Clubs, équipe nationale : le foot tchèque s’enfonce dans la crise

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Battue à domicile par la Lituanie (0-1), mardi dernier, pour son premier match éliminatoire, la République tchèque a d’ores et déjà grandement compromis ses chances de qualification pour le Championnat d’Europe 2012. Même si cette nouvelle contre-performance n’a encore rien de rédhibitoire, elle fait cependant suite à l’absence de l’équipe nationale à la dernière Coupe du monde en Afrique du Sud et s’ajoute au bilan famélique des clubs tchèques en coupes d’Europe. Une seule équipe figurera en effet sur la scène européenne cet automne. Et encore, éliminé sans gloire par les Slovaques de Žilina au 4e tour préliminaire de la Ligue des champions, le Sparta Prague a été reversé en Ligue Europa, sorte de coupe d’Europe B. Les trois autres clubs tchèques ont, eux, été éliminés de la même compétition dès le 3e tour préliminaire par des adversaires turc, biélorusse et chypriote… Depuis la partition de la Tchécoslovaquie en 1993, le football tchèque, tant à l’échelle de son équipe nationale que de ses clubs, ne s’est sans doute jamais si mal porté.

Michal Bílek,  photo: CTK
« Ce n’est pas une possibilité à laquelle j’ai pensé. Cela ne m’empêche pas de comprendre la réaction du public et des médias. Nous avons déçu les gens pour ce premier match. Mais je ne suis pas dans une situation facile. Il y avait déjà eu beaucoup de critiques au moment de ma nomination l’année dernière. A l’époque déjà, je ne faisais pas l’unanimité. Je suis bien conscient que ces critiques sont de plus en fortes et cette défaite n’arrange pas les choses. Malgré ça, je reste convaincu que cette équipe possède de la qualité et le potentiel pour finir à une des deux premières places de notre groupe de qualification. C’est pourquoi ni après le match, ni aujourd’hui, deux jours plus tard, je n’ai pensé démissionner. »

Battue à domicile par la Lituanie  (0-1),  la République tchèque a d'ores et déjà grandement compromis ses chances de qualification pour le Championnat d'Europe 2012,  photo: CTK
Jeudi matin dernier, deux jours après le cuisant revers contre la Lituanie, au siège de la Fédération, le sélectionneur Michal Bílek fait face aux questions des journalistes. Il répond par la négative à ces derniers qui souhaitent savoir s’il a envisagé de rendre son tablier après cette entrée en matière ratée. Depuis sa prise de fonctions l’année dernière une fois la non qualification pour la Coupe du monde confirmée, beaucoup, tant dans les médias que parmi le public, estime le costume de sélectionneur trop grand pour lui. Et ce sentiment s’est forcément renforcé mardi dernier à l’issue d’un match contre une équipe, la Lituanie, qui n’avait jusqu’alors ramené que des défaites et le plus souvent des valises pleines de buts de ses déplacements en République tchèque. Après onze longs mois de matchs amicaux, marqués par de nombreux essais de joueurs et de systèmes de jeu, Michal Bílek, et avec lui l’ensemble de l’équipe nationale, a déçu pour ce qui constituait sa première rencontre officielle. Michal Bílek n’a pas répondu aux attentes de victoire et de match référence, et ce malgré la présence des meilleurs joueurs, parmi lesquels le très fragile Tomáš Rosický, dont dispose actuellement la République tchèque.

Vladimír Šmicer,  photo: CTK
Il faudra s’y faire : l’époque dorée dans la première moitié des années 2000, lorsque la génération exceptionnelle des Pavel Nedved, Karel Poborsky, Jan Koller, Marek Jankulovski et autres Vladimir Smicer faisait partie des meilleures équipes européennes, est bel et bien révolue. La République tchèque doit désormais s’appuyer sur d’autres joueurs, plus jeunes et, à en juger par les résultats et la manière, moins talentueux. Le problème est que le réservoir de joueurs de qualité est limité. Le manager de l’équipe nationale, Vladimir Smicer, regrette que les nombreux essais effectués ces derniers mois ne permettent pas aujourd’hui de s’appuyer sur un plus grand nombre de joueurs de niveau international :

