Olympiades de français : « Les professeurs de français dans les régions tchèques ont vraiment le feu sacré »

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Lundi, l’Institut français de Prague accueillait en ses murs les épreuves nationales des Olympiades de français, dernière phase d’un concours de langue qui fait suite à des Olympiades régionales organisées dans tout le pays. Une cinquantaine d’élèves de collèges et lycées tchèques ont planché lundi sur leurs examens, 12 d’entre eux étant à la fin récompensés pour leurs efforts par des cours offerts dans diverses alliances françaises du pays ou par des livres. Rencontre, dans cette émission, avec des professeurs, des élèves mais aussi avec Florence Saint-Ygnan, responsable de la francophonie et de la promotion du français dans le cadre de l’Institut français. Elle a rappelé au micro de Radio Prague la naissance de ces Olympiades.

« Les Olympiades sont organisées par le NIDV, l’opérateur du ministère de l’Education nationale tchèque. Il existe des Olympiades pour toutes les matières, y compris la physique, la chimie, les mathématiques et les langues. Les Olympiades sont nées il y a une vingtaine d’années, et celles pour le français datent d’il y a une quinzaine d’années. »

En quoi consistent ces Olympiades ?

« C’est le résultat d’une coordination entre l’Association des professeurs de français de République tchèque, la SUV, et de l’Institut français. Le NIDV propose dans les régions aux élèves des différentes écoles type ‘základní škola’ et ‘gymnázium’, où le français est enseigné, de se présenter aux Olympiades régionales, qui sont des épreuves de compréhension orale, en interaction avec un locuteur natif ou un professeur tchèque francophone, qui ressemblent beaucoup aux épreuves du DELF, niveau A1, A2, B1, B2. Sur 14 régions, il y a environ 1 200 élèves qui passent les épreuves régionales. Après ces épreuves où les élèves concourent en régions, il y a une sélection qui est terrible puisque seuls 54 élèves sont amenés à défendre les couleurs de leur région et de leur école à Prague, pour les épreuves nationales comme ce lundi. »

En quoi consiste l’épreuve nationale ? Est-elle différente de l’examen régional ?

« Non, on reprend la même thématique de concours : au départ, des épreuves de compréhension totale, et ensuite des épreuves en tête à tête avec un jury de deux personnes. Il y a d’abord une description d’image et des échanges autour de photos et d’images proposées. Ensuite, on tire au sort un sujet et là on est plus dans l’argumentatif, dans un échange bien structuré de la part des élèves. »

A ce propos, est-ce plus proche du genre de choses qu’on demande en France ? L’idée est de mieux formuler sa pensée, et il ne s’agit plus uniquement de la langue en soi ?

Florence Saint-Ygnan,  photo: LinkedIn
« Oui. Les épreuves des Olympiades ont été conçues dans l’esprit très français de l’argumentation et de la défense de son opinion. Les questions proposées par les professeurs de la SUV, en collaboration avec l’IFP, ont à cœur de développer l’esprit critique. Donc, en effet, les sujets, selon les niveaux, peuvent porter sur une argumentation autour de l’actualité, mais aussi sur des faits de la vie quotidienne dans lesquels il faut prendre parti. Un exemple de sujet serait : tu as demandé à ta mère d’aller au cinéma mercredi soir alors que tu n’as fini tes devoirs, peux-tu argumenter pour justifier que tu peux vraiment sortir ? C’est donc proche de la vie des jeunes, mais cela demande une argumentation construite. »

Vous qui vous occupez de la francophonie et de la promotion du français dans le cadre de l’IFP, rappelez-nous la place du français et de l’enseignement du français en République tchèque ?

« Le nombre d’étudiants, de personnes qui suivent un enseignement du français que ce soit dans le système éducatif tchèque ou des structures privées comme nous, au service des cours de l’IFP, des petits aux adultes, on compte environ 43 000 apprenants de la langue française. La langue française est en quatrième position après l’anglais, l’allemand et le russe. Mais nous constatons depuis quelques mois un renouveau de la langue française et en particulier en lien avec un programme que nous avons lancé avec la Télévision tchèque qui s’appelle ‘Apprendre le français avec la Dame blanche’. Ce programme a pour but de sensibiliser les jeunes enfants, non francophones à la base, à la langue française, en partant des dessins animés tchèques. C’est Chantal Poullain qui a prêté sa voix à la Dame blanche et Radio Prague avait parlé de ce projet, d’ailleurs. Grâce à ce type d’actions et du travail continuel des enseignants, nous notons une empathie pour la langue française qui se traduit par une stabilisation de nos effectifs dans les écoles et lycées. Nous avons vraiment des équipes de professeurs en régions comme à Prague qui ont le feu sacré pour le français. C’est grâce à eux que cette langue continue à vivre dans les régions tchèques et à Prague. »

