Après Microcosmos, Genesis sort cette semaine dans les salles tchèques

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Pribeh modre planety - Histoire de la planète bleue, c'est le titre choisi par le distributeur tchèque pour le dernier film des réalisateurs de Microcosmos, sorti en France sous le nom de Genesis. Claude Nuridsany et Marie Pérennou sont venus à Prague présenter ce dernier film qui sort jeudi en salle. Microcosmos racontait l'histoire de la vie dans une touffe d'herbe, cette fois Genesis raconte l'histoire de la vie tout court.

Claude Nuridsany : « Dans Microcosmos on partait effectivement d'une touffe d'herbe mais au cours du film, me semble-t-il, on s'aperçoit que ce qui se passe dans cette touffe d'herbe, avec ces personnages étranges que sont les insectes, c'est au fond le petit théâtre de la vie, qui se rapporte à un sujet beaucoup plus vaste. De la même façon, dans Genesis, on part de l'apparition de l'univers pour montrer dans quelle mesure cette très grande histoire de l'univers, des galaxies, des étoiles a un rapport direct à notre petite histoire, à chacun d'entre nous, à notre destin individuel. Genesis, c'est un peu ça : mettre en parallèle le très grand et le plus intime. Donc vous le voyez, il y a encore tout un grand mouvement entre un début qui peut sembler écrasant et le cours du film, où finalement les choses nous concernent de façon beaucoup plus existentielle, puisqu'on fait allusion à ce qui fait le tissu même de la vie, le début de la vie, les développements avant la naissance, l'amour bien entendu - qui a un rôle tout à fait essentiel -, et puis la mort qui est évoquée... »

Ce « conte » est raconté par un griot africain. Comment vous est venue cette idée ?

C.N : « L'idée du griot africain est venue très tôt lorsqu'on a travaillé sur le scénario puisqu'on a travaillé pendant deux ans sur le « casting » et le texte. En fait, c'est un film dans lequel il y a énormément d'animaux, mais c'est un film qui essentiellement parle de l'homme. Il se trouve que le fait d'être vivant est une chose que nous partageons avant tout avec les animaux. Et donc les animaux, pour nous, sont des « interlocuteurs » : par leurs actions, ils peuvent répondre à beaucoup de questionnements sur la vie. Et la présence du conteur à l'écran comme un véritable acteur nous semblait essentiel, parce qu'au fond il faut que l'homme soit incarné dans cette espèce de grande ronde des vivants et des non-vivants. On a choisi un conteur africain pour deux raisons. D'abord l'Afrique, on le sait aujourd'hui, est le berceau de l'Humanité, et puis l'Afrique est encore le territoire des contes, de la tradition orale. Et bien que ce griot ne raconte pas un conte africain - il raconte ce que chacun d'entre nous peut savoir aujourd'hui de l'origine de toute chose -, nous avons voulu donner à cette histoire de l'univers et de la vie une coloration de conte, parce qu'en fait c'est un peu un conte à dormir debout, si on peut dire. »

Et le choix de ce formidable acteur, Sotigui Kouyaté, que l'on connaissait des films de Youssef Chahine ou de Little Senegal est venu comment ?

Marie Pérennou : « Nous l'avions vu au théâtre il y a plus de dix ans, avec la troupe de Peter Brooke, dans La Tempête, de Shakespeare, et il nous avait éblouis, puis nous l'avons vu bien souvent après. Et quand l'idée d'un conteur nous est venue pour Genesis, on a immédiatement pensé à lui, à cause de sa présence, de la musique de sa voix. On a écrit le texte en pensant à lui, et une fois que le texte a été terminé, nous l'avons contacté. On avait beaucoup le trac, mais il a complètement adhéré au projet. Autrement, je me demande même si on aurait tourné le film... »

Quelle est votre scène préférée ?

M.P : « Personnellement, je ne sais pas si j'ai une scène préférée. Si, une séquence préférée, celle sur la circulation du sang, le coeur, et juste avant on voit des embryons humains et animaux, tout est entremêlé. J'aime le rythme de cette séquence, la musique (signée Bruno Coulais, ndlr) et aussi ce lien que nous avons voulu montrer tout au long du film, cette espèce de fraternité entre nous et les animaux. »

C.N : « Cela dépend des jours, et puis on ne veut vexer aucun acteur animal (rires)... Mais lorsqu'on filme, on est toujours fasciné par la grâce, la façon de bouger. C'est vrai que ce sont des acteurs extraordinaires et fascinants à regarder, parce que tous leurs gestes ont une sorte de perfection. »

Alors votre acteur préféré ?

C.N : « Je pensais entre autres au crabe violoniste, qui vit dans les mangroves de Madagascar. Le mâle a une pince hypertrophiée qui lui sert un peu d'étendard. Cela finit par attirer quelques femelles, et puis une femelle finit par choisir un mâle. Il la pousse alors très discrètement à l'intérieur de son terrier, et qu'il referme par un petit couvercle de sable humide, avec une sorte d'élégance dans la façon de prélever du sable qui est parfaite. Je ne suis pas certain qu'un humain poussant sa jeune fiancée dans une chambre d'hôtel aurait la même élégance dans la façon de fermer la porte... »

Personnellement, j'ai un petit faible pour le périophtalme. Où l'avez-vous filmé ?

C.N : « Le périophtalme, ou poisson-marcheur, est un héros avec la dimension presque prométhéenne du héros. C'est un poisson que nous avons filmé aussi à Madagascar, dans ces zones de mangroves. Un poisson qui est apparu assez récemment dans l'évolution, mais qui évoque de façon très très spectaculaire ce qu'a pu être la sortie de l'eau, le moment où les poissons ont vu leurs nageoires évoluer vers des pattes. Il se trouve que ce poisson a en même temps ce côté imposant du pionnier qui va conquérir enfin les terres émergées, et puis ce côté « charlot », un peu pitoyable parce que ses nageoires ne sont pas très rigides. Il a un peu l'élégance du plongeur qui sort en gardant ses palmes et qui manque de se casser la figure à chaque pas. C'est en même temps un héros et un clown. C'est vrai qu'on ne s'est pas lassé de le filmer. En plus, il a des yeux presque comme Michèle Morgan, qui font penser aux opales, à des pierres précieuses... »

Photo: Bac Film