« Les Tchèques doivent apprendre à être plus tolérants et ouverts d’esprit »

Michaela Froňková, photo: Archives du ministère des Affaires étrangères

Suite et fin de l’entretien avec Michaela Froňková, ambassadrice de la République tchèque au Maroc. Après avoir évoqué la volonté de la République tchèque de retrouver sa place sur le marché marocain et de pénétrer le marché africain, ou encore l’évolution du rôle de la femme au Maroc dans le monde de l’entreprise, Michaela Froňková a d’abord expliqué, au micro de Radio Prague, dans quelle mesure les Tchèques, de plus en plus nombreux à voyager au Maroc, étaient informés de la situation dans le pays :

Michaela Froňková,  photo: Archives du ministère des Affaires étrangères
« Bien renseigner nos concitoyens est un des buts de notre travail, mais c’est aussi dans l’intérêt des opérateurs de voyages. Mais je crois que les Tchèques savent que le Maroc est un pays qu’ils peuvent visiter sans aucun problème. »

-Ces échanges sont-ils réciproques ? La République tchèque dispose également d’un important potentiel touristique susceptible d’intéresser une nouvelle clientèle marocaine…

« Oui, les Marocains sont eux aussi des grands voyageurs. Mais c’est comme pour les Tchèques qui voyagent au Maroc. Une ligne aérienne directe entre les deux pays résoudrait beaucoup de choses. Actuellement, les Marocains qui veulent venir en République tchèque sont obligés de passer par Paris, Francfort ou Bruxelles. Cela complique donc déjà pas mal leur voyage. Lorsqu’ils sont à Francfort ou à Bruxelles, ils y restent. C’est normal. Il ne faut pas que les choses soient trop compliquées pour les gens. Malheureusement, je n’ai pas de chiffres concrets pour les touristes marocains en République tchèque. Mais tout le monde connaît Prague, qui est vraiment notre carte de visite, même ici au Maroc. Mais les Marocains apprécient aussi beaucoup le tourisme thermal. Ils connaissent tous Karlovy Vary et Mariánské Lázně, y compris leur prononciation. »

Photo: Ard Hesselink,  CC BY-NC 2.0
-Quelle est la présence économique du Maroc en République tchèque ? Ce marché intéresse-t-il les Marocains ?

« Oui, parce que, aujourd’hui, les exportations sont extrêmement importantes pour chaque pays. Nos chiffres d’affaires progressent régulièrement. Aujourd’hui, nous en sommes à 285 millions de dollars par an, alors que nous n’en étions qu’à 32 millions. L’évolution est donc clairement positive. Mais les exportations tchèques au Maroc sont toujours plus importantes que celles du Maroc en République tchèque. Celles-ci se font surtout dans le secteur agro-alimentaire avec les agrumes, fruits et légumes, mais aussi dans le textile, la maroquinerie ou encore à travers quelques produits électriques. Mais ce ne sont pas des chiffres très importants. »

-L’usage du français peut-il constituer un obstacle dans les échanges entre les deux parties ?

Ivan Jukl,  photo: Archives du ministère des Affaires étrangères
Ivan Jukl, directeur de la section économique au ministère des Affaires étrangères : « C’est quelque chose dont j’ai discuté avec le président de la chambre de commerce de Marakech. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il ne s’agit que d’une barrière psychologique. Les Tchèques pensent qu’il est indispensable de parler français avant même d’essayer de faire quelque chose sur le marché marocain ou dans le Maghreb. Mais c’est faux. Tout le monde parle anglais. Dans le monde des affaires, tout le monde fait usage de l’anglais sans problème. Il faut donc venir sur ces marchés, voir, faire une première expérience et trouver un moyen de communication. Mais encore une fois, aujourd’hui, le français n’est pas un obstacle réel. »

Michaela Froňková : « Cela m’étonne toujours de voir à quel point le contact humain et direct reste important, même si nous vivons dans un monde de communication virtuelle. Le contact humain reste indispensable, surtout ici au Maroc, mais cela est vrai partout. Si vous êtes nouveau sur un marché, il faut y aller, être patient et flexible. Les Tchèques doivent aussi apprendre à être plus tolérants au niveau de l’état d’esprit. Ce que veulent les Tchèques, ce sont des résultats, et si possible le plus rapidement possible. Or, les choses ici se passent un peu différemment. Il faut venir plusieurs fois, nouer des relations humaines et ensuite on peut parler affaires. »

Souriya Otmani,  photo: Archives de la région de Hradec Králové
-Récemment s’’est tenu à Prague le festival des écrivains, dont l’édition 2014 mettait le Maroc à l’honneur. Quels échos en avez-vous eus ?

« Mon homologue, madame l’ambassadeur du Royaume du Maroc Souriya Otmani, a comme toujours fait du très bon travail. Ce festival a été un grand succès et il n’est pas resté sans échos ici au Maroc. Je suis en contact avec plusieurs artistes qui étaient invités à Prague. Nous souhaitons qu’il y ait une continuité, car l’aspect culturel est également extrêmement important dans nos relations. »

-Y a-t-il un projet tchèque concret envisagé au Maroc ?

« Oui, nous aimerions organiser quelque chose de similaire de façon à promouvoir la littérature tchèque et slave au Maroc. Nous voudrions que la Chambre des conseillers du Maroc s’engage dans ce projet et participe à cette coopération. »

Milan Kundera,  photo: Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0
-Quels sont les auteurs tchèques qui peuvent intéresser les Marocains ?

« Kafka et Kundera ! Oui, oui, je sais ce que vous allez me dire, mais il faut commencer avec des auteurs bien connus pour ouvrir la porte aux autres. Les gens aiment bien pouvoir s’identifier, or ce sont deux de nos auteurs parmi les plus connus. »