Isabelle Guisnel,  photo: Site officiel de l'Institut français de Prague
Isabelle Guisnel est directrice de l’Institut français de Prague. Pour elle, ces Olympiades de français permettent aussi de mesurer la motivation des jeunes à l’heure actuelle pour l’apprentissage du français et la découverte de la culture française :

« Comme c’est organisé par étages, régional puis national, oui, ça nous permet de voir en profondeur le réseau français en République tchèque qui n’est pas dans l’état désespéré que parfois on lui prête. D’abord, la qualité est là. On a des professeurs qui sont très demandeurs d’outils pédagogiques. Donc on a un gros travail de communication interne et externe à faire sur les outils qui sont en place. Et puis, pour qu’un outil soit intéressant, il faut qu’il y ait une interaction avec ceux qui l’utilisent. C’est pour cela qu’on met en place ce type d’échanges. Les Olympiades est un temps fort, on récompense les élèves, en présence de leurs professeurs et de leurs parents. Cela permet aussi de faire prendre conscience à tous ces acteurs non seulement de la force du réseau, mais aussi des nouveaux outils qu’ils peuvent utiliser. »

Markéta Peroutková est professeur de français à Třebíč, dans la région de la Vysočina, et Jitka Joanidisová enseigne la langue de Molière à Cheb, dans une région frontalière de l’Allemagne, à l’ouest du pays. Elles nous parlent de leur expérience d’enseignantes :

MP : « J’enseigne à des élèves âgés de 11 à 18-19 ans. »

JJ : « Chez nous, c’est la même chose, nous avons deux cycles : le cycle long où nous commençons avec des enfants en 3e année. Le français est enseigné en seconde langue. Et après, nous avons le cycle court qui dure quatre ans. »

Combien d’élèves avez-vous présenté cette année aux Olympiades ?

JJ : « Cette année, j’ai deux candidates au niveau B1 et B2. »

MP : « Nous aussi, notre école a présenté deux candidates, au niveau A1 et B2. »

Est-ce que les élèves vous disent pourquoi ils choisissent le français en deuxième langue, plutôt que l’allemand ?

MP : « Mes élèves me disent toujours que c’est parce que la langue est belle… »

Photo: Tomáš Rasl / Site officiel de l'Institut français de Prague
JJ : « Dans notre région, c’est un peu différent, car Cheb est à 6km de la frontière. C’est plutôt la langue allemande qui est en général favorisée. Mais quand même, de temps en temps, on trouve des enfants qui sont très motivés par le français, soit parce que c’est une belle langue, ou alors parce qu’ils ont des amis en France… Mais dans notre région, c’est quand même plus compliqué ! »

Avez-vous des retours d’anciens élèves qui ont continué le français par la suite, ou qui l’utilisent dans leur vie professionnelle ?

JJ : « Ça me fait toujours plaisir quand j’apprends que mes élèves continuent le français à l’université. Actuellement, j’ai un élève qui a quitté le lycée en 5e année et qui est à Dijon. Il va donc terminer le lycée en France. Je suis évidemment très fière car il a commencé avec moi. J’ai aussi une ancienne élève qui finit ses études à Paris. »

MP: « Moi aussi, je suis en contact avec d’anciens élèves. Certains sont déjà adultes d’ailleurs. J’ai un élève qui continue à étudier le français à la fac. Sinon, beaucoup voyagent dans différents pays francophones et utilisent donc la langue. Comme ma collègue, j’ai une élève qui a étudié une année en France, et elle a fini avec un baccalauréat français. J’étais très fière ! »

Noor Mostefa a 14 ans et Petr Kabounek a 15 ans. Tous deux étudient le français et ont participé à ces Olympiades :

NM : « J’étudie dans une école de langues à Zlin. J’ai choisi le français parce que c’est une belle langue et que j’aime beaucoup la France. C’est un pays avec une grande histoire. »

Tu fais partie des sélectionnés pour les épreuves nationales des Olympiades. Tu étais surprise ?

Photo: Site officiel de l'Institut français de Prague
NM : « Oui, j’étais très surprise car cette année j’ai aussi passé les examens nationaux d’admission au lycée. Donc je n’ai pas eu beaucoup de temps pour préparer ces Olympiades. Je suis très heureuse d’être ici. »

Et toi, Petr, d’où viens-tu ?

PK : « Je suis dans un lycée de Brno. J’ai choisi le français parce que j’avais le choix entre cette langue et l’allemand. Et je pense que le français est plus beau. Je n’aime pas trop l’allemand. »

En quoi consistaient les épreuves de cette année ?

NM : « On a eu de la compréhension orale, avec deux exercices et on a parlé d’un sujet. On a décrit une image… »

Et le sujet d’argumentation, c’était quoi ?

PK : « J’ai reçu la photo d’un restaurant. Il fallait décrire la photo, dire ce que les gens mangeaient etc. Après, comme thème de discussion, c’était : quel livre j’ai acheté. »