Šafářová, si près, si loin

Lucie Šafářová et Serena Williams, photo: ČTK
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La belle histoire n’a pas eu la fin espérée. Lucie Šafářová n’a pas remporté le premier titre du Grand Chelem de sa carrière, samedi, à Roland-Garros. Malgré un break d’avance au début du troisième set, la logique a été respectée et la Tchèque s’est inclinée contre Serena Williams (3-6, 7-6, 2-6) en finale des Internationaux de France de tennis. Sacrée pour la troisième fois sur la terre battue parisienne et vainqueur de son troisième Grand Chelem consécutif après l’US Open et l’Open d’Australie, l’Américaine a surtout décroché le vingtième titre dans un des quatre tournois majeurs de sa carrière. Loin de pouvoir s’enorgueillir d’un tel palmarès, Lucie Šafářová, dont le rêve, à 28 ans, se limitera quelque temps encore au moins à la conquête d’un titre du Grand Chelem, peut se consoler avec sa victoire en finale du double dames à Roland-Garros, dimanche.

Lucie Šafářová et Serena Williams,  photo: ČTK
Si notre stagiaire français à Radio Prague a fini, au bout de quelques jours et à force de succès de la Tchèque, par apprendre à prononcer plus ou moins correctement le nom de Lucie Šafářová (prononcez « Loutsié Chafarjova » en allongeant les deux derniers « a » et en vous efforçant de marier le « r » et le « j » dans une même émission sonore), la speakerine de la cérémonie qui suit traditionnellement les finales du tournoi de Roland-Garros n’aura, elle, pas eu assez de deux semaines pour en faire autant. Qu’importe, même dans sa prononciation « po francouzsku » comme se moqueraient gentiment les Tchèques, Lucie Safarova a séduit le public français samedi.

A quatre jeux à un et 15-30 en sa défaveur sur le service de Serena Williams dans le deuxième set, et alors qu’elle avait déjà concédé le premier, on a bien cru que les carottes étaient cuites pour Lucie Šafářová et que cette finale du simple dames n’était déjà plus qu’une affaire entendue. Une formalité pour l’Américaine, une de plus, comme souvent lorsqu’elle est une des protagonistes d’une finale. Et pourtant…

Et pourtant, quelques petites dizaines de minutes plus tard, lorsqu’elle s’est retrouvée à mener deux jeux à zéro dans le troisième set, après avoir finalement gagné la deuxième manche dans le jeu décisif, on a cette fois bien cru que la gauchère tchèque touchait son rêve du bout des doigts. Seulement voilà, Serena Williams n’est pas une des toutes meilleures joueuses de l’histoire du tennis pour rien…

Pour Jan Kodeš, ancien double vainqueur à Roland-Garros (1970, 1971), la réaction de la numéro un mondiale à ce moment précis du match a ressemblé à celle des hockeyeurs canadiens, lorsque ceux-ci affrontaient autrefois les Russes ou les Tchécoslovaques :

Lucie Šafářová,  photo: ČTK
« C’était toujours comme ça avec eux. Les Canadiens jouaient, le match était équilibré, l’adversaire avait le sentiment de pouvoir les battre, puis ils mettaient un coup d’accélérateur lorsque cela était nécessaire. Et c’est tout à fait que ce fait Serena Williams aussi. Elle perdait deux jeux à zéro dans le troisième set, et c’est justement à ce moment-là qu’elle a haussé son niveau de jeu. C’est une des meilleures de l’histoire entre autres parce qu’elle sait se concentrer sur son service, enchaîner les aces et gagner les points importants dans les moments-clefs d’un match. Il ne faut pas oublier que vous aviez d’un côté une joueuse qui a remporté vingt Grands Chelems et de l’autre une joueuse qui disputait sa première grande finale. Ceci dit, je tire un grand coup de chapeau à Šafářová pour sa performance. »

Si cette finale n’a guère été enthousiasmante jusqu’au milieu du deuxième set avec une Serena Williams souveraine et une Lucie Šafářová trop en-dedans depuis le début de la partie pour espérer mieux, elle s’est ensuite clairement animée lorsque la cause tchèque semblait perdue pour finalement offrir un spectacle digne de l’événement. Et ce, même si à en croire la native de Brno, l’Américaine lui est toujours restée supérieure :

