Quelle place pour la Tchéquie dans l’UE ?

Photo: European Parliament, CC BY-NC-ND

Quelle place pour la République tchèque dans l’Union européenne à l’heure où celle-ci se cherche un avenir ? C’est la question que nous avons posée à l’eurodéputé Pavel Svoboda, élu sous l’étiquette chrétienne-démocrate, dans son bureau du Parlement européen à Strasbourg. Mais le parlementaire est d’abord revenu sur un des sujets majeurs de division au sein de l’UE actuellement, celui des quotas de relocation pour les réfugiés, que les pays centre-européens refusent catégoriquement…

Pavel Svoboda,  photo: Filip Jandourek
« A propos des réfugiés, il y a deux questions. La première, c’est la question des quotas dont on pouvait présumer dès le début qu’ils ne marcheraient pas trop. Et c’est évident à partir des chiffres disponibles. L’autre question, c’est de savoir si les Etats membres, comme la Tchéquie, sont prêts à remplir les obligations légales, contraignantes, même si ces obligations ont été adoptées par une majorité qualifiée contre la République tchèque. C’est ce qu’on appelle l’Etat de droit et maintenant on va voir si l’Etat de droit est aussi important pour la Tchéquie que pour les autres pays.

Si l’on regarde la première question, les migrants en Tchéquie, on voit qu’il n’y a presque personne. Donc il est difficile de se défendre en invoquant la sécurité, en disant que les migrants poseraient problème en Tchéquie. Ce n’est pas le cas. Comme vous le savez, il y a des élections parlementaires au mois d’octobre, donc je conclus que tout cela est peut-être un jeu politique qui fait partie de la campagne électorale, où certains hommes politiques essaient de gagner des points politiques chez les citoyens tchèques qui sont contre les migrants. Selon moi, c’est le vrai contexte de cette problématique. »

Vous dites que le système ne fonctionne pas. Mais n’est-ce pas aussi parce que des pays comme la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, refusent qu’il fonctionne ?

« On voit que la condition préalable à ce système, c’est qu’il existe un système de contrôle préalable de sécurité aux candidats à la relocalisation qui fonctionne et ce n’est pas le cas. On parle en théorie de 160 000 personnes mais il n’y a pas autant de personnes qui ont passé ces contrôles de sécurité. Nous sommes largement en-dessous de ce chiffre. En réalité le système ne fonctionne pas dès le début, lors de l’acceptation de ces personnes. »

Mais alors que faire selon vous avec ces réfugiés ?

« Bien sûr, dans le débat il ne faut pas oublier qu’on parle d’êtres humains qui rencontrent de graves problèmes chez eux et qui ont besoin d’une protection internationale. Je suis désolé que cet aspect ait presque disparu dans le débat tchèque. »

N’avez-vous pas peur que la République tchèque, et les autres pays d’Europe centrale, s’isolent du reste de l’Europe sur ce sujet ?

« Oui, vous avez raison parce qu’en Europe centrale, on a peut-être un peu plus de populisme ou bien nous voyons ces problèmes différemment par rapport aux pays occidentaux, aux vieux Etats membres. Bien sûr, les quatre pays de Visegrád s’isolent un peu et c’est regrettable. On parle beaucoup dans ce contexte de manque de solidarité à propos des quatre pays, mais en fait, si vous regardez de près ce qui se passe maintenant en Europe, vous voyez qu’un manque de solidarité existe aussi parmi les anciens Etats membres : par exemple la discussion sur le salaire minimum, celle sur la qualité différente de la nourriture au sein des différents pays, etc. Cela montre qu’une érosion du marché intérieur existe, et pas uniquement de la faute des pays orientaux. »

Mais peut-être que sur la qualité des produits alimentaires, c’est aussi de la responsabilité des industriels. Vous pensez que c’est de la responsabilité des Etats occidentaux de faire en sorte que les industriels proposent les mêmes produits alimentaires partout en Europe ?

Rencontre Macron - Visegrad,  photo: ČTK
« Je ne suis pas certain qu’on puisse parler de la responsabilité des pays occidentaux. Ce sont des chaînes de supermarchés surtout qui organisent cela. Mais il doit exister une volonté parmi les vieux Etats membres pour faire en sorte qu’on évite cela. Quand les Etats de l’Europe de l’Est ont adhéré à l’UE, la situation était la suivante : l’industrie y était faible et on a ouvert les portes aux capitaux et aux sociétés de l’Ouest, qui ont pris une bonne partie du marché oriental européen. Il me semble que ces sociétés, ces chaînes de supermarchés, abusent de cette position en écoulant des produits de qualité inférieure à l’Est pour des prix qui sont, soit les mêmes que dans les vieux Etats membres, ou bien même plus élevés. Les citoyens savent cela, surtout les citoyens tchèques puisque dans les régions frontalières, il est assez populaire d’aller acheter des produits en Allemagne. Donc, nous sommes bien conscients de cela et on se pose la question de savoir pourquoi la Commission européenne ne fait rien contre ce phénomène. »

Cela rejoint un autre problème, celui du niveau de vie. Les Etats d’Europe centrale et orientale sont sortis il y a plus de vingt-cinq ans du communisme et il y avait alors peut-être l’espoir, surtout en intégrant l’Union européenne, de rattraper assez vite le niveau de vie des Etats occidentaux. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas pour la Tchéquie par rapport à l’Allemagne et à l’Autriche. Comment faire en sorte qu’il y ait une convergence ?

« C’est la conséquence naturelle de cette ouverture des marchés en 2004, dès l’adhésion de nos pays à l’Europe. Parce que les sociétés occidentales étaient prêtes économiquement et donc, ce que l’on fait chez nous, c’est de la sous-traitance pour les entreprises occidentales. Donc l’avenir pour les pays comme la Tchéquie est de s’orienter vers les biens à valeur ajoutée et de ne pas fonctionner uniquement comme des sous-traitants pour les pays occidentaux. Mais cela demande beaucoup de patience de notre part. »

Politiquement, il y a plusieurs visions concernant l’avenir de l’Europe. L’une d’entre elles veut qu’un groupe de pays puisse avancer plus vite que les autres dans l’intégration. Craignez-vous que la République tchèque, qui ne dispose pas de l’euro, ne fasse pas partie de ce groupe ?

Photo: diema,  Pixabay / CC0 Public Domain
« Je le crains oui parce que du point de vue pragmatique, notre économie, l’économie tchèque, est liée à celle de l’Allemagne. 80% voire 90% de nos exportations vont vers l’eurozone. Donc il est clair, à mon avis, qu’il serait logique pour nous d’avoir l’euro comme monnaie. La raison pour laquelle nous n’avons pas l’euro est plutôt politique ou idéologique. Je crains que l’idéologie et la politique nationaliste puissent avoir un impact dans ce contexte au détriment de tous les Tchèques. »

Quelle est finalement votre vision de la place d’un pays comme la République tchèque au sein de l’Union européenne ?

« Je pense qu’un pays comme la Tchéquie pourrait beaucoup plus contribuer à la force de l’Union européenne. Nous sommes un pays au centre de l’Europe et nous pourrions donc le développer au niveau des infrastructures. Notre réseau d’autoroutes est assez faible, les trains à grande vitesse n’existent pas encore… La République tchèque pourrait contribuer à ce que l’Europe soit beaucoup plus accessible. Aussi, au niveau politique, je pense que l’héritage du passé communiste pourrait beaucoup plus être exploité au profit de tous les Européens. Parce que si on parle de la démocratie, de la liberté, ce sont les pays orientaux qui savent ce que c’est de ne pas avoir de démocratie, de ne pas être libre. »