Place Venceslas by night : rabatteurs, prostituées et touristes éméchés

Photo : Alexis Rosenzweig

Si vous êtes récemment venus visiter la capitale tchèque et avez flâné en soirée sur la principale place du centre-ville, vous vous en êtes forcément rendus compte, les établissements appelés « cabarets » ou « night-clubs » pullulent. Pour les autres, voici le tableau : la nuit tombée, la Place Venceslas devient le lieu de fréquentation privilégié de prostituées, de touristes éméchés et de rabatteurs en anorak fluo qui tentent de les attirer dans ces « cabarets », en fait des bordels.

Photo : Libor Kukal
Il est possible bien sûr de croiser dans le centre-ville d'autres types de personnages et d'ambiances, comme dans d'autres capitales européennes, mais il faut bien l'avouer : de nuit, la place Venceslas est glauque, balisée par des « sport-bars » et « cabarets » bondés de touristes venus goûter à la bière et aux femmes bon marché.

Jakub a 25 ans. Il est Tchèque et a travaillé pendant plusieurs mois dans un des ces « cabarets/night-clubs » qui bordent la place :

Photo : Alexis Rosenzweig
« Ma fonction, c'était d'accompagner les clients et de leur expliquer le système du club. La première possibilité était de payer 500 couronnes pour l'entrée, boire un coup et voir les danseuses. La deuxième possibilité était de choisir directement une fille et de monter dans une chambre, payer 2500 couronnes pour une demi-heure ou 3600 couronnes pour une heure. »

Pour le noctambule qui traverse la place Venceslas, la première chose qui saute aux yeux sont tous ces gens habillés aux couleurs criardes de ce genre d'établissements, des rabatteurs en orange, rouge, ou bleu vif qui distribuent des prospectus et tentent d'attirer le passant. Chose étrange : la majorité de ces rabatteurs sont d'origine africaine. Didier est Ivorien. Il est en République tchèque depuis quelques mois :

« La plupart d'entre nous fait ce métier car nous sommes des demandeurs d'asile, et par conséquent nous n'avons pas le droit au travail pendant une certaine période, d'après ce que je sais de la législation tchèque. Pour ne pas être à la merci des autres, on préfère s'activer de cette manière, pour être responsable de soi-même. C'est l'une des rares activités que l'on peut exercer. Je suis diplômé, titulaire d'une licence d'histoire. Donc on peut mieux faire, mais il faut bien attendre qu'on nous donne la possibilité de le faire. »

Une jeune Slovaque habillée aux mêmes couleurs que Didier fait le même job que lui sur la Place Venceslas. Elle confie pouvoir gagner jusqu'à 20 000 couronnes par mois avec les commissions qu'elle touche lorsqu'elle ramène des clients. Evidemment, les rabatteurs comme Didier sont loin de gagner autant : il est plus facile de convaincre les clients d'entrer dans un bar quand on est jeune et blonde, et leurs taux horaires et commissions sont inférieurs.

« Il n'y a pas de découragement par rapport au fait qu'on se retrouve dans la rue en train d'orienter les touristes. Il y a toujours un profit : nous rencontrons des gens d'horizons divers, on essaie de discuter et puis l'avantage c'est que moi par exemple j'apprends à parler anglais. C'est une des motivations pour être là le soir : on essaie d'apprendre des langues. Je parle un peu anglais maintenant, ce que je ne faisais pas avant. »

« Le but, c'est de rester dans un endroit où on trouve la paix, où on ne se sent pas menacé pour des raisons qui nous ont poussés à demander l'asile. La République tchèque est un endroit très calme. On ne rencontre pas de problèmes avec les Tchèques qui sont très accueillants avec nous, on essaie d'échanger les cultures. Beaucoup d'entre nous apprennent le tchèque... »