Rio Mavuba : « Je suis très content d’être au Sparta Prague »

Rio Mavuba, photo: Владислав Федченко, CC BY-SA 3.0

Même s’ils ne sont pas légion, cela fait néanmoins déjà quelques saisons que l’on s’est habitué à voir évoluer des footballeurs français dans le championnat tchèque. Pour la très grande majorité d’entre eux, il s’agit toutefois de jeunes joueurs peu connus ou même inconnus pour lesquels la République tchèque représente une opportunité de lancer ou relancer leur carrière professionnelle. Alors, lorsque Rio Mavuba a signé en faveur du Sparta Prague en août dernier, cela a constitué une sacrée surprise. Mis sur le côté à Lille, l’ancien international tricolore (13 sélections), champion de France avec le LOSC en 2011, s’est engagé pour trois ans avec le plus prestigieux des clubs tchèques. A 32 ans, un choix de carrière que Rio Mavuba a longuement expliqué au micro de Radio Prague :

Rio Mavuba,  photo: Владислав Федченко,  CC BY-SA 3.0
« Cela fait maintenant deux mois que je suis à Prague, et content d’y être ! Comme je suis venu avec ma famille, il a fallu un petit temps d’adaptation, surtout que cette venue au Sparta a constitué un changement auquel je ne m’attendais pas forcément. J’avais davantage prévu de terminer ma carrière à Lille. Mais il y a eu beaucoup de changements là-bas au niveau des dirigeants, de l’entraîneur et du groupe de joueurs, et là-dessus est arrivée la proposition du Sparta. Je l’ai étudiée en me renseignant le plus possible, car, c’est vrai, il devrait s’agir de mon dernier contrat de joueur. Mais aujourd’hui, je suis très content de mon choix. »

Qu’est-ce qui vous a attiré et que saviez-vous du Sparta et du football tchèque avant de vous engager à Prague ?

« J’avais déjà joué avec des Tchèques durant ma carrière, et notamment avec David Rozehnal à Lille, ce qui m’a permis de bien me renseigner. David m’a expliqué que le Sparta était le plus grand club en République tchèque, même si cela fait quelques années que cela est plus compliqué au niveau des résultats. Il m’a parlé de ses bonnes infrastructures et aussi de la ville, ce qui était aussi très important pour moi avec femme et enfants qui sont scolarisés au lycée français. C’était donc un tout auquel s’ajoute bien sûr le projet sportif. On a envie que le Sparta regagne un titre et, personnellement, j’ai aussi l’ambition de rejouer la coupe d’Europe. »

Savez-vous pourquoi le club s’est intéressé à votre profil ? Certes, vous avez de l’expérience mais on suppose que vous aviez d’autres possibilités pour poursuivre votre carrière en France ou ailleurs à l’étranger…

« J’ai bien entendu préalablement discuté avec l’entraîneur italien Andrea Stramaccioni, qui me connaissait bien mes qualités. Il m’a dit qu’il comptait sur mon expérience et mon vécu pour encadrer un effectif jeune, surtout au milieu de terrain. L’idée est d’aider le club à grandir. Nous avons un on effectif, mais cela ne suffit pas, il faut du temps car il y a eu beaucoup de changements à l’intersaison. »

Avez-vous conscience de la « révolution » qui a été entreprise au Sparta ? Jusqu’alors c’était un club avec une équipe composée essentiellement de joueurs tchèques et complétée de joueurs slovaques. Là sont arrivés un entraîneur étranger, ce qui est rare dans le championnat tchèque, ainsi que des joueurs étrangers pour des prix relativement élevés à l’échelle tchèque. Ressentez-vous donc l’attente liée à ces grands changements ?

« David Rozenhal m’a bien expliqué que le Sparta était vraiment le club de tous les Tchèques, par rapport par exemple au Slavia moins populaire. Nous sommes donc bien conscients de l’attente. Le problème est que les résultats ne sont pas satisfaisants pour l’instant. Or, je sais de par mon expérience que ces changements nécessitent de la patience, ce qui n’est pas la principale vertu dans le football… La déception de certains supporters, et notamment des ultras, est donc compréhensible, même si la grande majorité continue de nous soutenir. C’est d’ailleurs là que l’on voit l’amour des supporters pour le Sparta, car à domicile nous ne pouvons pas nous plaindre d’un manque de soutien du public. Il faut que tout le monde comprenne que nous sommes tous là pour le bien du club. Notre motivation est la même : gagner, même si cela nécessite du temps. Mais, toutes proportions gardées, lorsque les investisseurs qataris sont arrivés au Paris Saint-Germain, cela n’a pas été facile non plus au début. Nous avons une bonne équipe et je suis convaincu que la mayonnaise va prendre. »

« Rosický est une légende vivante ici »

Tomáš Rosický,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Dès que vous êtes arrivé, vous avez participé au déplacement à Belgrade contre l’Etoile rouge en tour préliminaire de la Ligue Europa, et une semaine après, le Sparta était déjà éliminé, alors qu’une qualification pour la phase de groupes était un des objectifs du club… Par ailleurs, en championnat, le Sparta possède déjà douze points de retard sur le Viktoria Plzeň alors que seulement neuf journées ont été disputées. Vos débuts n’ont donc pas été idéaux…

« C’est clair… Je suis lucide sur le bilan du début de saison, qui n’est pas celui que tout le monde espérait. En championnat, nous sommes plutôt bons à domicile, mais nous avons laissé filer beaucoup de points à l’extérieur. D’un autre côté, Plzeň a un groupe de joueurs qui se connaissent bien depuis quelques saisons déjà et réalise un parcours parfait jusqu’à présent. Avant de penser à les rattraper au classement, il faut que nous pensions plutôt à notre propre parcours et à notre progression. Dès dimanche nous accueillons Plzeň, cela serait donc déjà une bonne chose de les faire tomber pour la première fois de la saison. »

Avez-vous découvert un championnat plus difficile que celui auquel vous vous attendiez peut-être ?