« C’est bien sûr une déception. On préférerait pouvoir compter sur une base plus élargie de joueurs qui ont suffisamment de qualités pour le plus haut niveau. Notre choix est limité en cas de blessures ou de baisses de forme. On manque de jeunes de qualité. »

Dans le groupe appelé pour jouer contre la Lituanie ne figurait qu’un seul joueur évoluant dans un club tchèque,  Jiří Štajner,  photo: CTK
-Dans le groupe appelé pour jouer contre la Lituanie ne figurait qu’un seul joueur évoluant dans un club tchèque, Jiří Štajner, qui en outre est rentré au pays cet été après plusieurs saisons en Bundesliga. C’est souvent le cas en équipe nationale tchèque, et ce n’est pas la seule en Europe. Malgré cela, que pensez-vous du niveau actuel du championnat tchèque et des performances des clubs tchèques en coupes d’Europe ? Les résultats cette saison sont particulièrement mauvais…

« Oui, le problème de tous les clubs tchèques, c’est que d’il y a un joueur qui est un peu meilleur que les autres, qui est légèrement supérieur à la moyenne, il part à l’étranger. Et ces joueurs ne partent plus seulement en Angleterre, en Allemagne ou en France, mais maintenant ils partent aussi pour des pays comme la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie ou la Russie. Il y a des joueurs tchèques presque partout en Europe. Malheureusement, cela fait très mal au championnat tchèque. Les équipes tchèques n’ont plus le niveau pour être concurrentielles en coupes d’Europe. C’est un gros problème car le coefficient UEFA baisse de saison en saison. Cela fait déjà plusieurs années que les supporters n’ont plus vu la Ligue des champions à Prague ou ailleurs. C’est avant tout un problème financier. Mais il faut trouver d’autres solutions. »

Vladimír Šmicer et Michal Bílek,  photo: CTK
Une équipe nationale en manque de résultats positifs depuis le dernier Euro 2008, des clubs qui ne supportent plus la comparaison en coupes d’Europe : les performances enregistrées depuis plusieurs saisons déjà sont la confirmation que le mal dont souffre le football tchèque est profond. Mais pour Vladimír Šmicer, il s’agit d’abord d’un problème au niveau de la formation des jeunes joueurs. Et pour y remédier, l’ancien Lensois et Bordelais pense qu’un travail de longue haleine est nécessaire, comme celui que s’efforce actuellement de mettre en place la fédération tchèque :

« Il faut d’abord changer notre façon de travailler avec les tout petits. On a commencé cette saison : les jeunes jouent désormais sur des terrains réduits en 4 x 4 et non plus seulement en 7 x 7 comme avant. Cela va leur permettre de toucher plus souvent le ballon et de disputer plus de duels en un contre un. Ce sont des choses qui manquent à nos joueurs aujourd’hui, qu’ils ne sont pas capables de faire, et qui nous manquent au plus haut niveau. On veut donc changer ça. Ca demande du temps mais il faut commencer maintenant. Il faudrait aussi plus de centres de formation. Ce sont des choses qui coûtent beaucoup d’argent mais il faut le trouver pour pouvoir investir dans les jeunes et les plus petits. »

Les Espagnols nous montrent comment il faut jouer,  photo: CTK
-C’est vrai que quand on regarde une équipe comme l’Espagne, on voit des joueurs manieurs de ballon, même les milieux de terrain récupérateurs ou les défenseurs, qui techniquement sont très au-dessus du lot. C’est précisément ce type de joueurs que l’on a du mal à trouver en République tchèque ?

« Tout à fait, c’est pourquoi je suis si content que l’Espagne ait gagné la Coupe du monde. Les Espagnols nous montrent comment il faut jouer. Tous leurs joueurs, quel que soit leur poste, sont capables de tout faire avec le ballon. C’est ça le foot. Ca me fait plaisir que ce soient eux qui montrent aux autres la voie à suivre. »

Selon Vladimír Šmicer, l’Espagne championne du monde est donc une référence, un modèle à suivre pour aider le football tchèque à sortir de la crise. Mais cela nécessitera sans doute beaucoup de temps avant que ses résultats se rapprochent ne serait-ce qu’un peu de ceux du football espagnol.