Association pour la protection des papillons : pour le maintien de la biodiversité

Photo: Jan Skyva

L’Association pour la protection des lépidoptères ou papillons, Společnost pro ochranu motýlů (SOM), s’est fixée la tâche de recueillir des informations sur les problèmes liés à la protection des papillons et à leur environnement, et de fournir ces connaissances à divers professionnels et institutions publiques ainsi qu’au grand public. L’association compte une quarantaine de membres, provenant tant bien de la Moravie, de Prague ou du sud de la Bohême, et qui sont alors communément appelés les « motýláři » (motýl signifiant papillon), mot qui peine à trouver sa traduction en français. S’il sera bien question de passion dans notre rubrique, nous allons tenter de rejoindre par l’autre bout d’autres thèmes pas moins liés à la sphère de la faune. Radio Prague a rencontré trois membres de l’association, qui ont également essayé de tirer la sonnette d’alarme.

« Motýláři », les passionnés des papillons

Photo: Barbora Kmentová
La passion pour la nature et.. les papillons. C’est bien ce qui a réuni Jan Skyva, Josef Korynta, et František Fiala autour de l’Association pour la protection des papillons. Afin de nous y retrouver, il existe entre 150 000 à 170 000 espèces décrites dans le monde, réparties en plus de 126 familles. Notre première question a donc été de savoir quel est ce chiffre pour les contrées de la Bohême et de la Moravie. Même si les subdivisions de papillons doivent être faites en fonction des huit écozones ou régions biogéographiques, comme le paléarctique ou l’écozone afrotropicale, et non en fonction des pays, on compte à l’heure actuelle 161 espèces de papillons de nuit et 3 428 espèces de papillons de jour. Jan Skyva a décrit à quelles occupations l’association se livre-t-elle principalement :

« Il y différentes types d’activités. Tout d’abord on fait des recherches au sein de différentes réserves ou zones militaires. Nous effectuons aussi des entretiens des espaces forestiers, et tout cela en coopération avec l’Agence pour la protection de la nature et du paysage (Agentura ochrany přírody a krajiny). Mais nous sommes aussi en relation avec l’étranger, comme Josef et moi qui avons fait des recherches dans les Alpes italiennes. Nos activités à l’association ne se limitent pas seulement à la République tchèque, mais sont aussi vastes à l’étranger. »

Photo: Jan Skyva
Si le SOM est d’une partie formée de semi-professionnels, issus de l’Université agricole ou de l’Institut de recherche forestière, il repose essentiellement sur la participation d’amateurs, ayant bien évidemment d’autres occupations professionnelles comme l’indiquent les métiers de nos interviewés : Jan est constructeur, Josef ouvrier du bâtiment et František serveur. Par ailleurs, il y a uniquement trois entomologistes professionnels en République tchèque : au Musée de Prague et à l’Institut entomologique du Sud de la Bohême. La seule société officielle pendant la période communiste et qui perdure de nos jours reste la Société entomologique à l’Académie des Sciences (Česká společnost entomologická při Akademie věd).

Si un dada nait de façon spontanée, la protection des papillons est un dada très onéreux en temps et argent, mais qui, selon les « motýláři », n’est pas possible d’apprendre. Malgré cela, les papillons peuvent aussi représenter une sorte de mine d’or. Jan Skyva a précisé que certains amateurs avaient pour seule vision celle de l’argent, en raison de différentes ventes aux enchères. Quelle est alors l’état de la législation actuelle ? Nous écoutons František Fiala :

Photo: Jan Skyva
« Bien évidemment la législation de nos jours est très sévère et restreignante dans certains Etats, et justement les personnes qui font cela pour l’argent, nous font mauvaise réputation, mauvaise réputation parce qu’elles sont arrêtées, puis entendues, et cela fait les choux gras dans les médias. Souvent, ils vont jusqu’à enfreindre la loi. Ils nous créent souvent de grands problèmes à nous, qui faisons cela par intérêt pour la nature. »

Un cadre législatif de protection flou

Mais František Fiala s’interroge toutefois sur ce thème relatif de la stigmatisation du criminel:

