Pas de Tour pour Kreuziger, soupçonné de dopage

Roman Kreuziger, photo: Procycling / Archives de Roman Kreuziger

C’est une mauvaise nouvelle pour le cyclisme tchèque. Roman Kreuziger ne participera pas au Tour de France qui s’élancera de Leeds ce samedi. Dans les médias locaux, l’annonce de la nouvelle, samedi, a fait l’effet d’une petite bombe. L’Union cycliste internationale (UCI) a fait savoir qu’elle avait lancé une procédure disciplinaire à l’encontre du meilleur coureur tchèque, 5e du Tour 2013, en raison d’anomalies figurant dans son passeport biologique, un document électronique relevant les résultats des contrôles antidopage subis par un sportif.

Roman Kreuziger,  photo: Procycling / Archives de Roman Kreuziger
Selon l’Agence mondiale antidopage, le principe de ce qui est appelé le passeport biologique de l’athlète (PBA) « est basé sur le suivi au fil du temps de variables biologiques sélectionnées qui révèlent indirectement les effets du dopage, par opposition à la détection directe traditionnelle du dopage au moyen d’analyses ». Pour aider les non-spécialistes de la question à mieux comprendre, Roman Kreuziger n’a encore jamais été contrôlé positif lors de l’un des nombreux contrôles sanguins et urinaires auxquels il s’est soumis ces derniers mois, ni même ces dernières années. Il n’a donc pas été convaincu de dopage, ni n’a été sanctionné ou suspendu pour l’heure par aucune instance internationale. Néanmoins, l’analyse des résultats des contrôles subis entre mars et août 2011 et au printemps 2012 pourrait laisser à penser que le coureur tchèque, qui évoluait à cette époque au sein de l’équipe kazakhe Astana, a eu recours à des pratiques dopantes.

Par mesure de précaution, son équipe Tinkoff-Saxo a donc décidé, avec son accord, de ne pas l’aligner au départ du prochain Tour de France. Un coup dur notamment pour Alberto Contador, dont Kreuziger devait, comme en 2013, être un coéquipier de luxe en montagne et l’aider à ramener le maillot jaune de vainqueur à Paris. Les deux parties se sont cependant bien entendu défendues. Kreuziger, tout d’abord : déjà sommé par l’UCI de donner des explications en juin de l’année dernière, le Tchèque avait fourni, à l’automne dernier, les avis de deux experts médicaux indépendants l’un de l’autre indiquant que les fluctuations du profil de son passeport sanguin ne violaient pas les règles antidopage. Le coureur n’avait plus eu de contact avec la fédération internationale jusqu'au 30 mai dernier, il y a donc un mois de cela. C’est alors que le vainqueur de l’Amstel Gold Race 2013 a été informé dans une lettre que les experts de l’instance n’avaient pas validé son explication. Conséquence de quoi, Kreuziger a ensuite cherché l'avis d'un troisième expert indépendant, lequel a fourni à l’UCI un rapport préliminaire dans lequel il conclut, à son tour, que les irrégularités du profil du coureur ne pouvaient pas relever de l'utilisation de substances dopantes.

Une explication insuffisante pour l’UCI, mais pas pour les dirigeants de Tinkoff-Saxo, qui ont réagi en manifestant leur plein soutien à Kreuziger, en affirmant qu’ils croyaient leur coureur « propre », mais aussi en clamant leur frustration, le dossier étant resté sur les bureaux des instances internationales de longs mois avant que celles-ci n’avertissent le coureur. Et forcément, à quelques jours du départ du Tour de France, où le sujet dopage reste toujours extrêmement sensible, le moment choisi pour faire l’annonce de l’ouverture d’une procédure disciplinaire n’était probablement pas le meilleur. C’est d’ailleurs ce que regrettait, entre autres, Zdeněk Štybar, dimanche, à Slavkov (Austerlitz), à l’issue de sa victoire dans le championnat de République tchèque sur route :

Zdeněk Štybar,  photo: Tomáš Adamec,  ČRo
« Cela fait déjà plusieurs fois qu’une affaire de ce type traîne en longueur. Cela n’est bon ni pour le cyclisme, ni pour les équipes, ni pour les coureurs. Je me mets à la place de Roman. Cela doit faire déjà pas mal de temps que cela est dans un coin de sa tête. Ça doit forcément le contrarier et le freiner dans ses performances. »

Pour rendre l’épreuve plus attractive, les courses en ligne des championnats de République tchèque et de Slovaquie de cyclisme sont organisées conjointement. Si Zdeněk Štybar, triple champion du monde de cyclo-cross, a donc été sacré sur route pour la première fois de sa carrière, cela n’a pas empêché Peter Sagan, deuxième à 1’’ de Štybar, d’être, lui, sacré champion de Slovaquie pour la quatrième fois. Heureux de pouvoir de nouveau porter le maillot tricolore de son pays sur les routes du prochain Tour de France, dont il a remporté le classement par points lors des deux dernières éditions en 2012 et 2013, le sprinter slovaque, interrogé par les journalistes tchèques, s’est néanmoins attardé (très) brièvement sur ce qui peut désormais être appelé « l’affaire Kreuziger » :

« A vrai dire, je ne sais pas exactement de quoi il en retourne. Mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est une bonne nouvelle pour personne. Pour le coureur, ce n’est pas facile à gérer et ce n’est pas bon pour son moral. »

Roman Kreuziger absent du Tour, les amateurs tchèques de cyclisme reporteront donc leur attention sur Leopold König et Jan Bárta. Les deux coureurs défendront les couleurs de l’équipe allemande NetApp-Endura, dont Leopold König, 9e du classement général du Tour d’Espagne la saison dernière et 11e récemment du Dauphiné libéré, sera même le leader.