La République tchèque et l'Union européenne : les mythes et les faits

La vie de chaque jour, à Prague ou dans les autres villes, ce sont aussi des histoires diverses, des racontars, des mythes, des « on dit »... En ce qui concerne l'adhésion de la Tchéquie à l'Union européenne, les langues, les stylos, les crayons, les claviers vont bon train. Nous avons donc choisi de vous présenter ce que l'on raconte et ce qui est vrai, dans ce qui attend les citoyens tchèques après l'entrée de leur pays à l'Union européenne.

Avant d'être concret, il convient de dire que les diverses fausses informations parviennent aux Tchèques pour des raisons différentes. La moins grave, peut-être, réside dans des fautes de traduction ou des difficultés causées par une terminologie différente. Une autre raison : l'idée, assez répandue parmi les Tchèques, que l'Union européenne n'est qu'une formidable machinerie bureaucratique. Une troisième raison, beaucoup plus grave, celle-ci : les fausses idées sur l'Union européenne sont formulées par des politiciens, d'une manière intentionnelle, avec pour objectif l'affaiblissement du soutien de l'opinion à l'adhésion de la Tchéquie à l'Union. Ces agissements peuvent être dangereux, car ils peuvent influencer, négativement, la pensée des Tchèques, qui seront appelés à se prononcer sur l'entrée de leur pays à l'Union, lors d'un référendum.

Quels sont donc ces mythes dont nous parlons ? Les voici, comme les a présentés le quotidien national, Lidove noviny, sur la base des informations fournies par le ministère des Affaires étrangères.

Premier mythe important, un sujet dont on parle à tout bout de champ, un peu dans tous les pays, à la veille des élections : les impôts. La rumeur publique laisse entendre que les impôts payés par les contribuables tchèques iront remplir les caisses des autorités européennes à Bruxelles. Faux ! La seule chose que les pays membres paient à Bruxelles sont les contributions, en majorité représentées par une partie fixée de la TVA et des droits de douanes : environ 1,15 % du PIB, actuellement, 1,27 % à l'avenir. Les impôts restent perçus par les pays membres qui fixent, également, leur taux.

Un autre thème d'actualité en liaison avec l'entrée de la Tchéquie à l'Union : les Décrets du Président Benes. La République devrait les abolir, à son entrée à l'Union. Pas du tout, car cette question n'est soulevée que par deux Etats membres, l'Allemagne et l'Autriche. Il est peu probable que ces deux pays bloquent l'adhésion de la Tchéquie et, en plus, il n'a pas été démontré que ces décrets seraient contraires à la législation européenne.

Les prix : il paraît que les prix devraient énormément augmenter. C'est vrai, mais tous les experts sont d'accord : après l'entrée de la Tchéquie à l'Union, les salaires et les prestations sociales devraient augmenter aussi. Les expériences de pays comme le Portugal ou la Grèce le confirment.

On entend, aussi, souvent dire que le taux de chômage sera énorme. Le contraire est vrai, car la libre circulation du capital créera de nouveaux emplois et la qualité de membre de l'Union apporte, aussi, la libre circulation des personnes.

Passons, maintenant, aux choses un peu plus drôles...

Parmi les boissons alcoolisées, à part la bière, les Tchèques consomment, aussi, du rhum et de la slivovitz, une eau de vie de prune. Les rumeurs courent que ces deux alcools traditionnels seraient interdits par l'Union. Le problème doit être expliqué, car ce n'est pas la vérité. Il est vrai que le rhum disparaîtra des étalages, mais seulement l'appellation de la boisson. En effet, les normes européennes ne permettent l'utilisation de l'appellation rhum que pour les alcools fabriqués à base de canne à sucre. Le rhum tchèque ne l'est pas. Il faudra donc trouver un autre nom. Pour la slivovitz, la Tchéquie bénéficiera d'une dérogation durable et d'un plus faible impôt à la consommation. Le problème était que les normes européennes ne comptent pas avec le procédé de fabrication de l'eau de vie tchèque, plutôt morave. On ajoute à celle-ci, après une première distillation, de l'alcool et on distille, encore, deux fois. Pas de problème, c'est une technique traditionnelle, comme la production du Tokay, par exemple.

Beaucoup plus risibles ou comiques, d'autres affirmations dénuées de tout bon sens. Jugez-en vous-mêmes : les couvercles des cuvettes des toilettes devront avoir des dimensions répondant aux normes européennes. De même pour les ruches des abeilles, les cercueils, les lampadaires des rues. Il paraît que même les préservatifs seront soumis aux normes de Bruxelles ! Encore plus rigolo : les bananes ou les concombres devront être tout droits, car s'ils sont courbés, cela complique leur emballage.

Remettons les choses au point : il est clair que toutes ses informations sont fausses. D'autres, comme par exemple, celles concernant les plats traditionnels, ou les spécialités tchèques, sont déformées. Le rôti de boeuf à la crème assorti de knedliky, ou les petits fromages d'Olomouc ne seront nullement interdits. Par contre, les fabricants, les restaurateurs et les hôteliers devront se plier aux normes européennes, en ce qui concerne l'hygiène, dans leurs établissements, surtout dans la préparation et la conservation des aliments. Ces normes existent, déjà, en Tchéquie, mais elles ne sont pas très respectées.

Des informations un peu plus sérieuses : Les vignerons tchèques et moraves peuvent dormir tranquilles. Pas question, en effet, d'interdire leurs vins. D'un autre côté, certains produits viticoles devront changer d'appellation. Cela concernera, par exemple, les vins dont le nom est d'origine française, italienne, espagnole ou allemande.

Mauvaise nouvelle pour les fumeurs : le prix des produits de l'industrie du tabac augmenteront, surtout celui des cigarettes. C'est vrai, mais pas immédiatement après l'adhésion. La Tchéquie bénéficie d'une dérogation, les prix augmenteront progressivement, mais les salaires aussi. Pas de programme américain à la télé tchèque ' Pas du tout, la norme de la télévision sans frontière établit que 50 % seulement des programmes doit être de production européenne. Etant donné que cela concerne tous les programmes, pas difficile de passer deux films US, le soir, avec des magazines européens, dans la journée, et le tour est joué.

Changement de l'apparence des panneaux de circulation, des prises de courant ? Erroné, des changements ont lieu, mais pour des raisons pratiques et non pas sous le diktat de Bruxelles. Et enfin : fermeture des centrales nucléaires tchèques ? Pas du tout, bon nombre d'autres pays membres en possèdent. Le nucléaire cela plaît ou cela ne plaît pas. La réalité est telle que la Tchéquie a déjà refermé le chapitre énergétique avec l'Union.

Le mot de la fin : « Tu sais, après qu'on sera en Europe - dit un Tchèque à l'autre, devant une bonne Pilsner Urquell - on pourra plus parler en tchèque ! Il faudra parler l'anglais, le français ou l'allemand ». L'autre, un peu plus informé, de lui rétorquer : « T'as rien compris du tout. Au café, tu continueras à parler le tchèque, mais au travail non » ! En effet, A l'Union européenne, toutes les langues peuvent être utilisées, mais les langues de travail sont vraiment l'anglais, l'allemand et le français.

Intéressant de constater que les Tchèques ne se font pas, tellement, de soucis pour leur monnaie nationale, la couronne appelée à disparaître. Peut-être que l'euro leur plaît !