Les attractives dames pipi

verejne_wc1.jpg
0:00
/
0:00

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Une de nos dernières émissions avait été consacrée à ce que les Tchèques appellent le « babí léto », littéralement « l’été des bonnes femmes » ; dans les faits une arrière-saison marquée par une météo encore estivale comme on l’apprécie dans cette région du monde, c’est-à-dire ensoleillée et agréablement chaude. Nous avions expliqué pourquoi cet « été en automne » était comparé à l’été de bonnes femmes vieillissantes. Ce « babí léto » étant malheureusement bel et bien terminé,, nous allons donc pour cette fois nous intéresser aux femmes tout court, plus précisément au petit mot « baba », un mot riche de sens, comme nous allons le découvrir…

Signée Ivan Mládek, la chanson « Zlá baba » - littéralement « Ma méchante bonne femme », décrit la vie d’un homme marié malheureux de sa vie de couple. Sa méchante bonne femme n’aime pas en effet quand il regarde le hockey – « Baba má nerada má když koukám na hokej », elle n’aime pas non plus quand lui apprécie un cigare – « Baba má nerada má když bafám čibuka », ou boit une petite liqueur – « Baba má nerada má když piju kořalku », quand il roupille sans s’être déchaussé – « Baba má nerada má když chrápu obutej », et encore moins quand le pauvre feuillette et lit tranquillement Playboy – « Baba má nerada má když já čtu Playboye ».

Dans la petite mise en scène préparée pour l’interprétation de la chanson, cette fameuse « zlá baba » - méchante bonne femme, apparaît comme on imagine en France la femme que l’on appelle péjorativement « bobonne ». La bobonne est une femme au foyer d’abord intéressée par les tâches ménagères, une femme pas trop belle, mal foutue, une femme avec laquelle un homme a pourtant, un jour, fait le choix curieux de vivre alors qu’il savait pertinemment qu’elle le forcerait pour le reste de ses jours à faire le contraire de ce qu’il a envie de faire, et qu’il le ferait pour ne pas la contrarier et ainsi éviter de se faire engueuler. Bref, en tchèque, une « baba » est l’équivalent d’une bobonne avec la ribambelle de ses traits négatifs.

Photo: Štěpánka Budková
Mais ce mot « baba » peut désigner plusieurs personnes de sexe féminin à la fois, et donc pas seulement une bobonne dans le sens péjoratif. D’abord, et comme en Belgique, il peut également désigner une bobonne, mais une autre bobonne avec cette fois une connotation familière et affectueuse. En Belgique, en effet, le mot « bobonne » peut être le nom donné à une grand-mère. En République tchèque, cette bobonne que l’on aime bien s’appelle la « bába », un petit mot qui peut nous faire penser qu’il s’agit d’un diminutif de babička– grand-mère. Un petit mot qui possède cependant son propre diminutif, quoique curieusement plus long d’une lettre ; il s’agit alors de « babka », là-aussi une femme déjà d’un âge avancé, une mémère en quelque sorte.

Mais le mot « baba » peut aussi être employé pour désigner une femme qui sera tout le contraire d’une bobonne, qu’elle soit méchante bonne femme ou gentille grand-mère. En argot, et ce en tchèque comme en slovaque, une « baba » peut en effet être une belle jeune femme, une fille attirante, une fille « attractive » – atraktivní baba, comme disent parfois les Tchèques.

Nettement moins « attractives », en revanche, sont le plus souvent les « hajzlbáby », les femmes de ménage chargées de la surveillance, du bon fonctionnement et du nettoyage des toilettes installées dans les lieux publics, femmes auxquelles vous devez donner cinq ou dix couronnes au moment d’entrée selon la nature de votre besoin urgent. Là aussi, « hajzlbába » est un mot d’argot puisqu’il s’agit littéralement de « la bonne femme des chiottes ». En français, on parlera plutôt, et ce de façon beaucoup plus élégante et délicate, de « madame pipi »… D’un autre côté, il suffit d’avoir été contraint de se rendre ne serait-ce qu’une fois dans les toilettes par exemple des gares tchèques pour comprendre que l’on peut difficilement parler d’autre chose que de « hajzlbába ».

C’est donc avec la « madame pipi tchèque » mais en pensant plutôt aux « atraktivní baby » que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». On se retrouve dans quinze jours pour d’autres découvertes tout aussi indispensables sur l’usage de la langue tchèque. D’ici-là, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !