L'histoire des prénoms portés par les Tchèques (2e partie : l'arrivée des noms d'origine chrétienne)

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha! Comme convenu, nous allons poursuivre notre série consacrée à l'histoire et aux origines des prénoms portés par les Tchèques et leurs ancêtres. Lors de notre première émission, la semaine dernière, nous nous étions ainsi intéressés à la période antérieure au XIIIe siècle. Une période pendant laquelle des noms essentiellement d'origine slave étaient donnés à certaines catégories de personnes. Puis nous en étions arrivés à l'apparition progressive, au début du 1er millénaire, de noms d'origine étrangère, ou plus précisément allemande. Mais afin de pouvoir continuer à avancer dans le temps, il convient tout d'abord de revenir quelque peu en arrière. La seconde moitié du IXe siècle est marquée, en effet, par l'évangélisation de ce qui était alors le royaume de Grande-Moravie. Un événement qui, forcément, a eu une influence sur le port des noms...

Il faut pourtant attendre un peu, jusqu'au XIIIe siècle, pour que la première vague de noms chrétiens apparaisse. Des noms comme Bohuslav, Křišan ou Bohumil sont ainsi créés selon les habitudes slaves ou traduits littéralement. Ainsi, Bohuslav est la composition de deux mots slaves « Bůh » - Dieu, et « sláva » - gloire, et signifie quelque chose comme « que gloire à Dieu soit rendue ». Si Bohumil est, lui aussi, d'origine slave dans sa formation, il s'agit cependant de la traduction de Teofil, un prénom qui se répandit dès le début de l'ère chrétienne et qui, étymologiquement, est formé à partir du grec « theos », le dieu, et « philein », aimer. Teofil, comme Bohumil, qui en tchèque veut dire « milý bohu » ou « bohumilý », peut donc signifier à la fois « celui qui aime Dieu » ou « celui qui est aimé de Dieu ». Quant au prénom Křišan, devenu aujourd'hui Kristián et qui équivaut à Christian en français, il provient du grec Christianos. Křišanétait donc, à l'origine, un doublet en slave du prénom Chrétien relativement fréquent dès les premiers siècles de notre ère et signifie « celui qui se réclame du Christ ».

A côté de ces prénoms certes chrétiens mais à consonance slave sont ensuite apparus d'autres prénoms chrétiens mais cette fois d'origines étrangères, et ce hébraïque pour Daniel, Jan - Jean, ou Jakub - Jacques, grecque pour Ondřej - André, Mikuláš - Nicolas, Jiří - Georges, Petr - Pierre, ou Řehoř - Grégoire, et latine pour Pavel - Paul, Silvestr - Sylvestre, ou Florián - Florian. Avec l'énonciation de tous ces prénoms, on notera un élément intéressant, à savoir qu'il s'agissait presque exclusivement de prénoms masculins, et ce pour une raison très simple : en effet, l'utilisation des prénoms chrétiens se limitait alors aux monastères et au clergé, parfois également, quoique rarement, aux familles nobles.

Photo: Archives de Radio Prague
Puis arrivent le XIVe siècle et la période gothique au cours de laquelle les prénoms d'Eglise se répandent de manière importante au sein de l'Etat tchèque. Il s'agit de la deuxième vague des noms chrétiens. Les noms slaves sont laissés de côté, tandis que le culte de saints, fortement encouragé par l'Eglise catholique, se développe. A partir de la moitié du XVIe siècle, seuls des noms du martyrologe romain sont même autorisés à être donnés. Certains prénoms sont portés dans toutes les classes sociales, dans les villes comme dans les villages, comme, par exemple, Petr - Pierre, Jan - Jean, Mikuláš - Nicolas, Tomáš - Thomas, Matěj - Mathieu, Marek - Marc, Markéta - Marguerite, Kateřina - Catherine, Anna - Anne, ou Klára - Claire. D'autres, en revanche, ne sont portés que selon l'appartenance à une certaine classe. La noblesse préfère ainsi des prénoms comme Albert, Heřman - Armand, Jakub - Jacques, Oldřich, Ondřej - André, Jaroslav, Eliška - Elise, Dorota - Dorothée, ou Žofie - Sophie. Quant aux bourgeois, ils portaient alors des noms comme Aleš - Alex, Diviš - Denis, Jitka - Judith, ou Marta - Marthe.

C'est avec cette avalanche de prénoms de saints que prend fin ce « Tchèque du bout de la langue ». Dès la semaine prochaine, nous poursuivrons notre étude du XIVe siècle avec l'apparition des patrons, défenseurs du peuple tchèque, avant de passer à l'époque de l'humanisme et de la renaissance. Mais en attendant ces nouvelles découvertes, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !