Karlovy Vary 2001-2003 : Marie-José Nat, Jean-Marc Barr et Jean-Michel Roux au micro de Radio Prague

Les fêtes nationales des 5 et 6 juillet coïncident chaque année avec le Festival international du film de Karlovy Vary, la fête du cinéma la plus prestigieuse dans le pays, aussi réputée dans le monde entier que Cannes, Venise ou Berlin.

Le prix principal du Festival - le Globe en cristal
Parmi les quelques 3 500 festivals du film organisés aux quatre coins de la planète, celui de Karlovy Vary fait figure d'un des plus anciens : il a été fondé en 1946. Autre particularité : organisé dans le cadre assez exceptionnel d'une charmante station thermale, c'est un festival très cinéphile. En même temps, avec ses plus de 200 films qui figurent habituellement à l'affiche (certains étant présentés en première européenne ou mondiale), il est une sorte de vitrine de la production d'Europe centrale et orientale. Et plus encore : pour mémoire, c'est à Karlovy Vary qu'ont entamé leur brillante carrière internationale des films comme « Les Choristes », « Le fabuleux destin d'Amélie Poulain » ou « Nowhere in Africa ». Quant aux stars dont les pieds ont foulé le tapis rouge et qui ont posé devant les photographes en sortant du très chic hôtel Pupp, leur liste serait trop longue : ne citons que Sharon Stone, Robert Redford, Roman Polanski, Nastassja Kinski, Liv Ulmann, Michael York, Jacqueline Bisset, Carlos Saura, Gael Garcia Bernal... et je m'arrête là...

Radio Prague vous propose, aujourd'hui et dimanche prochain, de rencontrer des acteurs et réalisateurs français venus au festival ces six dernières années.

L'actrice Marie-José Nat a été deux fois membre du jury à Karlovy Vary : en 1970 et en 2001... 31 ans séparent ces deux dates, 31 ans, au cours desquels tout a changé : le pays, le régime, la ville, le festival. On écoute Marie-José Nat, en juillet 2001 :

« A l'époque c'était triste et pesant... Les Tchèques étaient malheureux et moi, je ne pouvais pas être ici uniquement en spectatrice. J'en garde un souvenir très bouleversant et exceptionnel, d'autant qu'aujourd'hui les choses ont, grâce au ciel, bien changé... J'ai l'impression de découvrir une nouvelle ville, les gens heureux et souriants. Vous avez aussi un président pour qui j'ai la plus grande admiration (Vaclav Havel, ndlr). J'ai fait partie des acteurs qui avons milité, à l'époque, pour sa libération. Et puis, à l'époque du Printemps de Prague, j'avais connu Jiri Menzel, dans un festival. Je l'ai retrouvé en 1970, mais lui, malheureusement, n'était pas autorisé à venir au Festival de Karlovy Vary. C'était la mauvaise époque, pour lui. Mais nous ne nous sommes pas perdus de vue, nous sommes restés fidèles à notre amitié. J'ai connu également, pendant ce Festival de 1970, Krzysztof Zanussi qui, je dois dire, avait été très courageux. J'étais assez virulente sur le choix qui avait été imposé concernant le Grand prix. Je me suis battu pour qu'un film anglais remporte, parce qu'il me paraissait le plus méritant. Krzysztof Zanussi a été courageux, car il n'était pas facile pour lui de me suivre... »

Le film a gagné, finalement ?

« Oui, c'était un film magnifique de Ken Loach. C'était incontestablement le meilleur film de la sélection ! Mais les autres membres du jury étaient un Yougoslave, un Hongrois, un Bulgare, un Tchèque et puis un Polonais, Krzysztof. Il pensait la même chose que moi et je pense que les autres aussi, mais ils n'osaient pas le dire... »

Une autre rencontre qui ne s'oublie pas : celle avec Jean-Marc Barr, champion de plongée dans la célèbre aventure sous-marine, « Le Grand Bleu ». En juillet 2002, le public de Karlovy Vary a découvert un autre Jean-Marc Barr, réalisateur d'une trilogie consacrée à la liberté de pensée et à l'amour et dont les trois volets s'intitulent « Lovers », « Too Much Flesh » et « Being Light ». Jean-Marc Barr, en juillet 2002, à Karlovy Vary...

