe : en tchèque, en effet, « jeudi » se dit čtvrtek. Or ce mot indique qu’il s’agit du quatrième – čtvrtý, jour de la semaine, semaine civile cette fois, qui démarre le lundi, et donc quatrième jour après le dimanche. Et il en est de même pour le vendredi – pátek, qui est le cinquième – pátý, jour de la semaine, le cinquième jour après dimanche. Enfin, sobota– samedi, sixième jour de la semaine légale, tire comme en français son origine de l’hébreu, c’est « le jour du sabbat », le jour de repos assigné au septième jour de la semaine juive.

Le moment est venu aussi pour nous de nous reposer. C’est donc ainsi que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue » consacré aux appellations tchèques des jours de la semaine. Et en attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !


Rediffusion de l'émission du 11/12/2010