Photo: Jan Skyva
« D’une manière générale, la législation est faite de telle façon qu’elle rend pratiquement impossible aux jeunes ‘motýláři’ de commencer avec ce dada. Et pourtant la plus grande perte des insectes en général et des papillons n’est pas due au fait que des collectionneurs courent avec des filets, le problème réside dans la dévastation intégrale du paysage, de l’environnement, du développement de l’automobilisme etc. »

Même si l’on ne connaît pas tous les modes de communication entre les papillons, la pollution électronique semble également être un facteur qui influencerait sur leur comportement. Par rapport aux nombreuses évolutions que subissent les paysages, les papillons le payent chers. František Fiala poursuit :

« Depuis de nombreuses années déjà, nous observons que le nombre des différentes espèces est en diminution. C’est un phénomène universel. Là où quelques années il y avait des papillons par centaines ou milliers, on en trouve des dizaines, ou alors il n’y a que quelques derniers individus. L’évolution sera probablement la suivante : certaines espèces mourront ou le nombre de celles qui seront exigeantes dans leur alimentation diminuera. Les écailles des steppes disparaissent, les Cuivrés des marais disparaissent, parce que le marais disparaît lui aussi. Puis on constate une augmentation des espèces, qui sont sobres, endurantes, et qui survivent « sur n’importe quelle décharge », mais toujours au détriment des autres espèces. »

Photo: Jan Skyva
Afin de réaliser un monitoring adéquat et distinguer la spécificité de chaque papillon dans divers lieux, chaque recherche doit durer au moins cinq ans. Et que répondre à ceux qui considèrent cette activité comme « condamnable » ? František Fiala répond :

« Dans la nature nous n’attrapons évidemment pas les papillons facilement identifiables comme les machaons ou les aglais. Mais il y a des dizaines de papillons qui ne peuvent être clairement identifiés, c’est ceux-là que nous prenons et sur lesquels nous effectuons une analyse plus détaillée. Du point de vue de la loi, tuer un animal protégé n’est pas une infraction mais un crime. Le problème, c’est que les personnes qui critiquent nos activités commettent inconsciemment ces crimes tous les jours, seulement parce qu’ils utilisent leurs voitures par exemple. Faites une fois le trajet entre Prague et Brno, puis dévissez le couvercle du refroidisseur, vous verrez des dizaines d’insectes, de bourdons, tous protégés mais tués. Alors lorsque l’on voit ce flux inimaginable de milliers de voitures.. On est persuadé que le transport est aussi une des raisons contribuant à la diminution du nombre de papillons. »

Préserver les papillons, c’est préserver la chaîne alimentaire

Comme cela a été dit précédemment, l’Association se rend également en dehors des frontières tchèques, comme en Italie ou en France. Si nos « motýláři » ne cachent pas leur respect à l’égard des spécialistes français, dont la littérature leur sert de référence, Josef Korynta se souvient d’une déception vécue précisément en France :

« Nous avons découvert une localité magnifique près de la commune de Fayence, en Provence. Nous étions émerveillés par la diversité de la flore et de la faune. Puis nous sommes revenus trois ans après, il y avait une barrière et je ne sais si pour des raisons de construction, tout a été démoli. Peut-être qu’avec le temps il y aura des jardins, mais toute la faune que nous y avons vue a été complètement détruite sur une superficie de dix hectares. Si des entomologistes français avant été là avant nous, ils auraient peut-être pu conserver cet endroit et par là sa nature. Car de toutes les localités de ces environs nous n’en avons pas découvertes une qui soit similaire à celle de près de Fayence. »

Photo: Jan Skyva
Dans la mesure où le chemin vers une agriculture durable semble toujours plus difficile, et où même les sociétés rurales ont tendance à adopter un mode de vie de sociétés urbaines, les insectes sont les premières victimes des nouvelles technologies apparues pour faciliter l’action de l’homme. Dans ce sens František Fiala conclut :

« Nous craignons qu’il ne soit question d’un processus irréversible. Le problème c’est que les papillons font partie de la nature et des chaînes alimentaires, auxquelles sont liés les oiseaux, les chauves-souris et d’autres mammifères. L’homme est placé au sommet de cette pyramide, alors ce n’est qu’une question de temps quand ces aspects négatifs se projetteront sur la population humaine, même si personne ne peut aucunement le prévoir. Mais cela viendra. »

http://www.lepidoptera.cz/about/