« Je suis né d'un papa militaire américain et d'une maman française... Dans ce genre de vie, tu changes d'endroit tous les deux, trois ans. Dans ma vie, je n'ai pas pu rester quelque part plus longtemps que quatre, cinq ans. Donc je n'ai pas de maison, je vis dans une valise, je suis nomade. C'est comme dans un cirque. On se laisse ouvert à plein d'aventures. Où je m'identifie un peu plus, c'est l'Europe. Il n'empêche que mes idées de liberté, de qui je suis sont beaucoup formées par mon côté américain. C'est pourquoi j'ai tourné cette 'Free Trilogy' avec mon partenaire Pascal Arnold : j'ai toujours pensé que la liberté individuelle ne peut que nourrir la liberté collective et que cette poursuite est une obligation pour chaque individu. Cette chose a été bien apprise aux Etats-Unis, en Europe, c'est en train de se former. »

Personnellement, vous vous sentez libre ?

« Oui ! Je sais que c'est une illusion. Mais pour être libre, je ne lis pas les journaux, je ne regarde pas la télé, je n'ai pas de portable, je n'ai pas de voiture... J'ai le privilège de vivre ça. Mais je suis très vigilent et résistant à ce genre de propagande, de plus en plus forte et juvénile, qui existe actuellement aux Etats-Unis. Ce n'est pas une bonne direction. On a énormément de travail devant soi pour défendre le mot démocratie. »

Dans votre « Free Trilogy », Maxime dit à sa soeur, journaliste de télévision : « Tu n'a pas d'opinion et en plus, tu te fais payer pour ça. » Que pensez-vous des médias ?

« C'est comme chez les acteurs. Il y en a qui sont bons, mais la plupart sont cons. La presse, surtout à l'Ouest, a été neutralisée par rapport à la commercialisation de notre culture. Il faut bien cacher les opinions, parce qu'elles peuvent faire peur aux lecteurs. Ils ne regarderont pas la pub pour la télé juste à côté... Cette mentalité est très dangereuse, un peu comme la mentalité communiste, peut-être, dans son obsession de contrôler. A Los Angeles, le journal est épais comme ça, mais tu as trois pages d'infos et quatre-vingt pages de pub ! Cette absurdité est dangereuse. La jeune génération devrait être vigilante, elle se laisse influencer par des Game Boys et des films très virils et idiots dans leur désir de communiquer. On peut être manipulé très vite. Notre société n'a pas encore appris grand-chose, il me semble. »

Nous sommes en 2003, toujours à Karlovy Vary qui a accueilli, cette année-là, la 39e édition de son Festival international du Film... Karlovy Vary, un endroit magique et doté d'une énergie particulière, due à ses sources thermales... Ce n'est pas ma propre définition, quoique je la trouve juste, mais celle du cinéaste français Jean-Michel Roux, sensible aux mystères de la vie et de la nature... En 2003, son documentaire « Enquête sur le monde invisible », tourné en Islande, a été sélectionné en compétition de films documentaires à Karlovy Vary. Jean-Michel Roux :

«J'ai découvert l'Islande en 1990, à l'occasion d'un repérage pour un projet de film de science-fiction, où je cherchais des décors des aires volcaniques. Je suis venu là-bas pour faire des photos, pendant deux semaines. J'ai fait le tour du pays et j'ai habité chez des gens. J'avais la chance d'être accompagné par une régisseuse franco-islandaise ce qui me permettait d'établir un contact plus intime avec les habitants. J'ai découvert que beaucoup de gens avaient des contacts avec des elfes ou des trolls. A l'époque, je ne parlais même pas des autres sujets, concernant les extra-terrestres et les fantômes. Une personne sur trois avait des contacts et les autres, ce n'est pas qu'ils croyaient en ces phénomènes, mais c'est qu'ils savaient qu'ils existaient. On ne doute pas de la parole de son mari, de sa femme, de sa tante ou de son grand-père...Cela m'a impressionné et pendant des années, j'étais obsédé par ces témoignages. J'ai pensé que c'était trop inhabituel, comme une anomalie. J'ai compris que ces gens-là n'avaient aucune raison de mentir, donc... Qu'est-ce que ça voulait dire ? »

Les interviews intégrales sont disponibles en version sonore.