Grenoble 68, l’épisode sportif du Printemps de Prague

Tchécoslovaquie - URSS, Grenoble, 1968, photo: ČOV / Musée national

Il y a cinquante ans de cela, Grenoble accueillait les Xes Jeux olympiques d’hiver. Dans le tournoi de hockey sur glace, la confrontation entre la Tchécoslovaquie et l’URSS tourne à l’avantage des premiers (5-4). Avec en filigrane une situation politique où la contestation antisoviétique n’a jamais été aussi forte de Prague à Bratislava, et un Printemps de Prague qui sera écrasé quelques mois plus tard, cet affrontement entre puissances rivales du bloc de l’Est restera comme un des grands temps forts de ces Jeux. Retour sur ce match dans le match.

Tchécoslovaquie - URSS,  Grenoble,  1968,  photo: ČOV / Musée national
Disponibles en quelques clics sur les plateformes en ligne, les vidéos du match entre la Tchécoslovaquie et l’URSS à Grenoble ont le charme suranné des images d’époque : couleurs fades, hockeyeurs intrépides jouant sans casque et maillots rouges frappés de la mention CCCP. Même désuètes, ces images accompagnées des commentaires de la Télévision tchécoslovaque retranscrivent bien l’intensité de ce qui restera comme un grand moment de l’histoire du sport.

Dans ce match mythique, les Tchécoslovaques ultra motivés battent l’URSS sur le score de 5-4. Cette victoire met certes fin à une série de cinq années d’invincibilité soviétique mais ne peut empêcher la Sborna, dans un système de poule unique sans phase finale, de repartir à Moscou avec la médaille d’or ; les Tchécoslovaques doivent se contenter de l’argent.

Les raisons de ce succès seraient à trouver dans les événements d’avant-match. L’entraîneur tchécoslovaque montre du doigt sept joueurs soviétiques : sans protection en plastique au bout des lames métalliques de leurs patins, ils sont sommés par l’arbitre de les mettre en conformité. La légende raconte que cet incident, qui a retardé la rencontre de trente minutes, a eu le don de déconcentrer le gardien soviétique, battu à cinq reprises ce jour-là.

Tchécoslovaquie - URSS,  Grenoble,  1968,  photo: ČOV / Musée national
Si le match, chargé en suspens, connaît son lot de rebondissements, c’est le contexte politique qui l’accompagne qui le fait entrer dans l’histoire du jeu et des Jeux. Arrivé au pouvoir un mois plus tôt en Tchécoslovaquie, Alexander Dubcek introduit la notion de « socialisme à visage humain » et enclenche un assouplissement du régime communiste. Cette contestation antisoviétique pèsera de tout son poids dans la détermination des hockeyeurs tchécoslovaques. La suite, c’est le Printemps de Prague auquel les soldats soviétiques, sans médaille autour du cou, viendront mettre fin en envahissant la Tchécoslovaquie, quelques mois seulement après le match dans la capitale des Alpes.

Tchécoslovaquie - URSS,  Grenoble,  1968,  photo: ČOV / Musée national
Cette année à Pyeongchang, la République tchèque tentera d’ajouter une médaille olympique à son palmarès après celles, en or et en bronze, décrochées respectivement à Nagano et à Turin il y a vingt et douze ans de cela. Les hockeyeurs russes, eux, joueront sous les couleurs des « athlètes olympiques de Russie » après que le CIO a décidé de suspendre le comité olympique russe pour l’organisation d’un système de dopage institutionnalisé lors de la précédente olympiade à Sotchi. Autre temps, autres pays, et plus non plus tout à fait la même rivalité…