« C’était un match difficile aujourd’hui. Serena est restée concentrée et elle a très bien joué. Ca a d’abord pris l’allure d’un match qui serait vite plié, mais j’ai su revenir dans le match et remporter le deuxième set. Mais quand j’ai eu un break d’avance au début du troisième, elle s’est remise à très, très bien jouer et elle ne m’a laissé aucune chance. Elle était tout simplement meilleure que moi aujourd’hui. »

Ana Ivanovic et Lucie Šafářová,  photo: ČTK
Durant sa quinzaine parisienne, Lucie Šafářová a battu, avec d’abordMaria Sharapova en huitièmes de finale puis Ana Ivanovic en demies, celle qui était alors encore la tenante du titre et la lauréate 2008 de Roland-Garros. Mais la troisième ancienne vainqueur du tournoi sur son parcours, Serena Williams donc en finale, était d’un tout autre calibre, comme l’a reconnu sans peine la Tchèque :

« Pour moi, elle est tout simplement la meilleure. Quand elle joue comme elle l’a fait aujourd’hui et qu’elle est en forme, Serena est pratiquement imbattable. Aujourd’hui, elle a servi à 202 et 204 km/h… Elle m’a laissé une petite chance à la fin du deuxième set, j’en ai profité, mais ensuite elle a rehaussé son niveau de jeu et je dois reconnaître qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. »

A l’issue de cette finale perdue, nombreux, observateurs et anciens champions présents dans les tribunes, parmi lesquels notamment Martina Navrátilová, ont été à prédire des issues plus heureuses « les prochaines fois » à Šafářová. Jan Kodeš, pourtant pas toujours très tendre dans ses commentaires sur les meilleurs joueurs tchèques actuels, est de ceux-là :

Lucie Šafářová et Bethanie Mattek-Sands,  photo: ČTK
« J’ai dit à Lucie que cette première finale était une expérience fantastique pour elle. Mais on gagne rarement une première finale. C’est comme ça. Maintenant elle sait ce que sait. Ce dont elle a donc désormais besoin, c’est de jouer une deuxième ou une troisième finale, et elle finira par en gagner une. »

Cette quête d’un premier titre du Grand Chelem restera un des principaux objectifs d’une Lucie Šafářová dont les progrès sur de nombreux plans du jeu ont été marquants ces deux dernières saisons. Mais avant de penser à l’avenir, dans l’immédiat de cet après-première finale, c’était encore carpe diem pour la Tchèque :

« Cela restera un très bon souvenir. J’en ai, je crois, profité au maximum. L’ambiance dans le stade était très belle, les gens m’ont soutenue, c’est quelque chose de très touchant. J’espère que j’aurai l’occasion de revenir en finale et de lever ce trophée. Vraiment, je ne retire que du positif de ce tournoi. Maintenant, je vais m’efforcer d’en tirer bénéfice dans les matchs et les tournois à venir. La saison sur gazon arrive, et j’ai déjà hâte d’y être. Bref, ce n’est que du bonheur ! »

Lucie Šafářová et Bethanie Mattek-Sands,  photo: ČTK
Et ce bonheur, parce qu’après tout il n’y en a jamais assez, Lucie Šafářová en a rajouté une couche dès le lendemain en remportant avec sa partenaire américaine Bethanie Mattek-Sands la finale du double dames, comme cela avait déjà été le cas à l’Open d’Australie en janvier dernier. Et si à tout cela on ajoute enfin une septième place mondiale depuis ce lundi, soit la première apparition de la Tchèque dans le Top 10 et donc le meilleur classement de sa carrière, on peut envisager le Wimbledon qui se profile fin juin-début juillet avec une certaine impatience. Surtout si l’on se souvient que ce n’est que par une certaine Petra Kvitová, future vainqueur du tournoi et désormais n° 2 mondiale, que Lucie Šafářová avait été battue en demi-finales sur le gazon londonien la saison dernière…