« Je savais que c’était un championnat compliqué, même si le souvenir que j’en gardais était notre victoire 5-1 avec Lille à Prague contre le Slavia en 2010 en Ligue Europa. Mais nous avions alors une grosse équipe au LOSC et le Slavia n’avait certainement pas non plus l’équipe d’aujourd’hui. La preuve que le championnat n’est pas facile est que le Sparta n’a plus été champion depuis 2014. Il y a de bonnes équipes, de bons joueurs et j’ai vite compris que l’affrontement contre le Sparta était le match de l’année pour tous nos adversaires. Les joueurs tchèques dans le vestiaire comme Tomáš Rosický et David Lafata font passer le message aux nouveaux joueurs. Il faut bien avoir conscience que le Sparta est l’équipe à battre dans tout le pays. »

Rosický était-il le seul joueur que vous connaissiez dans l’effectif du Sparta…

« Ah ça, il est ici un peu une légende vivante. J’ai suivi sa carrière notamment quand il jouait à Arsenal. Ça fait plaisir de le croiser et de pouvoir évoluer aux côtés d’un tel joueur. On sent vraiment qu’il représente beaucoup de choses ici. »

Même si vous êtes resté sur le banc des remplaçants, vous avez vécu de l’intérieur le grand derby pragois contre le Slavia. Quelle impression vous a-t-il laissé ?

« C’est une ambiance différente et on sent bien que c’est un match très particulier. Les supporters des deux camps étaient très présents. Malheureusement nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour leur faire plaisir (défaite 0-2 du Sparta sur la pelouse du Slavia). Il faudra absolument gagner le match retour. »

Même si vous avez disputé les deux derniers matchs de championnat, vous n’avez pas toujours été titulaire. Vous vous y attendiez ?

« Il faut gagner sa place comme partout ailleurs, mais cela a été délicat pour moi. D’abord parce que je suis arrivé au Sparta sans préparation physique. On m’a fait jouer après dix jours seulement d’entraînement avec mes nouveaux coéquipiers pour la 1ère journée de championnat et trois jours après j’ai disputé une heure du match retour de coupe d’Europe contre l’Etoile rouge. Puis je n’ai pas joué le match suivant en championnat, l’équipe a gagné et il était alors logique que je me retrouve sur le banc. J’ai retrouvé ma place lors de la victoire contre Slovácko, mais une blessure au mollet m’a empêché d’enchaîner derrière. Je me suis alors retrouvé en tribunes, puis de nouveau sur le banc pour le derby avant effectivement de disputer les deux derniers matchs. Je me sens très bien désormais. »

« Mes enfants apprennent le tchèque et l’anglais »

Lorsque vous affrontez des adversaires comme Slovácko, Teplice, Mladá Boleslav ou Brno, vous consultez une carte de la République tchèque avant chaque déplacement pour vous faire une petite idée des villes dans lesquelles vous jouez ?

« Oui, on se renseigne, c’est normal. Je ne connais pas de joueurs étrangers qui arrivent dans un nouveau pays et en connaissent tous les clubs. Prenez le gardien Tomáš Koubek qui a signé à Rennes. Je ne pense pas qu’il connaisse tous les clubs en France. Mais il est important de savoir la rivalité qui existe entre certains clubs, le standing et le niveau de nos adversaires, etc. pour bien s’imprégner de l’environnement. »

Dans quelle mesure le fait de pouvoir vivre avec Prague a-t-il influencé votre décision ?

« J’aurais pu avoir des propositions financièrement plus intéressantes, mais le Sparta a fait des efforts pour obtenir la signature de plusieurs joueurs à l’intersaison. Et puis je suis ici avec ma famille. Prague est une capitale et c’était une opportunité de découvrir une nouvelle culture. Mes enfants apprennent même deux nouvelles langues à l’école avec le tchèque et l’anglais. Nous ne sommes pas très loin de Paris non plus et j’avais envie de rester en Europe plutôt que d’aller en Chine par exemple. Une aventure aux Etats-Unis ne m’aurait pas déplu non plus, mais j’ai trouvé que Prague était un bon compromis. Et puis, honnêtement, le championnat tchèque est d’un bon niveau, en tous les cas supérieur à l’image que l’on peut en avoir en France. »

Même si Prague et la République tchèque se trouvent en Europe centrale, vous n’aviez donc pas peur de l’Europe de l’Est et de son football dont on a parfois une fausse image en France ?

« Non, franchement pas peur ! Je découvre, mais je ne suis pas non plus tombé dans un club inconnu. C’est le Sparta, c’est quand même le plus titré de République tchèque. Je savais donc où je mettais les pieds. La seule crainte que j’avais était liée à l’adaptation de mes enfants. Malgré tout, eux aussi étaient un peu stressés tout en étant heureux de découvrir un nouveau pays. Quitter la France, le seul pays qu’ils avaient connu jusque-là, n’était pas facile pour eux. Mais tout s’est vite bien passé et cela m’a rassuré. Quand la famille va bien, tout va bien pour moi aussi. »